EXCLUSIF. Coronavirus - Covid-19 : les taxis vent debout contre l'arrivée d'Uber sur le marché du transport médical

En pleine pandémie de coronavirus, au moment où l'offre de transports s'est considérablement réduite sur tout le territoire, une bataille est en train de se livrer sur le front du transport médical.

D'un côté, les sociétés de taxis pour qui le transport est un enjeu important depuis très longtemps. De l'autre, Uber, qui arrive à pas feutrés (avec Uber-medics) sur ce marché avec la bénédiction du gouvernement. Les taxis en appellent au chef de l'Etat. La profession se mobilise.

Le 16 mars dernier, Emmanuel Macron annonçait le début du confinement pour tous les Français. Un discours où il promettait notamment une mobilisation des taxis au profit des soignants, pour les aider dans leurs déplacements vers les hôpitaux.
 

Les taxis, prêts à relever le défi, sauf que...


Rachid Boudjema, le président de l'Union Nationale des Taxis, était prêt à relever le défi : « On s'est portés volontaires pour transporter les soignants, les infirmiers, même les journalistes pendant l'épidémie. Et gratuitement ! » Sauf que Stéphane Daguin, le directeur de cabinet du secrétaire d'Etat aux transports, a vite douché leur élan. « Il nous a dit : attendez, on n'a pas assez de masques pour tout le monde, vous ne serez pas assez protégés. Puis il nous a challengés en disant qu'Uber avait une proposition intéressante, et qu'il allait leur proposer une convention provisoire pour le transport de malades assis. »

Vendredi dernier, le Ministère de la santé annonçait que l'assurance maladie pourrait rembourser les factures de transport des personnels soignants sur justificatifs, qu'ils soient assurés par des taxis, ou des plateformes VTC « dans les zones urbaines denses » .
 


"Je trouve cela proprement scandaleux, vu la situation dans laquelle nous sommes, tempête M. Boudjema. L'Etat nous met dans une situation de concurrence avec une société qui ne paie pas ses impôts en France, qui dérégule le marché et qui est en train de venir nous prendre notre travail !  Tout cela pour des raisons de copinage, le gouvernement va donner la bénédiction à Uber pour venir encore plus casser nos métiers ! Le secrétaire d'Etat aux transports s'en félicite dans un tweet. Il dit même à qui veut l'entendre qu'Uber l'appelle directement sur son portable, alors que nous, nous n'avons pas son numéro de téléphone !"
   

Vers un droit de retrait des chauffeurs de taxi ?


Rachid Boudjema ne décolère pas. « Actuellement, sur les 58 000 entreprises de taxis françaises, 34 000 font du transport de malades assis. Les transports vitaux comme les dialyses, les chimios ou les radiothérapies, on les assure. On prend des risques. On a des collègues en réanimation car ils ont transporté des malades du Covid-19, notamment ceux à qui l'hôpital de Colmar a demandé de transporter des personnes atteintes vers l'hôpital de Mulhouse. Je suis en colère. »

Le président de l'UNT interpelle le chef de l'Etat et le gouvernement pour réclamer des garanties, et des moyens de protection pour les chauffeurs de taxi. Il ne s'interdit pas de demander à la profession de se mettre en retrait. « C'est compliqué en ce moment, mais il faut que les gens comprennent ce qui est en train de se passer. »
 


 

«Incompréhensible, incohérent et irresponsable»


Bruno Lambrechts non plus ne décolère pas. Pour le représentant de l'UNT du Nord, l'heure est grave : « On est habitués à faire du transport médical, ça ne s'improvise pas. Je vous rappelle qu'Uber a eu quand même beaucoup de problèmes : faux chauffeurs, agression de passagères, violences... Si demain le gouvernement les autorise à faire du transport médicalisé, il fait prendre des risques aux clients, alors qu'il faut absolument assurer leur sécurité ». 

Pour lui, « c'est politique. Je comprendrais qu'on cherche des alternatives de transports si on était saturés, mais la majorité d'entre nous est à l'arrêt ! Sur les 190 taxis lillois, seuls 20 à 30 sont en station en ce moment, on ne peut pas dire qu'on est en zone urbaine dense !. Moi je ne fais que quelques transports de personnes dialysées, ou des courses pour les personnes âgées ». Il est prêt à se mobiliser pour faire comprendre au gouvernement que sa profession est en danger. « Aujourd'hui on entend les politiques nous dire : heureusement qu'on a encore notre modèle social français...mais c'est justement ce qu'ils sont en train de tuer ! »


Uber et l'argent d'Uber


« Uber Medics », c'est la nouvelle option de transport lancée la semaine dernière par la plateforme américaine à destination des personnels de santé engagés dans la lutte contre le coronavirus. Elle est disponible à Paris, Lyon et Marseille et arrivera tout prochainement à Lille, Bordeaux, Toulouse, Nantes et Strasbourg.

Le principe : chaque soignant qui commande une course est automatiquement crédité d'une remise de 25% de réduction sur son tarif. 25%, c'est la commission qu'Uber empoche sur chaque course. Cela concerne aussi bien les personnels des établissements hospitaliers, centres de soins, que les libéraux ou les administratifs.
 


« Quand Uber dit qu'ils ne se rémunèrent pas sur la course, c'est faux, explique Brahim Benali, représentant des chauffeurs VTC à Lille, ex-chauffeur Uber. Ils font croire que ces 25%, c'est eux qui les offrent aux soignants. Mais je sais qu'ils les récupèrent de toutes façons sur le prix des courses qui n'est jamais le même que le prix affiché au départ. Et tant qu'à faire, à qui fait-on prendre des risques ? Aux chauffeurs qui pour certains n'ont pas d'autre choix. Uber leur a envoyé des recommandations de sécurité, mais pas de matériel. C'est à eux de s'équiper, mais il n'y a plus de gel ni de masques. Comment ils font pour nettoyer les voitures ? A ça, ils n'ont pas de réponse. Pour moi, c'est juste une opération de com' qui va reléguer les taxis sur le banc de touche. Une fois que l'épidémie sera terminée, Uber pourra montrer qu'ils sont moins chers que les taxis, et ils prendront le marché du transport de malades assis. Et le tour sera joué ! »

Dans le communiqué de presse envoyé par Uber, on lit : « Le dispositif pourrait être étendu à d'autres établissements tels que les EHPAD ou les instituts de recherche qui sont en première ligne dans la lutte contre le coronavirus ».


 
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