En 2016, Nicolas avait été mortellement percuté par un TER au passage à niveau de Wavrin. Depuis, ses parents se mobilisent pour faire sécuriser le site. L'installation d'équipements supplémentaires est à l'étude, mais aboutir à un accord est difficile.
"C'est le 17 octobre 2016 que Nicolas, jeune de 15 ans, danseur, généreux, amoureux de la vie s'est envolé à la gare de Wavrin. Un train qu'il n'avait pas vu n'a pas eu le temps de s'arrêter, et c'est la vie d'une famille qui s'est brisée." Ce sont les mots qu'ont choisi les parents de Nicolas pour raconter la mort de leur fils en gare de Wavrin, et présenter leur collectif, Nicolas Forever.
Depuis le tragique incident qui a coûté la vie à ce lycéen, sa famille met tout en oeuvre pour faire sécuriser les voies de la gare de Wavrin, et le passage à niveau sur lequel Nicolas s'est engagé, pressé de prendre son train, alors que les barrières étaient baissées et les feux d'alerte allumés. "Et si la gare de Wavrin avait une passerelle pour ne plus être obligé de traverser les voies ? Et si la gare de Wavrin ne permettait pas le passage de piétons lorsque les barrières sont baissées, et si le signal sonore fonctionnait lorsque la lumière rouge clignote ?" interrogent les parents de l'adolescent, Muriel Danel et Denis Cottin.
Ce 17 septembre, la famille et leurs soutiens se sont de nouveau rendus en gare de Wavrin, servant des cafés, et de nouveau recouvrir les quais de leurs banderoles blanches. Sur l'une d'entre elles, on peut lire "PN20 de Wavrin, 3 morts en 8 ans, le plus dangereux des Hauts-de-France".
Une barrière piétonne installée en 2019, et après ?
Sous l'impulsion de la famille, de la SNCF et de la Région, le passage à niveau de Wavrin (le PN20) fait partie depuis 2020 des 147 inscrits au Programme national de sécurisation (PNS), dont le rôle est d'identifier les passages à niveau qu'il faut prioritairement équiper, voire supprimer. Selon les documents rendus publics par le ministère de l'Ecologie, l'inscription d'un passage à niveau sur cette liste peut être établie sur deux critères principaux. D'abord, le nombre d'accidents et de collisions sur le site. Ensuite, s'il s'agit d'un carrefour entre un dense trafic routier et un dense trafic ferroviaire.
La suppression pure et simple du passage à niveau a été rapidement envisagée, mais impliquait des travaux pharaoniques, dont la destruction de plusieurs habitations. En octobre 2019, la MEL met en place une barrière piétonne, qui se ferme en même temps que les barrières routières. "Un tout petit pas dans la sécurisation du passage à niveau, vous pouvez le constater, l’accès au voies est encore largement possible même barrière baissée, mais c’est un début", espèrent les parents, qui prennent le temps de remercier le maire, la MEL et la région pour leur mobilisation conjointe. Mais ils attendaient bien plus.
"S'il y avait eu quatre demi-barrières, Nicolas aurait pu être stoppé"
Les revendications de Muriel Danel et Denis Cottin sont inchangées. Pour sécuriser définitivement ce passage, ils réclament l'installation de quatre demi-barrières (au lieu de deux) équipées de feux routiers, et la création d'un passage souterrain pour les piétons, afin qu'ils n'aient plus à traverser les voies. Pour eux, la barrière piétonne, dont ils rappellent qu'elle est encore considérée comme "expérimentale", est facilement contournable. "Imaginez quelqu'un qui ne peut pas se permettre d'être en retard sous peine de perdre son travail, dont le train arrive à l'avance comme Nicolas ? Il va contourner cette barrière sans problème, et traverser les voies. Les gens sont pris en otage, et on nous dit que c'est leur responsabilité", regrette Denis Cottin.
Pour ce père endeuillé, les barrières supplémentaires, "c'est une protection physique pour les piétons. S'il y avait eu quatre demi-barrières, notre Nicolas aurait pu être stoppé dans son élan, et le drame n'aurait pas eu lieu. C'est pour ça qu'on se bat." Son ex-épouse Muriel Danel abonde : "Les quatre demi-barrières permettent la fermeture complète du passage à niveau, c'est une obstruction totale, avec aucun accès sur les rails." Un arrêté ministériel modifié en 2017 va dans leur sens, et recommande l'installation de quatre demi-barrières "notamment dans les cas particulier suivants : passage à niveau situé à proximité d'un point d'arrêt où de nombreux trains s'arrêtent (...)". Le passage souterrain, lui, permettraient de résoudre le dilemme de l'usager en retard, en l'éloignant définitivement des voies ferrées.
La Région, partisan des deux solutions
Sur le dossier, les compétences de la SNCF, de la mairie de Wavrin, de la Métropole de Lille (MEL) et de la région s'entrecroisent, forçant un dialogue à mille voix. Pour chacun, des contraintes techniques, mais aussi des choix budgétaires, se sont imposés. Car le budget des deux opérations s'élève à quelque 19 millions d'euros, quand la barrière piétonne a été co-financée par la MEL et la Région pour un budget de 35 000 euros.
