À l’approche des fêtes de fin d’année, alors que le variant Omicron gagne du terrain, les messages de prévention se multiplient. L’objectif des autorités : éviter de surcharger les hôpitaux, fortement éprouvés depuis le début de l'épidémie il y a 18 mois. Dans les Hauts-de-France, le nombre de patients en réanimation a été multiplié par 2,5 en un mois seulement. La majorité d'entre eux sont non-vaccinés.
Dans les services de réanimation des hôpitaux des Hauts-de-France, le nombre de patients positifs au Covid-19 a été multiplié par 2,5 en un mois : 264 lits sont actuellement occupés par des patients Covid. Des chiffres certes bien éloignés des tristes records atteints en avril 2021 avec plus de 700 patients Covid occupant un lit de soin critique. Mais l’afflux de patients se poursuit, et vite.
À tel point que l’Agence Régionale de Santé (ARS) des Hauts-de-France a déclenché le plan blanc dans tous les hôpitaux de la région le 10 décembre dernier : les déprogrammations d’opérations non-urgentes se succèdent et la réorganisation interne des services pousse désormais les soignants à revenir sur leurs jours de congés pour assurer la prise en charge des patients.
Épidémiologistes et professionnels de santé s’accordent sur un point : c’est grâce au vaccin que la situation n’est pas hors de contrôle aujourd’hui. Alors que le variant Omicron - jugé plus contagieux - laisse présager une sixième vague après les fêtes de Noël, la cinquième vague ébranle de nouveau nos hôpitaux et la fatigue des soignants laisse peu à peu place à la colère.
Quatre fois plus de patients Covid en réanimation au CHU de Lille en un mois
En témoignent les chiffres des hôpitaux de la région au 21 décembre. Au CHU de Lille, le plus grand hôpital de la région, 89 patients sont actuellement hospitalisés suite à une contamination au Covid-19. Parmi eux, 43 occupent un lit dans un service de réanimation. À titre de comparaison, ils étaient quatre fois moins nombreux dans ce service il y a un moins à peine.
Difficile pour nous d’échanger quelques minutes par téléphone avec un médecin réanimateur de l’hôpital ce jour sur la situation dans le service et l’état d’esprit des équipes. Car le rythme de travail est soutenu et les pauses se font rares. Peut-être aussi parce que les soignants sont lassés d'être confrontés à un public majoritairement non-vacciné.
Selon les derniers chiffres communiqués par l’hôpital, 60% des patients accueillis en réanimation sont non-vaccinés. Un tiers des patients sont certes vaccinés, mais immunodéprimés. "C‘est-à-dire qu’ils ont un système immunitaire faible et qu’ils n’arrivent pas à produire des anticorps, même après la vaccination", détaille Patrick Goldstein, chef des urgences au CHU de Lille. Enfin, les 10% restants sont des personnes vaccinées mais en fin de deuxième dose : ces patients ont reçu leur dernière injection il y a six mois ou plus et n’ont pas encore reçu de dose de rappel. À noter que depuis l’ouverture des troisièmes doses, aucun patient ayant reçu son rappel n’a été accueilli dans le service de réanimation de l'établissement.
7% de la population non-vaccinée des Hauts-de-France représente 50% des admissions en soins critiques
Pour se rendre compte de la part des patients non-vaccinés en réanimation dans les Hauts-de-France, il faut analyser les statistiques délivrées par le ministère de la Santé. Selon des données communiquées par la DRESS - la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques - 333 patient ont été admis en soins critiques sur la période du 8 novembre au 5 décembre 2021 dans les hôpitaux de la région (données les plus récentes publiées le 17 décembre, ndlr). Parmi eux, 153 étaient non vaccinés et 179 totalement vaccinés.
Des chiffres bruts qui pourraient laisser penser que les personnes vaccinées sont plus nombreuses à occuper un lit de réanimation que les non-vaccinés. Mais il faut comparer cette proportion par rapport à la population générale, vaccinée ou non.
En date du 8 décembre, 4 484 000 habitants des Hauts-de-France étaient totalement vaccinés (soit 75% de la population générale) contre 1 389 000 habitants non-vaccinés (soit environ 25% de la population). Parmi cette frange de la population n’ayant reçu aucune dose de vaccin, plus d’un million d’entre eux ont moins de 12 ans. Or, les enfants développent plus rarement des formes graves et sont quasi-absents des services de réanimation : au 20 décembre, 2% des patients Covid occupant un lit dans un service de soins critiques dans notre région sont des enfants de moins de 10 ans.
Si l’on soustrait donc les enfants de moins de 12 ans à la part des non-vaccinés, on arrive au chiffre d’environ 400 000 habitants de la région n’ayant reçu aucune dose de vaccin. Soit 7% de la population des Hauts-de-France qui représente actuellement près de 50% des admissions de patients Covid en soins critiques.
Un constat similaire dans tous les hôpitaux de la région
Face à ce constat, Patrick Goldstein, également patron du SAMU du Nord, appelle les plus récalcitrants à se faire vacciner pour éviter une surcharge des hôpitaux dans les prochaines semaines. "On a l’impression d’être sur un plateau, mais un plateau haut qui reste relativement inquiétant. La pression existe toujours sur les services de réanimation de la région. Nos collègues sont très occupés avec un nombre de lits qui ont été libérés grâce à des efforts de déprogrammation importants qu’il faut souligner".
Un constat valable dans tous les hôpitaux des Hauts-de-France. À Amiens par exemple : 9 patients Covid sont actuellement pris en charge en réanimation, dont 7 non vaccinés et deux en cours de parcours vaccinal. Au CH de Valenciennes aussi : 13 patients Covid en réanimation dont la moitié sont non-vaccinés. 5 personnes doublement vaccinées mais n’ayant pas encore reçu leur booster complètent le service. À noter toutefois que contrairement au CHU de Lille, un patient intégralement vacciné - deux doses + une dose de rappel - est actuellement soigné en soins critiques.
On sait aujourd’hui que trois doses de vaccin nous mettent à l’abri soit d’une contamination, soit d’une forme grave.
Patrick Goldstein, patron du SAMU du Nord
Dans les prochaines semaines, la part des patients doublement vaccinés se retrouvant hospitalisés ou en réanimation devraient augmenter avec la montée en puissance du variant Omicron. Selon une étude britannique menée par l’Impérial College de Londres, deux doses de Pfizer ne protégeraient qu’à hauteur de 19% contre cette nouvelle mutation ; un taux qui tombe à 0% avec deux doses d’AstraZeneca. D’où l’importance de recevoir sa dose de rappel. "On sait aujourd’hui que trois doses de vaccin nous mettent à l’abri soit d’une contamination, soit d’une forme grave", résume Patrick Goldstein. Car selon l’étude britannique, la protection avec la troisième dose passe à 73% avec AstraZeneca et 77% avec Pfizer. Des taux encourageants car la limite d’efficacité pour qu’un vaccin soit mis sur le marché est de 50%.