Covid-19 : faut-il avoir peur du variant indien ?

Nom de code B.1.617. En Inde il a relancé la pandémie. La France a instauré une quarantaine de 10 jours aux voyageurs depuis ce territoire. Philippe Froguel professeur à l’Impérial collège de Londres et à l’université Lille 2 nous explique pourquoi ce variant indien est dangereux.

Invité du 19/20 de France 3 Hauts-de-France, vous vous êtes dit "terrifié" par le variant indien. Pourquoi ?

Si vous regardez les chiffres des contaminations en Inde, c’est du jamais vu ! La courbe des contaminations en Inde est presque verticale depuis quinze jours avec 300 000 cas hier. Pourtant les Indiens avaient commencé comme nous la vaccination, leur nombre de cas de contamination était en baisse. Puis ce variant est apparu, particulièrement dans la région de Bombay. Il n’a fallu que deux ou trois semaines pour qu’il devienne majoritaire. Rappelez-vous, pour le variant britannique, il a fallu trois mois. Nous sommes donc face à un variant très contagieux.

Ce double-variant, comme on l’appelle, possède en outre des caractéristiques sur le papier qui le font ressembler tout à la fois aux variants brésilien, sud-africain, et californien. Des mutations qui pourraient lui donner une capacité d’échappement à l’immunité naturelle, voir vaccinale, mais là-dessus on en saura plus dans 15 jours.

Autre point : les médecins indiens alertent sur des cas de pneumonie chez les enfants. Il s’est passé la même chose au Brésil avec le variant brésilien.

Mais ce qui m’inquiète le plus, c’est cette histoire d’avion le 4 avril dernier, partant de New-Delhi  pour Hongkong. 22 passagers ont été testé positif au 12e jour de leur quarantaine. La quarantaine, c’est la règle en Chine. En tout 47 passagers ont attrapé le variant indien. C’est donc un variant contagieux  comme l’anglais, mais en pire, et qui peut se révéler plus tardivement.

Certains de vos confrères pointent pour expliquer cette explosion de cas toutes les cérémonies religieuses qui ont réunis des milliers de personnes les jours précédents.

Quand le sage désigne la lune, l’idiot regarde le doigt.

En Angleterre, fin novembre, la situation est très bonne à Londres. Boris Johnson qui mène contre la propagation de l’épidémie une politique territorialisée décide d’ouvrir les pubs et les restaurants le 10 novembre. Le variant anglais commence à apparaître et un mois après c’est la catastrophe. Dans une situation sans variant anglais, la catastrophe n’aurait pas eu lieu.

Deuxième exemple Dunkerque. Le variant anglais commence à arriver alors que les Dunkerquois célèbrent leur carnaval de façon plus ou moins cachée. Et on a des taux qui dépassent les 1000 cas pour 100 000 habitants. Alors que dans le reste du Nord-Pas-de-Calais la situation s’est dégradée mais plus lentement. 

À New York, le variant anglais arrive mais ils ont fait très attention, la situation est contrôlée. Dans le Michigan, les autorités ont fait beaucoup moins attention : c’est la catastrophe.

Ce que je veux dire c’est qu’un virus c’est avant tout opportuniste, ce n’est pas intelligent. Si vous avez un taux de reproduction, le R, qui passe de 1,5 à 4 c’est exponentiel, c’est multiplié par 3 927, vous avez une explosion ! C’est ce qui se passe en Inde.

Les événements religieux en Inde ont permis au virus, l’élément permissif de se développer sur un terreau favorable. Et puis ces évènements se sont passés à l’extérieur. La souche classique ne se transmet presque pas à l’extérieur mais ce variant-là, personne ne le sait. Si ces évènements à l’extérieur ont entraîné cette flambée, des questions se posent. 

Quels sont vos scénarios pour les semaines qui viennent ?

Le plus optimiste, rien ne se passe, les variants n’arrivent pas à s’implanter. 

Regardez l’Angleterre avec le variant indien, ils ont 200 cas. Les Anglais sont pourtant dans une situation de vaccination à tout va. Ils ont 1500 nouveaux cas de contaminations par jour - nous on est à 33 000 en moyenne - et malgré ça, ils ont 200 cas de variants, ça veut dire que cette sale bête sait se battre. Mais ils réussissent à la circonvenir.

Le plus pessimiste : on reste sur un plateau entre 20 à 35 000 cas par jour, toujours autant de patients dans les réas pendant encore deux mois. Les variants étrangers arrivent et ça repart de plus belle : l’été sera complètement foutu.

La seule solution pour s’en sortir ce sera de faire comme les Anglais en janvier : un confinement fort.

D’autres scénarios sont bien sûr possible entre les deux. Mais ce qui est certain, c’est qu’on n’aura pas d’immunité vaccinale cet été vu les chiffres de vaccination, ce n’est pas possible.

Que préconisez-vous pour éviter ce scénario catastrophe ?

Le gouvernement a comme stratégie une décrue lente de l’épidémie. Il sait que la vaccination va arriver et que les cibles du virus vont progressivement diminuer. Et donc progressivement, il y aura de moins en moins de morts. Et donc progressivement ça ira mieux. Ceux qui ne risquent pas grand-chose feront la maladie et seront protégés. Fin de l’été tout le monde sera content. Moi je suis opposé à cette stratégie et j’ai peur des accidents.

Ce que j’ai conseillé au gouvernement il y a déjà trois semaines, c’est de fermer les frontières, on a déjà assez de problèmes comme ça, pas besoin d’attraper ceux des autres.

Ensuite, c’est de séquencer beaucoup plus que ce que l’on fait jusqu’à présent. On ne séquence que 0,2 % de tous les cas positifs alors qu’il faudrait en faire 5 %. C’est ce qui se passe dans les autres pays et ce qu’a demandé le conseil scientifique. S’il y a une fulgurance comme ce qui est arrivé en l’Inde, avec notre façon de séquencer, on va la voir trop tard. Avec plus de séquençage, on va pouvoir faire plus de traçage. Comme on l’a fait en Moselle avec le sud-africain : ça a marché. Le variant n’est jamais sorti de Moselle. 

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