Contacté par France 3, Franck Dhersin, vice-président régional en charge des mobilités et des infrastructures de transport, assure la famille de son soutien plein et entier. "Ces barrières permettraient, j'en suis persuadé, de réduire de 99% les risques d'accident, sur un passage à niveau qui est l'un des plus accidentogènes. Une étude est en cours, commandée par la MEL, et nous reprendrons tous les discussions quand nous aurons eu les résultats, résume le vice-président. Sur le passage souterrain, la région est d'accord pour participer financièrement, mais pas seule. On n'a qu'une estimation aujourd'hui, mais travailler sur une moitié du financement, ce n'est pas choquant pour nous, même si c'est un bel effort. Le combat de cette famille, c'est qu'il n'y ait plus d'autres morts.
Cet après midi à wavrin ou je rendais visite aux amis et parents de Nicolas sur le site de l accident il y a 5 ans. Toutes les collectivités doivent s unir pour trouver une solution avec sncf réseau à la dangerosité de ce passage à niveau.@hautsdefrance pic.twitter.com/lII3pIhBWK
— Franck Dhersin (@FDhersin) October 17, 2021
"La région se rend bien compte de l'insuffisance de ce dispositif, et veut absolument une sécurisation totale du site", apprécient les Danel-Cottin.
A Wavrin, le maire pris en étau
Le maire de Wavrin, Alain Blondeau, se positionne en faveur du passage souterrain. Mais l'ajout des deux barrières supplémentaires implique des effets collatéraux majeurs sur la circulation routière de la commune. "Ça implique une fermeture des barrières pendant plus d'une heure au total pendant les heures de pointe", indique l'élu, qui comme les autres acteurs du dossier bénéficie des expertises de la SNCF. Car la fermeture des barrières est bien évidemment scrupuleusement chronométrée. Dans ce scénario, chaque train s'arrêtant à la halte-gare de la Fontaine, un peu en contrebas, entraînerait la fermeture du passage à niveau.
"La solution qu'on me propose, c'est de supprimer l'arrêt de la Fontaine, et je ne peux pas me le permettre. Chaque fois que la SNCF supprime des arrêts, mon téléphone rougit parce que des gens s'inquiètent pour la Fontaine. Je me suis battu pour qu'il y ait un peu plus de trains dans cette gare, ce n'est pas pour les supprimer", refuse Alain Blondeau.
Un autre problème se pose : créer un contournement pour désengorger le trafic est également impossible. "Nous ne pouvons pas créer de contournement car nous sommes une ville "champ captant". Cela veut dire que nous sommes sanctuarisés en terme de développement urbain et de développement de la voirie, car la nappe phréatique est sous nos pieds. Nous ne pouvons plus nous étendre, c'est une demande du préfet." Difficile donc de contrebalancer le temps de fermeture des barrières. Là encore, cette position est suspendue à l'étude commandée par la MEL.
La MEL soutient sa barrière piétonne
Depuis l'installation de la barrière piétonne, la Métropole attend de rassembler plus d'éléments avant de s'engager dans l'investissement massif des demi-barrières et du passage souterrain. En 2019, elle avait refusé de s'engager dans le protocole de sécurisation à quatre barrières, estimant que la solution de la barrière piétonne n'avait pas été suffisamment considérée. La MEL a donc demandé au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) d'évaluer la situation. Des caméras, notamment, ont été provisoirement activées aux abords du passage à niveau pour observer le comportement des piétons.
"La barrière piétonne mise en place provisoirement par la MEL apporte aujourd’hui satisfaction et reste la solution privilégiée par la MEL et la commune", détaille la Métropole, contactée par France 3. Les résultats de l'expertise en cours devraient être connus d'ici janvier 2022. Entre temps, une seconde période d'inspection se déroulera courant novembre. Selon les résultats de cette expertise, "il y aura alors deux possibilités" écrit la MEL. Soit "l'expertise du Cerema confirme la pertinence d'une barrière piétonne (...) Dans ce cas, la MEL demandera son homologation". Soit l'expertise indique le contraire, et la MEL se remettra à la table des négociations concernant la solution à quatre demi-barrières.
Concernant le passage souterrain, la Métropole, qui a cofinancé l'étude d'opportunité et de faisabilité, estime qu'il s'agit d'un équipement rattaché à la gare, et qui n'entre donc pas dans son champ de compétence et de responsabilité. Elle ne participerait donc pas au financement du dispositif. Contactée pour savoir si elle envisageait d'investir, la SNCF se réfère également aux futures conclusions de l'étude Cerema : "A ce jour, les suites à donner à ces études, et donc les financements de chaque action, ne sont pas décidés par les partenaires." Janvier 2022 sera donc la prochaine date décisive.