Chaque été en Picardie, plusieurs dizaines de festivals sont organisés. Avec la crise sanitaire que le pays traverse depuis plusieurs mois et à la suite de l’allocution d'Emmanuel Macron ce lundi 13 avril, la plupart sont contraints d’annuler ou de reporter leur édition 2020.
Ils y ont cru jusqu’au dernier moment mais depuis l’allocution d’Emmanuel Macron ce lundi 13 avril, c’est l’hécatombe. Les festivals prévus en Picardie cet été sont annulés les uns après les autres. Pour beaucoup d’organisateurs, le discours du président de la République a douché les derniers espoirs de pouvoir maintenir une édition en 2020.
Emmanuel Macron n’a jamais été aussi clair : aucun rassemblement de grande ampleur n’aura lieu avant le 15 juillet, au moins. Vient alors le temps de l’acceptation, de la réaction puis de la communication, avant de réfléchir à la réorganisation au sein de structures parfois fragiles.
Entre déception et soulagement
"On s’y attendait depuis sa dernière déclaration. Quelque part, on était déjà dans l’acceptation." Ivan Grenon préside et organise les Zicophonies, à Clermont, depuis 25 ans. Pour la première fois, le festival de groupes de musique amateurs qu’il a vu évoluer n’aura pas lieu. "C’est difficile de dire aux musiciens qui ont postulé qu’ils ne pourront pas jouer."Les organisateurs ont pour point commun cet optimisme qui les a poussés à espérer jusqu'au dernier moment, à attendre un miracle tout en restant pragmatiques. Parmi les festivals picards, l'Imaginarium est un novice prometteur, créé par des étudiants de l’Université de Technologie de Compiègne. Cette année, près de 15 000 spectateurs étaient attendus à Margny-lès-Compiègne les 30 et 31 mai. Benjamin Peugeot, co-organisateur, préparait la 7ème édition avec près de 80 autres étudiants. "Jusque-là il y avait beaucoup d’incertitudes et un manque de réponses claires. Hier soir, on a été surpris que l’annonce concerne des événements jusqu’à la mi-juillet, même si quelque part c’est normal."
Pour d’autres, comme Jean-Michel Fondement qui organise le Rock’N Festival, il y a bien sûr la déception, mais aussi une forme de soulagement. "Organiser un festival comme ça, c’est toujours beaucoup de pression. Je profite de ce qui arrive cette année pour essayer de mieux revenir en 2021." Son festival, dont 60% des artistes initialement programmés sont étrangers, aurait de toute façon eu beaucoup de mal à se maintenir dans les conditions actuelles.
Sur cette carte dont la liste n'est pas exhaustive, on recense plus d'une vingtaine de festivals touchés par les mesures prises, rien qu'en Picardie.
"Les répercussions financières mettent forcément en danger le festival"
Le Festival de l'oiseau et de la nature, qui devait se dérouler en Baie de Somme du 11 au 19 avril, n’aura pas eu droit au même suspense. "Dès qu’on a su pour la fermeture des commerces, il était évident que notre festival ne pourrait pas avoir lieu", confie Marie-Agnès Boche, coordinatrice de l’événement qui fêtait ses 30 ans en 2020. "On se faisait une joie, c’est le travail d’une année qui est parti en fumée."Son annulation, annoncée il y a quatre semaines à la veille du confinement, est une onde de choc qui se répercute aussi bien sur les salariés et les bénévoles que sur les prestataires. Habituellement, l’événement qui rassemble près de 50 000 visiteurs leur permet de lancer la saison touristique. Aujourd’hui, les réservations sont encore en cours de remboursement. L’association, qui a un budget de 500 000 euros, s’apprête à vivre une année difficile, mais surmontable. "On a 30 ans d’existence et de trésorerie, cela devrait nous permettre de revenir l’année prochaine."
Malheureusement, toutes les structures n’ont pas la chance de pouvoir amortir le choc. Jean-Michel Fondement a investi de l’argent personnel pour organiser le Rock’N Festival. "On est trois organisateurs, ça pourrait être pire. Mais il y a des répercussions fincancières qui mettent forcément en danger le festival."
Pour Benjamin Peugeot, co-organisateur de l’Imaginarium, comme pour tous, ces conséquences sont encore difficiles à évaluer. "Les répercussions seront mauvaises pour nous comme pour tout l’éco-système de l’événementiel. Beaucoup de corps de métiers vont être touchés : les techniciens, les prestataires… Ce sont des secteurs d’activité très saisonniers qui vont être à l’arrêt complet pendant toute la période estivale."
Pour l’heure, les dizaines d’étudiants qui ont travaillé sur cet événement mettent tout en œuvre pour tenter d'avoir une édition en 2021.
Des subventions publiques attendues
À quelques mois voire quelques semaines des festivités, la plupart des festivals avaient déjà clôturé leur budget et finalisé leur programmation. Des acomptes et des avances versés, mais une absence de recettes qui présagent des pertes variables selon les structures. Pour se relever l’année prochaine et faire face malgré tout, certains organisateurs comptent sur différentes subventions publiques. "J’espère que les collectivités et les communes nous soutiendront" , confie Marie-Agnès Boche, du Festival de l'oiseau et de la nature.Même crainte pour Jean-Michel Fondement, qui espère pouvoir faire revenir le Rock’N Festival l’an prochain. "Pour l’instant on n’a pas de nouvelles ni de la région, ni du département. Je pense que l’on sera aidés. Dans le cas contraire, il est évident qu’il sera difficile de refaire un festival l’année prochaine. Je crains que ça ne soit fini et que l’on n’organise plus rien."
De son côté, Benjamin Peugeot, l’étudiant qui co-préside l’Imaginarium n'a pas perdu son optimisme : "On a le nez tourné vers 2021 en espérant le retour de jours meilleurs."