La collaboration franco-britannique pour renforcer la lutte contre l'immigration illégale fait réagir des associations

Le Royaume-Uni s'est engagé à verser 62.7 millions d'euros à la France pour renforcer la lutte contre l'immigration dite clandestine entre les deux pays : plus de gendarmes et policiers, une frontière intelligente... Une décision "terriblement angoissante", selon des associations interrogées.

430 migrants ont traversé la Manche vers la Grande-Bretagne sur 14 embarcations en l'espace de 24 heures ce lundi 19 juillet. Un record qui intervient au moment où le Parlement britannique examine le projet de durcissement du système d'asile britannique. 

Les ministres britannique et français de l'intérieur, Priti Patel et Gérald Darmanin, ont annoncé dans une déclaration conjointe que les deux pays renforçaient leur "coopération pour lutter contre l'immigration clandestine à leur frontière commune, en focalisant leur effort sur le phénomène de traversées maritimes à l'aide d'embarcations de fortune".

Plusieurs renforcements prévus

Cela passe par une augmentation de "la présence des forces de l'ordre le long des côtes françaises" avec un doublement des effectifs de policiers et de gendarmes sur place. "La France sera ainsi en mesure d'assurer des patrouilles dans des zones du littoral plus larges sur la côte nord entre Boulogne et Dunkerque, y compris autour de Dieppe, et de renforcer la surveillance dans l'arrière-pays", déclarent les deux ministres. 

Ils ont également décidé de "déployer sur une zone plus étendue des technologies et des véhicules de surveillance afin d'améliorer encore la couverture des côtes françaises". Les deux pays veulent "investir dans des équipements pour renforcer la sécurité des frontières au niveau des principales infrastructures de transport le long des côtés de la Manche" tout en luttant "contre l'immigration illégale par voie routière". 

Enfin, les deux pays souhaitent "investir dans des centres dédiés à l'accompagnement des migrants dans toute la France et aux retours volontaires dans les pays d'origine, le cas échéant". Ces centres auront pour rôle de fournir "un hébergement approprié, des conseils médicaux et des informations pour orienter les migrants vers différentes options qui se présentent à eux, offrant ainsi des alternatives aux traversées dangereuses." 

Un investissement financier de 62.7 millions d'euros

Le Royaume-Uni, de son côté, s'est engagé à investir 62.7 millions d'euros pour l'année 2021-22 "afin d’appuyer la France dans son action d'équipement et de lutte contre l'immigration irrégulière". Les filières de passeurs, qui aident les migrants à traverser la Manche sur des embarcations de fortune (small boat), souvent pour plusieurs milliers d'euros et jusqu'à les endetter, sont dans le viseur des deux gouvernements. 

L'un des objectifs est de mettre en place une "frontière intelligente" tout le long du littoral, qui s'appuiera selon eux "sur les capacités de surveillance en fournissant une technologie en réseau pour mieux détecter les tentatives de passage".

Des obstacles qui ne "font que déplacer le problème"

Contactées, les associations l'Auberge des migrants et Salam ont un tout autre point de vue sur la situation et la déclaration commune aux deux pays. "Les sommes considérables sont inefficaces. Il faudrait mettre en place des façons légales de traverser la frontière, suggère François Guennoc, président de l'association l'Auberge des migrants. Dans le fond, ça fait des années que les deux pays coopèrent dans le cadre des accords du Touquet. Ils essaient de protéger la frontière, de diminuer le nombre de passagers illégaux, mais ça ne marche pas du tout."

En effet, les chiffres restent importants et augmentent même d'une année à l'autre. La préfecture maritime de la Manche et la Mer du Nord a annoncé qu'en 2020, 868 traversées ou tentatives de traversées avaient impliqué 9.551 migrants, quatre fois plus qu'en 2019. "En 2021, après 7 mois, on est à plus de 7000 personnes. Donc on voit que les dispositifs de gendarmes, police, surveillance électronique, les drones, les motos et caméras infrarouges, ça ne marche pas". 

Pour lui, ces restrictions renforcées pêchent pour deux raisons. La première, "c'est que les gens à Calais considèrent que la Grande-Bretagne est leur dernière chance. Ils savent que ce n'est plus l'eldorado, mais ils ont perdu des papiers ou n'ont pas obtenu le droit d'asile sur le continent. Alors ils tentent leur chance." De plus, les "pressions policières, les expulsions et les conditions de vie extrêmement pénibles" les encouragent à sauter le pas.

Ensuite, toujours selon François Guennoc, "plus vous mettez d'obstacles, plus les tarifs de passages augmentent et les passeurs tirent leur bénéfice." Les obstacles ne "font que déplacer le problèmes."

Plus vous mettez d'obstacles, plus les tarifs de passages augmentent et les passeurs tirent leur bénéfice.

François Guennec, président de l'association l'Auberge des migrants

"L'Europe a les moyens d'une politique d'accueil digne de ce nom"

Pour Claire Millot, secrétaire générale de l'association Salam à Calais, une chose lui semble évidente, "au niveau de la France, il faut accueillir, il faut arrêter de considérer que ce sont des gens indésirables qui cherchent des subventions. Ce sont des gens qui veulent travailler, qui veulent faire des études, ils sont volontaires, ils veulent s'intégrer, analyse-t-elle. Qu'on les enlève de camps de misère où ils survivent pour leur donner un statut qui leur donne un droit de travailler. Là actuellement, il faut leur donner une possibilité de survie."

De plus, comme d'autres associations, elle constate que les migrants et réfugiés "en ont marre d'être traqués. Lors d'une réunion, un homme syrien s'est levé, énervé, en disant 'We want a job, we want to pay taxes' [on veut un job, on veut payer nos impôts]". 

Au niveau de la France, il faut accueillir, il faut arrêter de considérer que ce sont des gens indésirables qui cherchent des subventions. Ce sont des gens qui veulent travailler, qui veulent faire des études, ils sont volontaires, ils veulent s'intégrer.

Claire Millot, secrétaire générale de Salam

Cette possibilité de survie et de changement de statut est possible, selon François Guennec. "L'Europe a les moyens d'une politique d'accueil digne de ce nom, des moyens financiers. Actuellement, ça ne va pas dans le sens des décisions de ces derniers années. Il faut aussi ouvrir des voies d'accès pour celles et ceux qui veulent aller en Grande-Bretagne, rejoindre leur famille par exemple, ou des proches. Si vous n'ouvrez pas ces voies-là, des gens risquent de perdre leur vie.

Cette situation, "terriblement angoissante", conclut Claire Millot, complique les choses "pour des gens à qui la Grande Bretagne est la seule solution qu'il reste car ils peuvent y travailler au noir, louer un appartement sans papiers, survivre. Avec ce qui se présente : les renvois immédiats, les prisons, ils se retrouveront sans solution."

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