Ce mardi soir, France 3 diffuse un nouvel épisode inédit de Capitaine Marleau, la série qui cartonne. La connaissez-vous bien ?
1. Marleau, née dans un téléfilm
L'histoire du Capitaine Marleau démarre en 2014. Un peu par hasard. La réalisatrice Josée Dayan tourne pour France 3 un téléfilm avec Nicole Garcia et Muriel Robin. Y apparaît en second rôle, une capitaine de gendarmerie jouée par Corinne Masiero. "Josée m'a dit : "On va faire un petit inspecteur un peu décalé", raconte la comédienne nordiste.
Le téléfilm "Entre vents et marées" rencontre un petit succès mais surtout donne une idée à Josée Dayan : faire du Capitaine Marleau une héroïne récurrente. «Le film a été diffusé et de façon extrêmement étrange, chaque fois que j’étais dans la rue, on me demandait qui était cette actrice qui jouait la gendarme, raconte Josée Dayan au Figaro. Et comme on m’a posé 27 fois la question, j’ai compris qu’il y avait quelque chose d’incroyable autour de Marleau. J’ai donc appelé Anne Holmes, [la directrice de la fiction de France 3, ndr] pour lui suggérer de faire une collection autour du personnage où l’ADN sera qu’à chaque fois, Corinne aura en face d’elle un grand acteur ou une grande actrice pour qu’il y ait ce face-à-face, cette attraction qu’il n’y a pas dans les autres séries.»
Depuis, en presque 4 ans, 17 épisodes ont été tournés.
2. Marleau comme Marlowe
Le nom du capitaine Marleau est une référence directe au héros de l'écrivain américain du XXème siècle Raymond Chandler. Cet auteur de romans policiers avait créé le détective privé Philip Marlowe. Josée Dayan a décidé de franciser ce nom.
Comme Marleau, on retrouvait dans ce personnage ironie et critique sociale.
3. Marleau comme Columbo
"J'voudrais pas faire mon Columbo à deux balles mais ça sent l'indice", lance Corinne Masiero dans l'épisode 1 de la série. L'autre référence assumée de Capitaine Marleau, c'est l'inspecteur Columbo.
Ce héros de série télé des années 70 était lui aussi un flic décalé. Il était incarné par Peter Falk, son imper froissé et sa Peugeot 403. Corinne Masiero a, elle, une chapka et se retrouve au volant d'une Range Rover de 1988.
La façon de mener les enquêtes, intuitive et intimiste, bien plus que scientifique, est aussi un point commun entre les deux séries.
Autre ressemblance entre Marleau et Columbo : les guests ou invités. A chaque épisode, un acteur connu et reconnu joue le rôle de la victime ou du coupable (cf plus bas).
4. La chapka vient de Fargo
Qui dit Marleau, dit chapka. Un accessoire étrange et loufoque pour une gendarme mais qui rend le personnage immédiatement singulier et identifiable. Josée Dayan l'appelle "le bonnet à oreilles de cocker" .
En fait, c'est un clin d'œil à la chapka de Frances McDormand dans le polar des frères Coen "Fargo". Selon Elsa Marpeau, citée par Télérama, il y a d'ailleurs des points communs entre l'enquetrice française et la flic du Minnesota : « Elles sont très lentes et assez contemplatives »…
5. Pluie de guest-stars (invités)
Capitaine Marleau est aussi une série particulière... Chaque épisode se regarde indépendamment et son casting est renouvelé en permanence. Gérard Depardieu, Pierre Arditi, Catherine Frot, Laura Smet, Victoria Abril, Isabelle Adjani, Benjamin Biolay, Yolande Moreau, Niels Arestrup...
Tous ont accepté de jouer un rôle principal dans un des épisodes. "Que les guests acceptent de faire ça, c'est un vrai cadeau", constate Corinne Masiero. La plupart font partie de la bande à Dayan. Des acteurs reconnus du cinéma français et qui ont régulièrement joué dans les téléfilms de la réalisatrice ("Le Comte de Monte-Cristo", "Les Misérables", "Raspoutine...").
