Coronavirus : la saison sans brocantes, "manque à gagner" pour les amateurs mais réel danger pour les professionnels

Les brocanteurs professionnels, qui vivent des foires et brocantes mais n'ont aucune information sur leur avenir, lancent un cri d'alarme.

Pas de rues parsemées de brocanteurs, ni de chineurs flânant entre les pièces de collection. Les amateurs s'étaient certes fait une raison, dès le début de la crise du coronavirus et du confinement mis en place pour enrayer sa progression... mais voir les allées désertes en ce début mai n'en fait pas moins mal au cœur. Quant aux professionnels, ils craignent de voir cette situation perdurer après le déconfinement.

Côté public en tout cas, la manque est réel. "Vivement que tout revienne à la normale car cette année, c'est la cata", regrette Michèle, tandis que Virginie a "hâte que tout cela soit derrière nous et que l'on reprenne la route des brocantes".
 
 

"Une année sans"


Et côté organisateurs ? "À l'heure où je vous parle, on devrait être en train de tracer les emplacements pour les gens", nous confiait hier une Cucquoise, à la tête d'une association de quartier. La brocante, plutôt modeste, rassemblait près de 120 exposants chaque année. "Tant pis, ce sera une année sans. Ça n'engage pas la survie de l'association, mais c'est de l'argent qui devait servir à nos actions sociales, comme le Noël des enfants."

En revanche, d'autres associations sont dans le rouge. "C'est la survie du club qui est en jeu", glisse Anthony Cocquel, qui s'occupe de l'équipe amateur du Volley Ball Club de Cambrai. "Une brocante comme ça, ça fait rentrer 4500 euros dans la caisse". La sienne, organisée ce dimanche 3 mai, a été reportée au 6 septembre.

Il n'empêche que l'annulation des événements printanniers, en raison du Covid-19, "ce sont des sous qui ne rentrent pas". Et ce alors que les partenaires du club, de leur côté, risquent de réduire leur apport financier pour résister au contrecoup économique de la crise.

 

"Un coup dur financièrement"


"C'est un coup dur financièrement", confirme Sébastien Kerckhof, de l'association de quartier du Mont Sans Pareil, à Béthune, dont la brocante rassemble généralement 100 à 150 exposants. "Depuis le mois de décembre, j'avais des inscriptions." Il craint toutefois que des brocantes organisées en août ou en septembre attirent moins de monde : "Les gens ne vont pas sortir, même si je dis souvent  qu'il ne faut pas arrêter de vivre."

À Bailleul, Margot Demettre est, de son côté, dans l'expectative. "La brocante du 2 mai est annulée, celle du 23 mai également. Maintenant je suis en attente pour celle qui a lieu le samedi 18 juillet." Pour elle, renoncer à l'événement n'est pas seulement une affaire de sous. "Ça fait trente ans que je m'en occupe, et c'était la 30e édition de la brocante de Bailleul ! Ça fait un peu mal au cœur...", confie-t-elle.

"C'est un rendez-vous entre habitués, entre passionnés. Ce sont des gens que moi, je vois quatre fois dans l'année", aux quatre brocantes qu'elle organise, "le contact me manque également". Surtout qu'avec 400 exposants, l'événement ramène du monde à Bailleul. "Quand vous êtes dans la rue entre 10 heures et 14 heures, c'est plein !"

 

Côté professionnels, une situation critique


Et puis il y a ceux qui touchés beaucoup plus durement par l'annulation des foires et brocantes. "La perspective d'avenir par rapport à notre profession est nulle", regrette Régis, antiquaire professionnel de Boulogne-sur-Mer.

Depuis 12 ans, il sillonne la France de foire en foire mais s'est retrouvé sans activité professionnelle du jour au lendemain, avec l'annonce du confinement et l'annulation de tout rassemblement. 

"Nous c'est notre activité, on n'a pas d'autre revenus !" alerte-t-il, lui qui n'a récemment vendu "qu'une petite table à 114 euros", via internet. "On ne demande qu'à bosser, mais on ne nous donne aucune directive" sur la possibilité pour des brocantes de se tenir.

