L'Institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (ITEP) de Croix s'apprête à perdre sa cuisine et ses trois cuisiniers, qui servaient jusque-là des repas frais aux enfants chaque jour. En grève ce lundi 13 septembre, le personnel rappelle le rôle joué par l'alimentation dans leur travail éducatif.
A l'ITEP de Croix, la cuisine représente trois emplois, mais aussi un lieu essentiel d'éducation. L'institut Etienne Leclercq, un établissement privé qui dépend de l'Institut Catholique de Lille, accueille 104 enfants présentant des troubles du comportements, des troubles du spectre autistique et de la personnalité. Un grand nombre d'entre eux "ont un rapport à l'alimentation particulier voir pathologique" explique Claudie Espalieu, éducatrice spécialisée et représentante du personnel au sein du CSE de l'établissement.
Une cuisine fermée, trois emplois menacés
Pour cette raison, la cuisine de l'institut Etienne Leclerq est une exception appréciée par le personnel et par les jeunes accueillis. Ce fonctionnement permet aussi de prendre en charges les imprévus, par exemple lorsqu'un enfant suivi par l'institut et scolarisé dans un autre établissement ne peut pas bénéficier de sa restauration scolaire habituelle. Mais cette cuisine, qui propose des produits frais et de qualité, est désormais menacée de fermeture. Les trois cuisiniers devraient être prochainement limogés, et pourraient être remplacés par un prestataire extérieur, qui livrerait des repas tout prêts à l'ITEP. Ce lundi 13 septembre, plus d'une trentaine de salariés était en grève, d'abord de 12h à 14h, pour tenter de préserver les enfants accueillis.
Selon Claudie Espalieu, cette fermeture est due à une mise en demeure reçue par l'établissement début Juillet, mais dont les salariés n'ont eu connaissance que ce vendredi 10 septembre. Cette injonction concerne la mise aux normes de la cuisine de l'ITEP, une opération qui impliquerait notamment de doubler la taille du local dédié aux repas. Pour la représentante du personnel, l'établissement a fait des choix budgétaires discutables dans le cadre d'un projet immobilier global, en plaçant ailleurs l'argent nécessaire à la refonte de la cuisine. "On a vu par un exemple le projet d'avoir une miellerie dans le jardin. Contrairement à la cuisine, ça ne nous paraît pas prioritaire", regrette Claudie Espalieu. Contactée, la direction de l'Institut Etienne Leclercq n'a pas souhaité s'exprimer.
"Maintenant, mes enfants goûtent de tout !" : la cuisine, un lieu de thérapie
"Le dispositif ITEP est axé sur une prise en charge pluridisciplinaire notamment thérapeutique, éducative et pédagogique. Les repas confectionnés avec des produits frais, par des cuisiniers "humains", en contact avec les enfants, sont importants dans l'accompagnement mené", insiste l'éducatrice spécialisée, qui précise que l'établissement possède sa cuisine depuis son ouverture, en 1959. "On pouvait adapter la cuisine aux enfants : une phobie alimentaire, un type de repas... On pouvait même, une fois par semaine, préparer un repas avec eux, pour leur apprendre aussi l'autonomie."
Quand l’alimentation fait partie du traitement https://t.co/v0LWTotV4K
— Le Figaro Santé (@LeFigaro_Sante) November 5, 2019
Aux professionnels inquiets se sont également joints quelques parents d'enfants accueillis à l'ITEP. C'est le cas de Mme Debever, représentante des familles au sein du Conseil de Vie Sociale de l'institut, qui accueille ses jumeaux de 12 ans. "Le gros souci qu'on avait, c'était au niveau de leur alimentation : on ne savait pas comment faire manger nos enfants. Si ce n'était pas des textures lisses, ou mixées, on avait des vomissements. Ils ne goûtaient jamais ce qu'il y avait dans l'assiette. Le moment des repas, c'était une angoisse perpétuelle, rien que pour réussir à leur mettre une fourchette dans la bouche. Quand on a fait les projets de vie des enfants, on a vraiment insisté sur l'alimentation. Grâce aux équipes de cuisine à l'ITEP, le moment du repas est devenu un moment de plaisir. Maintenant, mes enfants goûtent de tout ! savoure la mère de famille. Et après tout ça, on va commencer à simplement déposer un plateau repas tout préparé devant les enfants ? Ça me fait un peu peur. Ce ne sera plus un moment de partage, d'expression de leur ressenti."
La mobilisation des personnels pourrait continuer, cette fois avec le soutien d'autres parents.