Le LOSC serait sur le point de racheter l'Excel Mouscron, son ex-filiale belge dont il s'était désengagé en 2015. Un club qui a navigué en eaux troubles depuis, devenu l'incarnation en Belgique des dérives du foot business.
Selon L'Equipe, les jeux sont faits. Sauf rebondissement de dernière minute, le LOSC devrait redevenir propriétaire du Royal Excel de Mouscron, club de première division belge, frontalier de la métropole lilloise. Le deal devrait être conclu d'ici le 15 juin entre Gerard Lopez, le président lillois, et l'homme d'affaires thaïlandais Pairoj Piempongsant, actuel détenteur de 94% des parts de Mouscron.
Pour rappel, les Dogues étaient devenus une première fois actionnaires majoritaires des Hurlus en 2012, sous la présidence de Michel Seydoux, alors que le club belge venait de remonter en deuxième division, sous le nom de Royal Mouscron Péruwelz. Deux ans plus tard, il retrouvait l'élite, sous la houlette de Rachid Chihab, entraîneur des jeunes au LOSC, et avec le renfort de plusieurs joueurs lillois prêtés.
Mais l'entrée au capital du LOSC du milliardaire belge Marc Coucke, alors propriétaire d'Ostende, autre club belge de première division, obligea les dirigeants lillois à se désengager de leur filiale au printemps 2015.
Un club en eaux troubles
Mouscron fut repris par ses propres dirigeants qui le cédèrent rapidement à une société maltaise, représentant un groupe d'investisseurs conduits par le "super-agent" de joueurs israëlien Pini Zahavi, l'un des pontes mondiaux du foot business. Son fils, Gil, et son neveu, Ader, s'installèrent au conseil d'administration.
Aux côtés des Zahavi, on retrouvait également deux autres agents à la réputation sulfureuse. Tout d'abord, le Camerounais Teni Yerima que la BBC avait piégé en 2006 dans un reportage réalisé en caméra cachée, où il reconnaissait avoir soudoyé des entraîneurs pour placer ses joueurs. Il fut brièvement nommé directeur sportif de Mouscron, avant de quitter le club dès l'été 2015.
Ensuite, le Macédonien d'origine albanaise, Abdilgafar “Fali” Ramadani, actuellement au coeur d'une enquête en Espagne pour "délits fiscaux et blanchiment de capitaux". Là-bas, la justice s'intéresse à des transferts "fantômes" de joueurs, réalisés via le club chypriote de l'Apollon Limassol. Une pratique révélée par l'enquête Football Leaks menée par le consortium de medias européens EIC (dont Mediapart) qui s'était penchée notamment sur le cas du Roumain Cristian Manea arrivé à Mouscron à l'été 2015.
Manea avait été présenté alors comme un joueur de Chelsea, ce qui était faux puisqu'il était en réalité prêté par l'Apollon Limassol, club pour lequel il n'avait d'ailleurs jamais joué. Depuis, l'hebdomadaire belge Humo a comptabilisé un total de neuf mouvements de transferts entre Mouscron et le club chypriote jusqu'à la mi-2019. Selon Het Nieuwsblad, ce sont en tout 109 joueurs qui ont signé chez les Hurlus en cinq ans, dont certains n'ont jamais été vus sur le terrain. Le quotidien flamand va même jusqu'à qualifier Mouscron de "machine à blanchir de l'argent".
Officiellement, ni Pini Zahavi, ni Fali Ramadani ne dirigeaient l'Excel Mouscron. "Ils ont essayé de dissimuler cela car un agent ne peut détenir un club, que ce soit en Belgique ou ailleurs", résumait à la RTBF le journaliste Romain Molina, auteur du livre-enquête La Mano Negra - Ces forces obscures qui contrôlent le football mondial. "Ils ont dissimulé cela en redonnant le club, pour dix euros, au neveu de Pini Zahavi, puis ont revendu le club à l'actuel propriétaire Pairoj Piempongsant, qui est une connaissance de Zahavi dans le milieu des affaires depuis quinze ans".
En avril 2018, la justice belge a ouvert une enquête afin de vérifier qui contrôlait réellement Mouscron, le club rival de Malines s'étant porté partie civile. Une série de perquisitions avaient été menées au siège du club, aux domiciles de plusieurs dirigeants du club, ainsi qu’à l’Union belge de football et à la Cour belge d’arbitrage pour le sport (CBAS).
"Les soupçons couvrent d’une part de potentiels faux, usage de faux et escroquerie", avait communiqué le parquet fédéral belge le 14 novembre 2018. "Des sociétés étrangères auraient permis de camoufler le contrôle du club de Mouscron par un agent de joueur, le dénommé P.Z. Or, en Belgique, les règlements interdisent à un agent de joueur de posséder un club de football. Le club de Mouscron est également suspecté d’avoir déposé de faux documents devant l’organe d’appel, la Cour belge d’arbitrage pour le sport, dans le cadre de son recours qui visait la décision de refus de la commission des licences. L’enquête vise notamment à vérifier si ces manœuvres présumées auraient permis au club de Mouscron d’avoir été illégitimement maintenu en division 1 en ayant organisé une structure de contrôle du club via des sociétés offshore."
