Justice morte ce mardi à Lille. Les avocats bloquent l'entrée du Palais de Justice pour protester contre la réforme de l'aide juridictionnelle. Aucune affaire ne sera jugée aujourd'hui.
200 avocats en colère devant le Palais de Justice de Lille, et aucune affaire jugée ce mardi.
Les robes noires protestent contre la réforme de l'aide juridictionnelle, qui permet aux plus démunis d'accéder aux services d'un avocat.
Présentée par la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, cette réforme prévoit notamment un relèvement du plafond de revenus pour les bénéficiaires, une refonte du barème de rémunération des actes et une participation des barreaux au financement.
"Madame Taubira se répand dans la presse sur la réforme magnifique de l'aide juridictionnelle alors qu'elle est tout simplement en train de la détruire", tempête Vincent Potié, le bâtonnier lillois.
"Taubira est foutue, le barreau est dans la rue!", "Macron démission!", ont scandé les avocats. "Taubira m'a tuer" (sic), "Avocats écrasés par l'Etat", pouvait-on lire sur des pancartes brandies ce mardi devant le Palais de Justice de Lille.
"Qu'elle arrête de se gargariser de permettre une vraie justice des pauvres", poursuit le porte-parole des avocats, "en augmentant les plafonds d'éligibilité à cette aide, elle les exclut tout simplement du système. En Angleterre par exemple, le budget de l'aide juridictionnelle est dix fois supérieur à celui de la France. Taubira est en train d'enterrer la justice".
Pomme de discorde avec la profession, l'article 15 du projet de loi de finances voté jeudi soir qui prévoit, entre autres, un prélèvement de cinq millions d'euros en 2016 et dix millions d'euros en 2017 sur les intérêts de fonds placés dans des caisses (Carpa) gérées par les avocats. Les avocats réunis à Lille ont fustigé un "passage en catimini" de cet article.Les indemnités des avocats en baisse
Les robes noires dénoncent aussi la baisse des indemnités qui leurs sont versées. "30% en moins pour les divorces et les prudhommes", regrette Vincent Potié. "Un divorce aujourd'hui, c'est 400€, ce qui correspond à moins de trois heures de travail. C'est très en dessous du temps réellement passé."Grève du zèle "sine die" des avocats lillois
Les avocats lillois promettent une grève du zèle "sine die" jusqu'au retrait de cette réforme, et une vraie augmentation du budget de la justice française, "qui avec 2% du budget de l'Etat, est en 28e position en Europe", selon Vincent Potié.Les avocats entendent ainsi exiger la collégialité de tous les dossiers, c'est-à-dire la présence systématique de trois juges, alors qu'ils sont en général seuls pour la plupart des affaires traitées. Ils menacent également de demander des mises en liberté systématiques dans tous les dossiers où leurs clients sont détenus, de faire appel à chaque refus de mise en liberté, ou encore de faire des "incidents de mise en état" systématiques (par exemple des demandes d'expertises), bref, de ralentir une justice déjà engorgée, jusqu'à ce qu'ils soient entendus.
Moins fort qu'à Lille, le mouvement de grogne des avocats s'exprime aussi à Arras, Boulogne-sur-Mer ou Douai, avec quelques affaires renvoyées ou la suspension partielle du service d'aide juridictionnelle.