Lui participe en moyenne à une trentaine de foires par an, dont seize rien qu'en été. "On charge, on décharge, on charge, on décharge..." Mais de ces foires, il ne reste plus grand chose cette anneé. "Peut-être une ou deux foires en août et encore, ça dépendra des préfetsCertains salons sont même annulés à la rentrée de septembre." Ironie du sort : le professionnel envisageait cette année de revenir faire la Braderie de Lille, dont la tenue semble plus que jamais menacée.
 

 

La Foire de Chatou, raccourcie de dix jours à un seul


C'est sans parler de la Foire de Chatou, la plus importante de France qui se tient à Paris en mars et qui représente une grande part de l'activité des professionnels. Elle a été annulée après n'avoir été ouverte qu'une seule journée au public, alors qu'elle devait durer deux semaines.

Cette annulation surprise reste en travers de la gorge du président de Jean Nowicki, président du Syndicat national du commerce de l'antiquité, de l'occasion et des galeries d'art (SNCAOCA), qui l'organise et qui aurait souhaité savoir plus tôt que l'événement était menacé.

"Le but de la foire de Chatou, c'est de faire travailler nos marchands, nos adhérents, or là on nous a mis dans une sacrée panade !" confie ce Douaisien d'origine, pointant une "cacophonie pas possible" au moment de l'annonce de l'annulation des événements.
 

"Je ne minimise pas ce qui se passe" avec le coronavirus, "c'est très grave, mais je pense que la décision de fermer les lieux au public n'a pas dû être prise du jour au lendemain." Or, la foire qui s'était ouverte le jeudi 12 mars, avec l'aval de la commission de sécurité, a finalement été fermée le lendemain soir. "Ce n'est pas sérieux !" tempête le Nordiste aujourd'hui installé à Metz.

"On accuse une perte de 460 000 euros", pointe encore Jean Nowicki, qui a sollicité des banques pour qu'un prêt puisse permettre de rembourser les "divers prestataires qui ont monté les stands, l'électricité, etc. et qui ne sont pas payés parce qu'on n'a pas l'argent pour."

 
 

"On y va sans filet"


Et un report de la foire de Chatou, essentielle aux revenus des brocanteurs, au mois de septembre est envisagé mais très incertain. "Je ne sais pas comment on va faire au mois de septembre, parce qu'on ne peut pas refaire un salon dans les mêmes conditions", surtout avec les frais déjà engagés en mars. "C'est très flou et on ne pourra pas prendre le risques de commencer à organiser".

C'est également l'incertitude qui mine Régis. "On attend le déconfinement, mais on aimerait bien savoir si on peut travailler ou pas", explique le Boulonnais qui va malgré tout tenter de "préparer l'activité de la saison". "On y va sans filet ! On n'a aucune inscription." Cette situation le rend pessimiste. "Si on n'a pas d'avances de trésorerie, d'expériences sur le net, on se tire une balle dans la tête !"
 

Croyez-vous que dans une crise, les gens pensent à s'acheter une belle pièce de décoration ?


Jean Nowicki, lui, a l'espoir que  cette crise amène les autorités à se montrer "plus rigoureux avec les vide-greniers, qui font du mal aux professionnels" à travers la vente non-réglementée d'objets de valeur, par des amateurs qui ne sont pas soumis aux mêmes règles strictes.

Mais il reste un autre facteur qui inquiète les antiquaires professionnels. "Même si la saison se fait, il y aura peu de monde", craint Régis "On risque d'avoir du mal dans ce métier parce que les gens auront d'autres priorités", craint de son côté Jean Nowicki. 
 
"Croyez-vous que dans une crise, les gens pensent à s'acheter une belle pièce de décoration ?" interroge le président du syndicat. "Il y aura une boulimie d'achats, mais ce sera pas pour notre domaine..."
 
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