Mis en scène par Bastien Fourmy, étudiant à Lille, Le testament du vent de Christian Jalma, raconte la déambulation de trois anciens esclaves qui se rendent ensemble à Saint-Denis de la Réunion pour aller entendre la déclaration de l'abolition de l'esclavage, en 1848.
"Cette découverte des étudiants du cours d'art dramatique, ça m'a bluffé !", commente Kamini qui interpête Balak cet après-midi (1), un vieil homme sage d'environ 70 ans, qui livre aux plus jeunes générations représentées par sa femme Anatanne (Inès Béjaoui), 50 ans, mariée de manière "arrangée" à Balak, et qui se drogue pour évacuer ses traumatismes et Igoto (Zaïre Fataki), 30 ans, leur fils adoptif, vivant dans l'urgence de décrire verbalement ses angoisses.
"Le message de Balak est de montrer que la liberté était celle d'avant la capture et non celle retrouvée après l'abolition de l'esclavage", explique Bastien Fourmy, metteur en scène, en cycle 3 au conservatoire, en art dramatique. "En chemin, les trois personnages développent leur langage -non seulement car ils ne parlent pas forcément la même langue mais aussi car ils passent du statut d'objet à sujet- et se rappellent les souvenirs d'avant la capture".
Interprétée dans le cadre d'un projet personnel de fin d'étude, la pièce, adaptation de Le testament du vent de Christian Jalma et Léonora Miano dure 40 minutes. "J'ai dû faire des coupes en préservant l'identité des personnages et leur évolution vers la prise d'autonomie au sortir de l'esclavage". Le but, "s'adresser au spectateur pour qu'il prenne conscience de cette réalité, sans pour autant le culpabiliser".
"Ce n'est pas un procès. On hérite de tout ça. Blancs comme noirs, l'histoire est faite, les crimes ont été commis. Aujourd'hui, personne ne cautionne l'esclavage, mais il reste important de conscientiser les choses. D'en parler", explique Bastien Fourmy dont l'Histoire "résonne" particulièrement en lui, en tant que jeune créole réunionnais, malgache par sa mère et métropolitain par son père.
"Fasciné par cet univers"
"En décembre-janvier Bastien est venu me voir. On se connaissait par le cours de chant lyrique... Il m' expliqué qu'il n'y avait que Zaïre et lui comme étudiants noirs au cours d'art dramatique. Donc qu'il manquait de monde pour interpréter sa pièce. Ca m'a paru dingue ! Je lui ai dit que cela m'intéressait pour travailler mon jeu d'acteur (le présentateur des Gens des Hauts est à l'affiche d'Un si grand soleil à partir du 21 juin sur France 2, ndlr) Et c'est parti comme ça !"
De l'expérience, Kamini, lui, qui vient du stand up, retient tout un univers par lequel il a été "fasciné". "J'ai découvert la façon de travailler son texte, les techniques d'occupation de l'espace. A un moment, on courait avec un bâton dans la salle pour donner la réplique, en même temps que le bâton, à un partenaire. Ca m'agaçait même un peu, j'étais en mode one man show assez speed, mais finalement j'ai été bluffé par ces techniques, la méthodologie, l'ambiance, l'intelligence et la culture générale de ces jeunes étudiants en art dramatique. C'est ce que je retiens, tout comme un pan de la culture noire que j'ai appris et digéré. Aujourd'hui, je parle un peu créole !" (sourire).
(1) La représentation de la pièce n'est pas publique