Avec le port généralisé du masque, les sourds et les malentendants ne peuvent plus lire sur les lèvres de ceux qui leur parlent, ce qui complique les choses dans la vie quotidienne.
Comme 5 millions de personnes en France, Kelly Morellon se sent oubliée en cette période de crise sanitaire, même si depuis peu, dans les interventions du président, une interprète apparaît en gros plan pour informer les sourds et les malentendants.
La présidente-fondatrice de l'association "Main dans la main", est malentendante suite à un plongeon en piscine.
Elle a confectionné son propre masque avec une partie transparente pour une raison essentielle : "Si je mets un masque normal, mes amis sourds et malentendants ne peuvent pas lire sur mes lèvres et les expressions du visage au niveau de la langue des signes également sont véritablement faussés".
Ce qui rend les choses encore plus compliquées, notamment, lorsque les sourds se rendent dans un service d'urgence en cas de suspicion du coronavirus.
"C'est compliqué. Ils vont utiliser beaucoup de mimes, ils vont montrer qu'ils ont chaud, qu'ils ont mal à la gorge, ils vont utiliser leurs mains et quand il y a un afflux de personnes aux Urgences, c'est vraiment très compliqué" explique Kelly Morellon.
Pour remédier au problème, plusieurs modèles de masques transparents sont proposés sur les réseaux sociaux.Pour autant, Corinne Picard, l'une des trois interprètes que compte le département de la Somme, en français/langue des signes (LSF), ne parvient pas à s'en procurer.
"Il existe effectivement des masques transparents qui ont été créés mais que nous n'arrivons pas à commander. Dans les institutions, ils ont déjà énormément de mal à avoir des masques classiques, les transparents, on n'en a pas".
Alors l'interprète fait sans, lorsqu'elle est appelée pour une consultation médicale.
On ne pense pas forcément tout de suite aux personnes sourdes, c'est tellement discret comme handicap.
"Dans la réalité des faits, j’arrive au rendez-vous, je suis masquée. Si la personne utilise la langue des signes à 100%, je garde mon masque tout le temps du rendez-vous et la langue des signes suffit. Les personnes qui ont besoin des 2, langue des signes plus la lecture labiale, comme je suis placée derrière l’intervenant entendant, il m’autorise à baisser le masque pendant la consultation puisque dans le dos, je ne vais pas envoyer de postillons au visage et je suis loin de la personne sourde. Du coup, j’ai le droit de baisser le masque que je remets en sortant de consultation".
"Avec le masque, il y a des petites infos qui ne passent pas"
Plus que les lèvres, c'est tout le visage qui sert au langage des sourds. "Avec le masque, il y a des petites infos qui ne passent pas. C'est mieux d'avoir le visage entier".
Mieux et moins stressant, car l'apparition du masque a aussi créé de l'anxiété chez les sourds et malentendants.
"Il y a eu toute une vague de panique au début du confinement. Alors que des rendez-vous s’annulaient, d’autres étaient conservés. Il fallait expliquer la différence avec un rendez-vous annulé et le covid parce qu'il est plus dangereux que la pathologie et inversement. Le rendez-vous est conservé parce qu'il est plus risqué d’interrompre le suivi que d’attraper le covid finalement".
Expliquer pour ceux qu'on oublie et rassurer maintenant que le confinement est levé.
"Quand ils arrivent en rendez-vous et qu’ils se présentent, ils sont face à des personnes qui portent un masque et ils ne comprennent pas du tout ce qui se passe. Dès que l’interprète arrive, ça va mieux, ça facilite la conversation. Tant qu’il n’y a pas d’interprète, c'est très angoissant parce que là, il n’y a aucune info qui passe".
Résultat, les interprètes sont devenus quasi obligatoires depuis le début de la crise.
Dans la Somme, 6 pour cent de la population sont atteintes d'un handicap auditif. Peu utilisent les services d'un expert, pourtant pris en charge par l'ARS quand il s'agit d'un rendez-vous médical.