"C'est une arme nucléaire pour aller devant les tribunaux et requalifier nos statuts" : l'Europe trouve un accord pour mieux protéger les travailleurs des plateformes numériques

Brahim Ben Ali, chauffeur VTC chez Uber, réagit à l'accord politique trouvé, au sein de l'UE, sur le statut des travailleurs des plateformes numériques. Une avancée, selon lui, pour engager des procédures devant les prud'hommes et requalifier le travail au sein des plateformes numériques.

Un accord politique a été trouvé lundi 11 mars 2024 par les pays de l'UE, sans la France et l'Allemagne, sur une législation européenne destinée à renforcer les droits des travailleurs des plateformes numériques comme Uber ou Deliveroo, a annoncé la présidence belge du Conseil de l'UE. En décembre 2023, un compromis, plus avantageux pour les travailleurs des plateformes numériques avait été trouvé mais finalement sans majorité. Cette fois, une majorité a soutenu le compromis.

"Ce sera aux plateformes de prouver que (les travailleurs) ne sont pas des employés", a commenté la Confédération européenne des syndicats (CES), qui s'est réjouie d'une "victoire", estimant que "la fin du faux travail indépendant est à portée de main". Entretien avec Brahim Ben Ali. 

Vous avez effectué une marche entre Villeneuve d'Ascq et Bruxelles, pourquoi ? 

Les plateformes veulent faire émerger un tâcheronnage généralisé. Créer des tâcherons soumis et corvéables à n'importe quelle tâche. Par exemple un livreur, censé être indépendant, ne décide pas de sa tarification. Un chauffeur est, par exemple, obligé de prendre le client même si cela ne l'arrange pas au niveau de la distance et du temps à parcourir. Au bout de trois ou quatre avertissements s'il refuse, on va le sanctionner. On fait prendre des risques aux livreurs sur la route, pour les chauffeurs VTC la tarification est la même de jour comme de nuit. Les conditions de travailleurs des plateformes numériques sont vraiment déplorables.

>> À lire aussi : Quatre travailleurs chez Uber ou Amazon, marchent de Lille à Bruxelles pour alerter sur leurs conditions de travail

Que vient de décider l'Europe ? 

Depuis 2019, je travaille aux côtés de Leïla Chaibi (députée européenne LFI) sur cette directive européenne. Le parlement avait voté un premier texte qui était le meilleur pour nous, c'est-à-dire une présomption de salariat avec un renforcement de charge de la preuve sans critère.

On a inversé la charge de la preuve et cela donne une arme nucléaire aux travailleurs pour enclencher une procédure aux prud'hommes pour requalifier leurs statuts.

Brahim Ben Ali

Cette fois, un compromis vient d'être adopté par une directive. Celui-ci ne plaît toujours pas aux plateformes mais, pour nous, mieux vaut cela que le statu quo... Aujourd'hui, on a enlevé la présomption de salariat. On laisse au niveau du droit du travail national d'apprécier. Mais c'est aux plateformes de prouver maintenant que les chauffeurs étaient indépendants et qu'ils n'étaient pas subordonnés. On a inversé la charge de la preuve et cela donne une arme nucléaire aux travailleurs pour enclencher une procédure aux prud'hommes pour requalifier leurs statuts.   

Des actions de groupe devant les tribunaux sont-elles à prévoir ? 

Non, car si les salariés peuvent se constituer en class action (action de groupe), les indépendants ne le peuvent pas. Il faudrait leur laisser la possibilité de le faire. Actuellement, on est 1 623 dossiers en cours en justice, dont une centaine dans les Hauts-de-France. Les chauffeurs veulent travailler avec les plateformes mais rester indépendants. Les livreurs préfèrent peut-être être salariés. Aujourd'hui on donne la possibilité de sauver le modèle salarial et le modèle de l'indépendance. Libre à chacun. C'est une arme nucléaire de lutter contre ceux qui veulent nous amener au tiers statut, de compromission entre le modèle salarial et le modèle indépendant. Les droits avant les profits, c'est ce qui résume notre combat.

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