C'est un phénomène qui touche l'ensemble du secteur au niveau mondial. À cause de la pandémie, on assiste à une pénurie de pièces détachées de vélo. Une situation qui met en difficulté depuis un an les vendeurs et réparateurs, contraints de s'adapter sans visibilité.
"Si on veut un vélo de la nouvelle gamme sans avoir pré-commandé à l'avance, ce n'est même pas la peine d'y penser." Au bout du fil, Sacha Dubrulle, le gérant du magasin La Bicyclette à Senlis dans l'Oise est catégorique. Pour se procurer un vélo neuf cette année, il vaut mieux être patient. "J'ai quelqu'un qui est venu me commander des vélos électriques, ça du coup ce sera pour l'été prochain", se désole-t-il.
Depuis un an, ce vendeur tente d'assurer tant bien que mal son stock de 200 vélos sur les deux magasins de Senlis et Compiègne en commandant très à l'avance. "Si on veut quelque chose tout de suite, il n'y a rien du tout. Alors il faut s'organiser autrement, les commandes que l'on passe aujourd'hui ce sera pour l'an prochain", garantit-il.
Dépendants de la production asiatique
Si certains vélos sont assemblés en Europe, les pièces et les composants viennent majoritairement d'Asie. "80% de la production mondiale de pièces détachées est détenue par l'entreprise Shimano (entreprise japonaise), donc on a pas le choix de faire autrement", explique le gérant de La Bicyclette.
Même constat du côté de Décathlon, dont le siège se trouve à Villeneuve-d'Ascq dans le Nord : "ces perturbations sont si importantes que leur correction sera longue. Par exemple, un vélo est fabriqué à partir d’environ 80 pièces commandées auprès d’entreprises spécialisées. Ainsi, s' il y en a une qui manque, ou dont la production est ralentie, la livraison du vélo en sera immédiatement impactée. Pour certains modèles, les plus plébiscités, le délai de livraison de certains composants peut désormais dépasser 500 jours", affirme le service communication de l'entreprise de grande distribution d'équipement sportif.
Tout comme les vendeurs indépendants, Décathlon a dû donc anticiper les commandes de 2021 dès le mois de mai 2020. "Aujourd’hui, nous portons nos efforts sur la rapidité d’information de nos clients en magasin et en ligne. Notre site internet est mis à jour toutes les deux heures. Il est aussi possible de suivre la disponibilité de la plupart des produits et d’en être alerté (en cas de retour de la disponibilité) directement par mail, après une inscription préalable", assure le magasin qui propose également des produits d'occasion ou reconditionnés.
Miser sur l'occasion et "la débrouille"
La seconde main ou la réparation pourrait être la solution. Mais encore faut-il trouver des pièces de rechange. À Nogent-sur-Oise, une association, qui propose des ateliers d'auto-réparation de vélos toutes les semaines, se trouve également en difficulté. "D'habitude, avant l'atelier, on demande aux gens d'acheter les pièces, mais là tout ce qui est pneus, dérailleurs, il n'y a plus rien. Alors on est obligé de fouiller dans nos vieilles pièces d'occasion", confie Thierry Roch, président de l'association des usagers du vélo, des voies vertes et véloroutes des vallées de l'Oise (AU5V).
Le premier réflexe est donc de réparer plutôt que de changer pour du neuf, à condition de ne pas être trop regardant. "On arrive à trouver des pneus de couleur, alors l'autre jour j'ai un cycliste qui est reparti avec des pneus orange, sourit-il. On arrive à tenir parce qu'on se débrouille, mais c'est vrai que cela fait un peu peur parce que l'on n'a pas du tout de visibilité. Et pourtant, notamment depuis le confinement, la demande est importante, beaucoup de gens se sont mis au vélo."
En attendant, même les coureurs cyclistes professionnels ne sont pas rassurés, alors que le parcours du Tour de France 2022 vient d'être dévoilé. Cédric Vasseur, manager de l'équipe Cofidis, attend par exemple toujours ses nouveaux vélos. "On a un stage prévu en décembre, et à partir de ce moment-là on a besoin des vélos 2022, donc le temps nous est déjà compté. La crise sanitaire a vraiment mis l'industrie du cycle sous tension, on est livré au compte-goutte", a-t-il confié à Franceinfo.
D'après les professionnels du secteur, un retour à la normale n'est pas prévu avant 2023.