"Je ne veux pas qu'ils regrettent de m'avoir choisie" : la rentrée des lauréats de la bourse des métiers du jeu vidéo

Créée en 2020, la bourse Jeux vidéo de l'association Loisirs Numériques accompagne chaque année 5 nouveaux étudiants dans des études coûteuses vers des métiers d'avenir comme game designer, ou game artist. A la veille de la rentrée, Victoria Yssembourg et Théo Fontany mesurent leur chance.

En 2021, cinq nouveaux étudiants bénéfieront de la bourse Jeux Vidéo créée par l'association Loisirs Numériques. Cinq rêves de carrière qui vont prendre un nouvel élan, dans un secteur aussi passionnant que compétitif. Jusqu'à 17 000 euros vont être attribués chaque année à ses étudiants pour couvrir leurs frais de scolarité mais aussi d'éventuels frais de matériel. En France, une seule école publique assure des formations spécialisées dans les métiers du jeu vidéo. Elle n'accueille chaque année que 45 nouveaux étudiants. Les autres doivent affronter le coût des écoles privées, où, en master, les prix s'envolent jusqu'à près de 10 000 euros l'année.

Jehanne Rousseau a co-créé, notamment avec Mickaël Newton, cette bourse qui bénéficie de dotations encore modestes et doit drastiquement ajuster sa sélection. "Il est temps que l'état et l'éducation nationale proposent des alternatives aux écoles privées, plaide-t-elle sur Twitter. Il est temps de pouvoir enfin accompagner des étudiants méritants, motivés et qui rêvent sincèrement de s'épanouir dans le jeu vidéo".

Victoria Yssembourg, 23 ans, et Théo Fontany, 15 ans, feront partie de ceux-là. Pour cette rentrée, la bourse va sponsoriser la deuxième année de Victoria à l'école Rubika, de Valenciennes, où elle étudie déjà dans un cursus de game art (création artistique d'un jeu vidéo). Pour Théo, ce sera son entrée post-bac à l'institut Artline, qui propose une formation game design (conception d'un jeu vidéo).

"Ils ne peuvent pas imaginer à quel point ça m'a aidée"

"A la base, je voulais être vétérinaire, je suis passée par une licence de biologie, s'amuse la jeune femme. La première fois que j'ai voulu dessiner, c'est parce que je lisais la Guerre des Clans, [série littéraire fantastique écrite par Erin Hunter, ndlr] et je voulais dessiner ma propre version des personnages. J'avais à peine 18 ans. J'adore créer des atmosphères particulières dans mes dessins, pour transmettre certaines émotions."

Victoria Yssembourg intègre finalement Rubika sur concours, et finance ses deux premières années grâce aux économies amassées pendant un contrat de travail chez McDonalds. "J'ai appris différentes méthodes, comme le Pixel art, que je ne connaissais pas avant ou les effets spéciaux, ce dans quoi je veux me spécialiser plus tard. On a eu aussi des cours de modèle vivant qui nous permettent de progresser sur l'anatomie, la perspective, les compositions... Je m'épanouis vraiment beaucoup à Rubika. Je rêve de travailler comme VFX Artist, tout ce qui concerne les effets spéciaux, en 2D ou 3D, ou Environment Lighting Artist, donc la gestion des environnements, de leurs couleurs, lumières et ambiances."

Mais une dépression sévère complique son deuxième semestre de bachelor 2. L'école décide de son redoublement, un imprévu qui met à mal tout son plan financier : les frais en bachelor sont de 8250 euros. L'entretien pour la bourse, elle le fera alors qu'elle est encore hospitalisée. "Oui, je suis malade, mais j'étais hospitalisée justement pour m'en sortir, avoir un meilleur traitement, parce que je ne veux pas lâcher l'affaire. Je sais ce que je veux faire, je veux apprendre, pouvoir faire des choses, que les gens puissent dire : "wow, l'ambiance de ce jeu est incroyable !"
 

Grâce à l'association, sa poursuite d'études est assurée, au moins jusqu'à la fin de son bachelor. "Ils ne peuvent pas imaginer à quel point ça m'a aidé psychologiquement ! s'émeut Victoria. Ne plus avoir cette inquiétude financière, ne plus se dire que je ne pourrais peut-être pas finir mes études... Vraiment, ça a été un énorme soulagement. Je ne veux pas qu'ils regrettent de m'avoir choisie plutôt qu'une autre. On est 5 sur 240 candidats".

"Bénéficier de ce réseau, c'est le plus intéressant"

Pour Théo Fontany aussi, la suite de ses études aurait été dure sans l'aide de Loisirs Numériques. Autiste à haut potentiel intellectuel, HPI, il a fait toute sa scolarité avec le Cned. "J'ai toujours fait à distance, du CP jusqu'au bac. C'est plus gérable pour moi. Là, c'est le nouveau bac, j'avais pris la spécialité Art et NSI, donc informatique. J'ai fait mon grand oral sur l'art dans le jeu vidéo" raconte ce passionné de jeux de construction et de Minecraft. A 14 ans, au moment de choisir une orientation post-bac, il a transformé sa passion en projet professionnel. L'école qu'il a choisi pour l'accompagner, c'est l'Institut Artline, qui permet aux étudiants de travailler en partie en autonomie. Le cursus pour devenir game designer coûte 5400 euros par an.

Financer cette scolarité jusqu'au master, sans la bourse, "ç'aurait été possible, imagine sa mère, Sylvie Fontany, parce que je l'aurais fait pour lui. Mais c'est une grande chance de l'avoir. Je suis seule avec Théo, et je suis en situation de handicap, donc je ne peux pas travailler. C'est vraiment une très grande aide, sincèrement, sinon on se privait d'énormément de choses." Le soutien matériel rendu possible tombe aussi à pic."J'ai mis dans le dossier qu'on devait changer l'ordinateur de Théo. Il a toujours travaillé comme ça, mais son matériel n'est pas fait pour un gamer ! plaisante-t-elle. On a installé les logiciels que l'école nous demande pour son travail, et ça le fait totalement planter..."

Mais le joyau du dispositif, ce n'est pas l'aspect financier. Victoria Yssembourg et Théo Fontany sont unanimes : la possibilité d'avoir un mentor et d'entrer en contact avec des professionnels n'a pas de prix. "Ce sont des gens qui travaillent dans le milieu, qui vont pouvoir nous faire des retours sur nos travaux... détaille l'étudiante. On est sur un serveur discord, où il y a déjà des professionnels avec qui on peu discuter. ça nous crée un premier réseau, qui peut être utile pour avoir des stages, ou même plus tard pour avoir un emploi. Même entre étudiants, on se propose de l'aide. Je trouve ça génial, c'est une super opportunité !"

"Pouvoir être aidé, bénéficier de ce réseau, c'est le plus intéressant dans la bourse, confirme l'adolescent. Pour la mère de Théo, étrangère à l'univers du jeu vidéo, "il se lance dans ce milieu d'un coup, c'est vrai que de l'extérieur, on se demande s'il va trouver sa place ! C'est une grande chance de pouvoir avoir ces expériences."

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