Récit de ces quelques heures au service de réanimation de l'hôpital Salengro et de l'unité COMED de l'hôpital Calmette à Lille.
Des bips continus en bruit de fond, les huit soignants de l’équipe médicale font le point devant la porte de chaque patient. Il est 10h ce lundi matin, la responsable du service de réanimation de l’hôpital Salengro de Lille, la docteure Anahita Rouze, acte les évolutions de la nuit pour ses 35 positifs au coronavirus. Pour ce malade “sur un fil”, la nuit n’a pas été bonne.
“La réanimation est vraiment un travail d'équipe”, explique cette médecin réanimateur. “Quand l’un d’entre eux est en détresse respiratoire, nous devons être tous ensemble au chevet des patients. Notre but est qu’ils sortent d’ici avec le moins de séquelles possibles”.
Après ces réunions d’équipe, il faut revêtir la charlotte, le masque canard, la surblouse et les lunettes avant d'entrer dans une chambre. Autant de protection pour les tenir hors de portée du coronavirus, autant d'étapes en préambule avant de pouvoir exercer leur métier et de soigner, expliquer et rassurer.
“Si vos enfants sont inquiets, nous pouvons organiser une visite”, indique la responsable à l'attention d'un patient. Les membres de l'équipe soignante répétent ensuite le même rituel avant de passer à un autre malade : il faut se déshabiller, se désinfecter les mains, et revêtir les mêmes protections, inlassablement.
Plus que 7 places de disponibles sur les 62 lits de réanimation
Ce lundi-là, il ne reste plus que 7 places de disponibles sur les 62 lits de réanimation. Une tension sur la possibilité d’accueil de nouveaux malades qui ne montre pas de “réelle croissance en pic de cas comme on a pu vivre comme pendant la première et la deuxième vague”, explique calmement la responsable du service. “Depuis quelques semaines, c’est une ascension très lente qui nous oblige à très progressivement augmenter notre capacité d’accueil de patients sévèrement atteints”, ajoute-t-elle.
Chantal Moudart vient à 77 ans de sortir du service de réanimation. Elle a rejoint le COMED de l'hôpital Calmette à Lille, un service hospitalier conventionnel qui accueille aussi des patients Covid, et qui a le rôle de soupape d’ajustement. Les 30 places de disponibles réunissent tous ceux qui n’ont pas besoin d’aller en réanimation, qui pourraient y aller ou qui en sortent. La septuagénaire explique, encore un peu essoufflée et toujours sous assistance respiratoire, avoir été admise à l’hôpital avec son compagnon il y a trois semaines.
Je ne comprends pas comment nous avons pu l'attraper
Lui, “diabétique et cardiaque”, n’a pas survécu. “Ils m’ont emmené une fois pour le voir, nous étions au même étage. Nous nous sommes tenus la main, mais je ne sais pas s’il m’a vraiment reconnu. Il gémissait tellement”. Pourtant, ajoute-t-elle, "depuis mars dernier, ils ne sortaient presque plus, se faisaient livrer les courses, et ne voyaient plus leurs enfants".
“Je ne comprends pas comment nous avons pu l’attraper", s'étonne-t-elle. Je faisais tellement attention. Je désinfectais tout. Mais même en se protégeant, personne n’est pas à l’abri”. Aujourd’hui, la septuagénaire va mieux : "J’appréhende de rentrer à la maison et de me retrouver toute seule, mais il faudra bien que je rentre un jour.” Sa prochaine étape : aller en centre de réadaptation pour réapprendre à marcher.
C’est justement le dernier jour de Muriel HOTTE, une autre patiente du COMED. Contaminée au variant britannique, elle a eu une embolie pulmonaire, mais a pu éviter la réanimation. Après une semaine de traitement contre le Covid-19, elle est guérie. Son mari, très ému, vient la chercher.
“Personne n’était “covidologue”. Tout le monde a été contraint d’apprendre."
“Nous avons dû apprendre sur le tas”, explique ce kinésithérapeute chargé de faire retravailler en douceur des muscles restés inactifs pendant les jours de réanimation. “Personne n’était “covidologue”. Tout le monde a été contraint d’apprendre. Le Covid-19 est une maladie qu’on ne connaissait pas. On part de rien, avec des patients qui avaient des formes graves. Quand on voit ceux qui s’en sortent, pour nous, c’est l’essence même de notre métier”, explique ce spécialiste.
Pour le Dr Rouze qui dirige le service de réanimation, il n'y a qu'une seule issue à la crise sanitaire :“Ma lueur d’espoir, c’est la vaccination. Nous soignons, et nous soignerons les gens jusqu’au bout. Jusqu’à ce qu’un nombre suffisant de personnes soit vacciné.”
Rendez-vous dans le 19/20 du lundi 22 février
Patrick Goldstein, chef du pôle de l'urgence et du SAMU du Nord au CHU de Lille, sera l'invité d'Ophélie Masure dans le 19/20 de France 3 Nord Pas-de-Calais, ce lundi 22 février.