La solidarité envers les migrants s'organise à Zeebruges

De plus en plus de migrants tentent de rejoindre l'Angleterre via le port belge de Zeebruges. Malgré les mots d'ordre des autorités, de nombreux habitants leur viennent en aide et essaient à leur façon d'améliorer le quotidien des migrants.

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Depuis deux mois, des hommes jeunes, qui se présentent comme des chrétiens d'Iran dorment au pied d'une église de Zeebruges, une station balnéaire belge, en espérant rallier clandestinement l'Angleterre. Malgré les appels à "ne pas nourrir les migrants", la solidarité s'organise. 

Ramir a une vingtaine d'années. Emmitouflé dans une épaisse veste de ski, il cherche à s'abriter du crachin sous un petit abri jouxtant le terrain de pétanque et le mini-golf de la commune, quasi déserte en cette période hivernale. "C'est là qu'on dort à cinq ou six", explique-t-il à l'AFP, en montrant une pile de couvertures repliées dans un coin de l'abri de fortune, où de la nourriture est également stockée. Une quinzaine de sacs de couchage, recouverts de bâches en plastique, sont étendus un peu plus loin, le long des murs blancs de l'église "Stella Maris".

La plage de Zeebruges est à une centaine de mètres, le vaste port de commerce, le deuxième de Belgique après Anvers, à peine plus loin. En tout, ces hommes, dont le plus âgé affirme avoir 32 ans, sont une vingtaine à dormir à la belle étoile à proximité de l'église, dont les portes sont closes. Quelques dizaines d'autres ont élu domicile dans les dunes environnantes, selon des riverains.

Un adolescent au visage juvénile reste silencieux. Les autres disent qu'il a 13 ans, que c'est le plus jeune. Comme les autres, il a les ongles sales, faute d'installations sanitaires. La plupart ont un chiffre inscrit au marqueur indélébile sur le revers de la main, preuve qu'ils ont déjà été contrôlés par la police belge.

"Je vais recommencer"

Ramir déplie un document rédigé en néerlandais. Un "ordre de quitter le territoire" daté du 3 février. Une injonction que ni lui ni les autres n'ont l'intention d'appliquer. Ils ne quitteront la Belgique que s'ils parviennent à se glisser dans un conteneur ou sous l'un des camions qui embarquent à bord des ferries à destination des côtes anglaises, distantes de 70 km.

Ils disent se connaître, être cousins ou amis, et avoir de la famille au Royaume-Uni. Ils affirment venir de Téhéran ou de Chiraz où, selon eux, il ne fait pas bon être chrétien. Ils sont venus d'Iran à bord de camions, un voyage de 20 jours qui s'est achevé à Zeebruges, sans détour par les camps surpeuplés de Calais ou Dunkerque. "Là-bas, les mafias veulent nous faire payer, tandis qu'ici, on essaie tout seul", dit un jeune homme dont le bras garde les traces d'une chute survenue lors d'une tentative infructueuse de départ. "Mon frère est passé, mais moi j'ai été attrapé par les policiers et leurs chiens. Je vais recommencer", jure-t-il.

"Ne nourrissez pas les réfugiés"

Ce sont ces quelques dizaines d'hommes, qui refusent d'introduire une demande d'asile en Belgique, et donc d'être accueillis dans un centre pour réfugiés, qui font craindre aux autorités locales l'établissement de "jungles" le long de la côte belge, en référence à l'appellation courante du camp de Calais. "Ne nourrissez pas les réfugiés, sinon d'autres viendront", a lancé dans les médias flamands le gouverneur de Flandre occidentale, Carl Decaluwé.

"Il faut éviter à tout prix que des tentes soient dressées", a renchéri le bourgmestre de Bruges, dont dépend Zeebruges, Renaat Landuyt. Le groupe d'Iraniens ne reçoit donc aucune aide officielle et vit grâce à la mobilisation d'une partie de la population. En début de soirée, un 4x4 blanc se gare devant l'église, le coffre rempli de colis alimentaires (saucissons, bouteilles d'eaux, tablettes de chocolat) qui sont rapidement distribués.

Puis, vers 20h, c'est un voisin, Didier Franckx, ancien docker, qui pousse une carriole transportant de grandes casseroles écumantes garnies de riz, de poulet et de ratatouille. "Nous même, nous ne voulons pas que ça soit un Calais ou un Dunkerque ici à Zeebruges", explique Didier Franckx. "Seulement, on ne peut pas rester ici les bras croisés. Que le gouverneur vienne lui-même dire, devant ces gens-là: "Je ne vous donnerai plus à manger"".
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