Corinne Masiero a aussi pris l'habitude de faire allusion aux carrières de ses interprètes dans les dialogues. Exemple, à Isabelle Adjani : "Isabelle, avec un H comme dans Adèle", référence à Adèle H, de François Truffaut.
6. Marleau = Masiero
"On l'a créée pour elle et autour d'elle", dit clairement Josée Dayan, la réalisatrice de la série. Marleau c'est Masiero. "Y'a pas d'histoire de personnage, explique la comédienne. Dans Marleau, il y a beaucoup de moi. Je réécris des dialogues, des petites blagounettes, je fais des impros... C'est mon caractère à moi. Josée me laisse carte blanche. Je peux y mettre ce que je veux dedans."
"Sous la rusticité apparente, se cache une subtilité, un humour et un coeur qui bat, complète Josée Dayan. C'est quelqu'un de très humain. C'est quelqu'un qui aime se faire passer pour ce qu'elle n'est pas..."
« Quand vraiment je ne sais pas quoi foutre, je me fais passer pour une conne, confirme Corinne Masiero. Eh bien dans le personnage de Marleau, c'est pareil, les méchants ne se méfient pas, ils se livrent et c'est comme ça qu'on les déniche ! »
"Avant d'être actrice, j'ai tenu un bistrot, j'ai été femme de ménage, j'ai gardé des gosses, j'ai vendu de la came, j'ai vendu mon cul... (...) J'ai dormi dans ma bagnole", raconte aussi Corinne Masiero.
Marleau = Masiero. On l'entend dans de nombreux dialogues, y compris un peu "politiques". Réplique tirée de l'épisode "Le domaine des soeurs Meyer" : "On chope pas que les pauvres. Les riches aussi... Les patrons voyous par exemple... Nous aussi, on peut arracher les chemises quand on veut". Référence à l'affaire Air France. Corinne Masiero adore faire des allusions à l'actualité.
Dans l'épisode 15 diffusé ce mardi 9 avril, elle lance ainsi à une collègue : "Soyez pas si nerveuse, on n'est pas dans une audition au Sénat !", référence à l'affaire Benalla.
Corinne Masiero apprécie aussi le côté "rouge" du personnage. Pas étonnant quand on sait qu'elle a été candidate sur une liste Front de Gauche à Roubaix en 2014, qu'elle soutient activement François Ruffin, le député France insoumise de la Somme, qu'elle a défilé avec les Gilets jaunes ou occupé des locaux avec des intermittents.
7. Masiero, la ch'ti(e)
Corinne Masiero, grâce à Capitaine Marleau, est aussi devenue l'autre ch'ti du cinéma français. Une sorte de cousine éloignée de Dany Boon, plus rugueuse, plus déjantée et plus authentique. "Moi, j'suis de Roubaix. Quand je croise un ch'ti, j'enlève min capiot, j'lui dis, cha va ?", dit le Capitaine Marleau dans un des épisodes.
Les dialogues sont truffées de référence ch'ti. Marleau aime la bière, parle des mineurs et des corons, et a gardé son accent, plus vrai que nature, pas forcée du tout.
Née à Douai, Corinne Masiero vit toujours à Roubaix. Elle revendique haut et fort son parcours atypique dans le métier. C'est un peu par hasard et un peu tard qu'est née cette envie. "Des potes qui faisaient du théâtre à Douai m'avaient demandé de filer un coup de main pour porter du matériel", explique l'actrice dans une interview de Télérama. "La metteuse en scène organisait des trainings physiques. Je poireautais dans mon coin, elle m'a fait monter sur le plateau avec les autres pour improviser des gestes. Dès que j'ai traversé la scène, j'ai compris que c'était ma maison : plus question de redescendre !"
A 28 ans, elle intègre une troupe de théâtre. Un metteur en scène la repère. C'est le début de sa carrière. Jusqu'à interpréter le rôle principal dans Louise Wimmer : "Ce film était une "première fois" pour tout le monde : pour moi, avec un rôle principal, pour Cyril, qui était documentariste jusque-là, pour le chef opérateur, pour la première assistante, pour le producteur".
