676 mineurs vivraient loin de leur famille à Calais. Isolés, ils sont vulnérables au trafic d’être humains et au viol. Des associations leur viennent en aide et un centre pour mineurs étrangers non accompagnés de 72 places doit ouvrir dans la "Jungle" mais les structures sont saturées.
À 16 ans, pour échapper au service militaire, Mohammed a fui l'Érythrée pour rejoindre l'Angleterre. Comme lui, plusieurs centaines de mineurs ont quitté leur pays, seuls, dans l'espoir d'une vie meilleure au Royaume-Uni, mais se retrouvent coincés à Calais où certains finissent par renoncer.
"Je ne m'attendais pas à ça"
Quand Mohammed raconte son voyage, il se souvient de ses trois semaines de marche entre l'Érythrée et la Libye, de sa traversée "dans un petit bateau gonflable avec 36 personnes" jusqu'à l'Italie, du goût du sel des vagues qui éclaboussaient son embarcation, puis de son arrivée à Calais en 2015. "Je ne m'attendais pas à ça. Je ne m'imaginais pas que les gens pouvaient dormir au sol ici", dit le jeune homme, sweat à capuche et baskets. Tous les soirs, il tentait de monter à bord des camions avec les adultes, "j'ai réussi plusieurs fois, mais on finissait toujours par se faire virer par les policiers", raconte le jeune homme en français.À Calais, ils seraient 676 mineurs non accompagnés à vivre dans la "Jungle", selon des associations. Après trois mois à Calais, Mohammed a été abordé par des travailleurs sociaux, en tournée régulière pour proposer aux jeunes une mise à l'abri. Las de ses conditions de vie, il s'est résigné à demander l'asile en France et a abouti à "La maison du jeune réfugié" à Arras, gérée par l'association France terre d'asile, où il a rejoint 30 jeunes dans sa situation.
Près de 700 mineurs isolés dans la "Jungle"
Ces maisons, implantées également à Saint-Omer et bientôt à Liévin, sont les seules structures du département dévolues aux mineurs étrangers isolés. Financées par le Conseil départemental, elles peuvent accueillir et accompagner une centaine de mineurs "en stabilisation" jusqu'à leur majorité. Les jeunes y apprennent le français et sont accompagnés pour être scolarisés, logés et régularisés.En 2015, selon l'Ofpra, sur les 15 133 mineurs qui ont demandé l'asile en France, 321 étaient mineurs isolés, soit une augmentation de 17,6% par rapport à 2014. Les jeunes qui renoncent à l'Angleterre restent une minorité, affirme Pierre Henry, directeur de France terre d'asile: "En 2015, sur les 1 400 mineurs que l'association a accueillis, seulement 90 se sont stabilisés. La plupart veulent continuer leur route migratoire jusqu'en Angleterre", affirme-t-il.
17,6% de plus entre 2014 et 2015
Par ailleurs, dans le Pas-de-Calais, "les structures de France terre d'asile sont saturées", dit Wa-Kamanzi Musafiri, directeur des centres d'Arras et Liévin, qui rappelle que ces jeunes, en France, ne sont pas expulsables.
Fin septembre, un centre pour mineurs étrangers non accompagnés de 72 places doit ouvrir dans la "Jungle". Mais, "avec 676 mineurs isolés à Calais, ce n'est pas suffisant", déplore François Guennoc, vice-président de L'Auberge des migrants. Pour l'heure, dans le camp, les associations s'organisent pour prendre en charge ces mineurs : en juillet, MSF a ouvert un centre pour les accompagner, notamment psychologiquement. D'autres structures accueillent ces jeunes la journée, à l'image du "Kids Restaurant".
Des associations pour rejoindre légalement l'Angleterre
Des associations comme le Citizens UK, accompagnent juridiquement les mineurs pour les aider à rejoindre légalement l'Angleterre. Depuis mars, 55 mineurs ont quitté Calais pour rejoindre des membres de leur famille en Grande-Bretagne dans le cadre du dispositif du regroupement familial, selon la préfecture du Pas-de-Calais. L'annonce de l'État de créer un centre pour mineurs isolés a été faite après la publication en juin d'une enquête alarmante de l'Unicef sur les mineurs étrangers seuls en France.L'étude décrivait un public vivant dans la précarité, l'angoisse, la solitude, insuffisamment protégé par les autorités. Dans ce rapport sont notamment évoquées les questions de la prostitution et du viol. "Le premier problème, à court terme, est que ces mineurs peuvent tomber dans des
trafics d'êtres humains, comme la prostitution et l'esclavage. Le deuxième problème, qui aura des conséquences sur le moyen et long terme, est qu'ils ne sont pas scolarisés", s'alarme François Guennoc.