"Le second volet du dossier concerne des soupçons de blanchiment. Le club de Mouscron est suspecté d’être soutenu par un financement illicite de plusieurs millions d’euros émanant de sociétés offshore", avait-il ajouté.
Le contrôle de Mouscron par Pini Zahavi et Fali Ramadani a pourtant tout du secret de Polichinelle, y compris au sein des instances belges du football. L'enquête Football Leaks a ainsi révélé cet échange troublant en septembre 2016 entre Pierre François, le directeur de la Pro League belge, et Vadim Vasyliev, l'ancien vice-président de l'AS Monaco qui était alors en quête d'un club satellite en Belgique : "Je ne pourrai que vous recommander d’entamer cette discussion en direct avec P.Z. plutôt que via des intermédiaires et ce d’autant que vos bonnes relations avec l’intéressé devraient permettre d’aller droit au but", avait écrit M.François. Monaco a finalement préféré reprendre le Cercle Bruges.
Mouscron a conservé sa licence
Comme Monaco, le LOSC devrait donc de nouveau disposer prochainement d'une filiale belge. Depuis le rachat du club nordiste en janvier 2017, Gerard Lopez cherche à acquérir un satellite. Initialement, il lorgnait plutôt du côté du Portugal. Une offre avait été faîte début 2017 pour Gil Vicente, mais les dirigeants n'avaient pas donné suite. Puis un partenariat a été noué à l'été 2019 avec Belenenses SAD, avec le prêt de plusieurs joueurs lillois, dont le gardien international burkinabé Hervé Koffi.
En janvier dernier, Gerard Lopez et son conseiller sportif Luis Campos s'étaient engagés à investir au Vitoria de Setubal si le président sortant, Vitor Hugo Valente, était réélu. Mais les socios du club portugais lui ont préféré quelqu'un d'autre.
Selon L'Equipe, dirigeants lillois et mouscronnois se seraient entendus le 7 mai dernier, la veille du passage de l'Excel devant la Cour belge d’arbitrage pour le sport (CBAS) qui devait décider du maintien ou non de la licence du club, nécessaire pour évoluer en première division belge.
La Commission des licences la lui avait refusée le 8 avril (pour la cinquième fois en 6 ans). "La Commission des licences constate l’existence d’activités de gestion du club réalisées par les agents de joueur, Pini (supposé Zahavi) et Marc Rautenberg (agent et avocat suisse, ancien membre du conseil d’administration du club NDR)", avait-elle notamment justifié (voir le rendu de décision). Elle constatait également "que les déclarations sur l’honneur fournies par le club dans ses dossiers de demande de licence de football professionnel s’avèrent inexactes".
Mais la CBAS a finalement validé la licence de l'Excel en appel. D'après L'Equipe, une lettre d'intérêt de Gerard Lopez pour le rachat du club avait été ajoutée au dossier. Mouscron a donc l'assurance de pouvoir évoluer en Jupiler Pro League la saison prochaine, avec sans doute le renfort de joueurs lillois, si l'accord est définitivement conclu (un audit financier est en cours selon La Voix du Nord).
"Rien n'est encore fait et, si cela se fait, ce ne sera pas avant courant juin. Mais ce qui est vrai, c'est qu'il y a un accord entre les actionnaires pour une prise de participation majoritaire", indique ce mercredi après-midi une "source proche" du LOSC citée par l'Agence France Presse (AFP).
"Notre projet vise à faire grandir de jeunes joueurs de moins de 23 ans. Dans l'idéal, il faudrait en France un championnat des réserves des clubs pros, plutôt que de les faire participer à des compétitions de National 2 ou 3 (l'équipe réserve du LOSC a été rétrogradé de National 2 à National 3 cette saison, c'est-à-dire de la 4e à la 5e division NDR) par exemple, qui ne sont pas faits pour eux", ajoute cette même source.
"L'objectif est de monter un club de A à Z, une véritable plateforme pour garder des jeunes joueurs performants, de la direction sportive au scouting (recrutement), en passant par les méthodes d'entraînement ou la nutrition des joueurs. Il ne s'agit pas de prêter deux ou trois joueurs, ce n'est pas le projet", signale-t-elle.
Sur le plan juridique, la reprise de Mouscron ne se ferait pas directement par le LOSC, mais via l'une de ses holdings détenues majoritairement par Gerard Lopez.
Loading...
L'Equipe a cité Victory Soccer, mais il s'agit désormais de trois entités : une domicilée à Londres (Victory Soccer Limited) et deux autres au Luxembourg (Victory Soccer Luxembourg et Victory Soccer Luxembourg 2).
Outre le LOSC, Victory Soccer détient une autre filiale, Scoutly Limited, qui chapeaute les activités du conseiller sportif Luis Campos et de son équipe de recruteurs.