L'expert psychologue au procès d'une mère ayant jeté en 2013 sa fillette de presque trois ans dans la Deûle qui passe à Lille a dressé d'elle lundi le portrait d'une femme entre "ange" et "démon" devant les assises du Nord.
"Elle a un visage angélique, elle peut sourire, puis trois minutes après, elle peut devenir démoniaque", a affirmé cet expert à la barre. Estelle Derieux souffre "d'une problématique bipolaire de la personnalité. Ange ou démon ?", a-t-il questionné.
"Quand on a à faire à un fonctionnement bipolaire, l'entourage est responsable de très peu de chose (...) L'élément principal responsable de la mort de la fillette est Estelle Derieux", a-t-il encore affirmé, alors que la mère accuse depuis le début de l'enquête les services sociaux, qui "voulaient lui prendre sa fille". Et d'enfoncer le clou sur "ce fonctionnement paranoïaque": "elle était de plus en plus persuadée qu'on la persécutait, elle avait mis en place un huis clos avec sa fille (...) et la mort de Mandolina devenait inéluctable", a-t-il conclu, tout en signalant un "niveau intellectuel important".
Estelle Derieux, brune au cheveux court, comparaît depuis jeudi pour le meurtre avec préméditation de sa fille de deux ans et 11 mois, qu'elle avait avoué avoir glissé dans un sac plastique, puis jeté dans la Deûle en août 2013 à Lille.
Lundi matin, au troisième jour du procès, les employés d'une crèche fréquentée par la petite Mandolina à Fourmies ont eux aussi témoigné à charge contre la mère, évoquant des "traces de violences" sur Mandolina et un manque d'hygiène apparent avec "des traces de crasse" sur cette fillette.
Témoignage "excessif", a riposté la mère de l'accusée, Annie Derieux, assurant "n'avoir jamais constaté cela". Aux côtés de la tante et de la soeur de l'accusée, elles se sont relayées à la barre sans quasiment évoquer Mandolina, poussant l'avocate de l'association d'aide à l'enfance la Voix de l'enfant, Me Sylvie Fenart, partie civile, à qualifier l'audience de "déroutante".
"J'ai peur d'Estelle"
"On a l'impression que cette fillette a servi de thérapie à la famille (...) tout le monde nous dit que tout va mieux dans la famille, mais la petite fille est totalement oubliée !", a stigmatisé l'avocate. "Tous les procès sont insoutenables, mais là, pour moi, c'est une immense colère, parce qu'on aurait pu éviter cela (...) il y avait des grands signes que l'enfant était en danger", a-t-elle dénoncé.La mère d'Estelle a néanmoins tenté d'expliquer le geste de sa fille: "Ma chérie, si tu m'entends, je voulais te demander pardon, parce que je pense que je ne t'ai pas donné la joie et la confiance dont tu avais besoin pour te lancer dans la vie", a dit Annie Derieux à sa fille.
Le père n'a pas reconnu Mandolina
"Quel gâchis !", lui a alors lancé l'avocat de la défense, à la fin de son témoignage, "Oui, je l'ai déjà dit", lui a répondu la mère. "J'ai peur d'Estelle", a de son côté déclaré sa soeur aînée. Et d'évoquer "les dizaines de claques" que lui aurait portées sa soeur, relatant également qu'Estelle aurait aussi frappé ses parents. "Décrivez-nous Estelle", lui demande la présidente. "Solitaire (...) mais j'ai du mal à la cerner, à part le mot +solitaire+, je n'ai pas d'autres mots, c'est une personne assez confuse, j'arrive pas à dire quelle personnalité je peux lui donner", a-t-elle répondu.Le père de Mandolina, un homme placé sous tutelle, n'a jamais reconnu la fillette. Il a rencontré Estelle Derieux sur internet et dit qu'elle le "martyrisait". "Elle profitait que j'étais handicapé pour profiter de moi", a-t-il dit avant d'ajouter: "Il vaut mieux être seul que mal accompagné" et de demander une photo de sa fille, qu'il n'a jamais vue, "pour faire le deuil".