"On m’a toujours dit: «T’es grande, moche, t’as l’accent, ça marchera jamais». C’est vrai que je n’ai pas le côté rangé. Mais je me sers de mon fonds de commerce", raconte Corinne Masiero.
8. Marleau : une héroïne populaire
Les audiences record de la série (entre 5 et 7 millions de téléspectateurs, ce qui est beaucoup pour une série française) ont fait de Corinne Masiero un visage familier. Et ce, dès la diffusion du premier épisode en 2015 : "Du jour au lendemain, tout a changé. Le soir, j’avais fini un tournage, j’étais allée faire une balade avec mes potes, je dors… Au matin, les messages pleuvaient et les gens dans la rue me reconnaissaient. "
Une popularité qu'elle ne vit pas très bien. "Ma vie a changé . On m'arrête dans la rue. C'est un truc de ouf. Mais l'amour ça bloque. J'ai du mal quand on vient me dire qu'on m'aime bien. Quand on m'insulte, je n'ai pas de problème. J’ai toujours eu un peu de mal quand on me dit des mots d’amour. Alors tous ces gens qui vous sautent dessus et vous disent qu’ils vous aiment, c’est rigolo cinq minutes…
Moi, j’avais un blocage. En plus, je traversais une période très douloureuse. Je suis allée voir ma psy et ça va mieux. Ce sont des problèmes de riches. J’en connais beaucoup qui aimeraient être à ma place."
9. Marleau, une héroïne française
Baie de Somme, Côte d'Opale, Perpignan, Ile de Ré, Agen, Bordeaux, Alsace... Le tournage de la série se déroule dans des régions de France à chaque fois différentes. Notamment pour coller à l'ADN du diffuseur, France 3, chaîne des régions...
Dans plusieurs épisodes, le Capitaine Marleau raconte d'ailleurs à ses nouveaux collègues gendarmes qu'elle est mutée et qu'il va falloir l'aider à mieux connaître les coutumes locales.
Autre force de la série : chaque épisode peut être regardé sans avoir suivi les précédents. "On peut rentrer n'importe quand dans la collection. C'est un format de polar que l'on appelle bouclé, avec une intrigue linéaire à chaque épisode. On ne 'feuilletonne' pas l'histoire autour du personnage principal, dont on ne sait pas grand-chose et qui reste mystérieux", explique à franceinfo Anne Didier, conseillère de programmes de France 3.
10. Marleau, une série qui va durer ?
14 épisodes ont été diffusés depuis septembre 2015. 17 ont déjà été tournés. France 3 diffuse régulièrement des inédits et n'hésite pas à rediffuser certains épisodes. D'autres tournages sont prévus. Et la série semble loin de sa fin. C'est en tout cas le souhait de Corinne Masiero : "Je veux faire ça jusqu'à la fin de ma vie...", lance-t-elle mi-sérieuse, mi-blagueuse.
Et comme les audiences suivent... "A ce stade-là, c'est presque un triomphe, explique à France Bleu Anne Holmes, directrice de la fiction de France Télévision, à l'origine du lancement de Capitaine Marleau. On a tous été stupéfaits. (...) On manquait cruellement de comédies sur nos antennes. Et Marleau est drôle. Il y a une appétence pour le polar chez les Français. Et on a eu des guests formidables".
#CapitaineMarleau fait les belles soirées de @France3tv : 7 millions de téléspectateurs hier !
— Francis Letellier (@letellier_ftv) 3 avril 2019
Et juste après, 1,3 million de téléspectateurs pour @Le_Soir3 #ServicePublic
A ce soir 23h15
3,5 millions téléspectateurs à l'origine en 2015. Début avril 2019, 7 millions de téléspectateurs (30% de part de marché) ont regardé Corinne Masiero et Isabelle Adjani dans l'épisode 14 plaçant France 3 en tête devant toutes les autres chaînes. Record historique de la série et meilleure audience de France 3 en 2017.
Corinne Masiero a néanmoins annoncé qu'elle allait faire une pige pour TF1 : elle débutera dans quelques jours au Sénégal le tournage de "Colombine", un téléfilm dans lequel elle incarnera "une religieuse atypique". Pour une nouvelle série ?