Les survivants de la fusillade de la boite de nuit du Theatro de Lille en 2012, qui avait fait deux morts et six blessés, ont livré mardi devant les assises du Nord un récit glaçant des faits, dont l'origine serait une altercation entre les deux accusés et les vigiles. (VIDEO)
Plusieurs témoins, tous jeunes, se sont succédé à la barre, évoquant péniblement, parfois en pleurs, cette soirée mortelle du 1er juillet 2012 dans le "quartier de la soif" de Lille. Quatre ans après les faits, tous évoquent leurs "cauchemars" et leur difficulté à se reconstruire après cette soirée "atroce".
Alizée, partie civile, se trouvait avec des copines à l'entrée de cette boite de nuit appréciée des amateurs de Rn'B. Tout d'un coup, "j'ai senti des gros coups dans mon pied droit", dit-elle. Elle est blessée à un orteil par une balle, ses bottes lui ayant probablement permis de ne pas être handicapée. "J'ai eu beaucoup de chance, ça aurait pu être moi..." glisse-t-elle.
Romain a, lui, longtemps refusé de venir témoigner. Seul l'appel d'un huissier et la volonté de parler "pour les victimes" l'a poussé à accepter. "J'ai vu l'individu avec un fusil dans la main au milieu de la rue en train de balayer (avec une kalachnikov, ndlr)", se remémore ce jeune homme. "On fait des cauchemars, ce sont des bruits qui reviennent", raconte-t-il.
Frédéric, qui a pris une balle dans le dos, rappelle son calvaire. "Tous les jours, je vis avec ce poids. C'était un carnage, j'ai baigné dans le sang, j'ai vu une jeune femme décédée."
"Cela paraissait du même acabit que des attentats", avait indiqué le matin l'enquêteur Gilles Ducrocq, en allusion à la scène du crime où il est arrivé peu après les faits.
'Juger c'est comprendre'
Dans la nuit du samedi au dimanche 1er juillet 2012, Fayçal Mokhtari, un homme originaire de Tourcoing au casier judiciaire bien rempli,alcoolisé et accompagné de son ami Djelloul Cherifi, ancien champion de boxe thaï, se rendent au Theatro. Ils sont refoulés de la discothèque après une "embrouille" aux contours flous et promettent de revenir. Selon des témoins mardi, les accusés, notamment Cherifi, auraient proféré insultes et menaces.
Les deux hommes retournent à leur voiture, dans le coffre de laquelle se trouve une kalachnikov, puis s'arrêtent devant la façade de l'établissement et Mokhtari fait feu -18 impacts de balles sont répertoriés sur la façade-, avant que Cherifi, le conducteur, ne reparte en trombe. Les deux mis en cause partiront ensuite en cavale. Objectif : gagner le Maghreb. Ils arrivent en Catalogne espagnole, espérant obtenir des faux papiers, et en profitent pour "aller à la plage à Rosas", a confié l'enquêteur Jean-Marcel Mur. Ils sont arrêtés finalement le 6 juillet.
"Juger c'est comprendre, si on veut juger correctement il faut examiner la causalité. Et la causalité c'est ce qui se passe lorsque les deux accusés sont refoulés de la boite, l'altercation qui s'ensuit avec l'usage d'une arme, une matraque télescopique, de la part des vigiles", a expliquéMe Eric Plouvier, avocat de Fayçal Mokhtari.
"Il faut comprendre dans quel mesure l'usage de cette arme a une incidence sur ce coup de folie comme le dit le psychiatre", a-t-il ajouté. Cet expert avait décrit ainsi lundi : il est "fier et sourcilleux sur l'honneur, l'affront d'être refoulé et d'être frappé va mettre le feu à son ego mortifié".