DOCUMENT. LOSC : Gerard Lopez est désormais strictement contrôlé par ses créanciers

Selon un document paru au registre du commerce luxembourgeois, Lux Royalty, la maison-mère du LOSC, a contracté un nouvel emprunt obligataire le mois dernier. En contrepartie, les créanciers ont obtenu un pouvoir de contrôle renforcé et pourraient même, à terme, devenir propriétaires du club. 

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Le document de 59 pages, rédigé en anglais et en français, a été rendu public vendredi dernier sur le site internet du registre du commerce et des sociétés du Luxembourg. Il rend compte des décisions prises lors de la dernière assemblée générale extraordinaire de Lux Royalty, en date du lundi 28 mai 2018, c'est-à-dire la veille du passage des dirigeants du LOSC devant la Direction Nationale du Contrôle de Gestion (DNCG), le "gendarme financier" du football français qui a validé le budget lillois pour la prochaine saison moyennant un encadrement de la masse salariale et des indemnités de transferts.



Avant d'entrer dans les détails, petit rappel pour ceux qui ne seraient pas au fait de la complexe chaîne de propriété du LOSC : Lux Royalty est la société qui possède L Holding, la structure française qui détient 95% des actions du club nordiste. Cette holding luxembourgeoise est la propriété de Victory Soccer, société londonienne détenue à 80% par Gerard Lopez (via la société hong-kongaise Chimera Consulting) et à 20% par Marc Ingla (via la société barcelonaise Kramink).

Lux Royalty a également deux actionnaires minoritaires à son capital, Manchester Securities (0,1%) et Zayn Investments (0,1%). Le premier, domicilié à New York, est une filiale du célèbre fonds d'investissement spéculatif américain  Elliott Management. Le second est une société offshore des Îles Caïmans, domiciliée à la même adresse qu'Elliott International, l'une des multiples branches de ce fonds. Ce sont les créanciers de la maison-mère du LOSC. Ils disposent d'un des trois sièges du conseil de gérance de Lux Royalty, aux côtés de Gerard Lopez et de son associé luxembourgeois Claude Zimmer (également administrateur du LOSC).     



Lors de cette l'assemblée générale extraordinaire du 28 mai, une modification des statuts de Lux Royalty a été décidée.

 A l'article 7, on y apprend que la société "et/ou (...) ses filiales directes et indirectes" ont émis de nouveaux titres obligataires en mai 2018, après ceux déjà émis en janvier, mai et juin 2017 pour financer les activités du LOSC. Rappelons qu'une obligation est une valeur mobilière qui constitue une dette financière pour celui qui l'émet. Est-ce que ce nouvel emprunt correspond à tout ou partie des importantes liquidités (près de 90 millions d'euros selon L'Equipe) versées sur les comptes du LOSC pour garantir la prochaine saison ? Le document ne précise pas son montant.


Les créanciers pourront devenir propriétaires


Un nouvel alinéa - très important - a été en revanche ajouté dans ce même article 7 des statuts de Lux Royalty : le conseil de gérance a désormais la possibilité, dans les cinq années qui viennent, d'augmenter le capital social de la société "en une ou plusieurs fois, à hauteur d’un montant total jusqu’à concurrence de 1 991 000 euros". C'est ce qu'on appelle en langage juridico-financier un capital autorisé. Son montant, peu élevé, suffirait - s'il était atteint - à donner la propriété de Lux Royalty et donc du LOSC aux créanciers de Gerard Lopez, Manchester Securities et Zayn Investments.

Explications : actuellement le capital social de Lux Royalty, détenu à 99,8% par Lopez et Ingla via Victory Soccer, n'est que de 105 000 euros. Plus le capital social augmentera, plus les parts de Victory Soccer seront diluées. Car selon les nouveaux statuts, seuls les détenteurs d'actions de "Classe A-2" - c'est-à-dire Manchester Securities et Zayn Investments - pourront participer à cette augmentation de capital.

Deux cas de figure sont énoncés :
  • émission de nouvelles parts sociales dans les 5 ans
  • émission d'obligations convertibles en parts sociales au bout de 5 ans si elles ne sont pas remboursées.
Ainsi, les créanciers auront la possibilité de detenir, d'ici 5 ans, jusqu'à 95% de Lux Royalty, donc du LOSC. Sauf si d'ici là, Gerard Lopez parvient à rembourser - ou trouve quelqu'un pour rembourser - l'intégralité des emprunts obligataires en cours, auquel cas, "la Société pourra racheter et annuler les Parts Sociales de Classe A-2" aujourd'hui détenues par Manchester Securities et Zayn Investments (article 7.3 des statuts).


Gerard Lopez sous contrôle


Pour le moment, l'assemblée générale extraordinaire de Lux Royalty a décidé le 28 mai que "les Parts Sociales de Classe A-2 émises par la Société ne seront pas rachetées et/ou annulées, mais que les Parts Sociales de Classe A-2 demeureront existantes et détenues par Manchester Securities Corp et Zayn Investments Limited et donneront les droits et prérogatives tels qu’énoncés dans les statuts de la Société tels que modifiés et reformulés."

En effet, le représentant des créanciers au sein du conseil de gérance disposera dorénavant de nouveaux pouvoirs de contrôle, détaillés à l'article 13 des statuts. Jusqu'à présent, son vote positif favorable était obligatoire seulement pour "la conclusion et/ou la modification de tout contrat de services entre la Société (Lux Royalty) et LOSC Lille S.A.", ainsi que "la réalisation de tous paiements, sauf pour le paiement d’impôts et de frais courants et de dépenses nécessaires pour la gestion de la Société" et "tous changements au capital social de la Société (Lux Royalty) comprenant le rachat ou le remboursement de parts sociales". Désormais, les choses deviennent beaucoup plus strictes et bordurées .

Le réprésentant des créanciers devra obligatoirement donner son aval pour :
  • "la conclusion et/ou la modification de tout contrat de services entre la Société (Lux Royalty) et LOSC Lille S.A. ou toute autre filiale directe ou indirecte de la Société ou société affiliée de la Société et  de tout contrat de prêt/obligations (« bonds ») entre la Société et LOSC Lille S.A. ou toute autre filiale directe ou indirecte de la Société ou société affiliée de la Société".
  • "la réalisation de tous paiements par la Société (Lux Royalty), sauf pour le paiement d’impôts et de frais courants et de dépenses nécessaires pour la gestion
    de la Société à condition que le total de tels frais et dépenses n’excède pas le montant annuel de 100 000 euros
    ".
  • "tous changements au capital social de la Société (Lux Royalty) et de toutes filiales directes ou indirectes (LOSC) de la Société comprenant le rachat ou le remboursement de parts sociales".
  • "l’adoption de toutes décisions d’associés en relation avec toutes filiales directes ou indirectes (LOSC) de la Société".
  • "toute approbation ou changement du budget et du plan de la Société (Lux Royalty) et de toutes filiales directes ou indirectes (LOSC) de la Société".
  • "les modifications des statuts ou règlements de la Société (Lux Royalty) et de toutes filiales directes ou indirectes (LOSC) de la Société".
  • "la nomination, révocation et le remplacement des administrateurs, gérants, président (président) et personnes déléguées en charge de la gestion journalière de toutes filiales directes ou indirectes (LOSC) de la Société".
  • "la disposition, en tout ou en partie, directement ou indirectement, de toute propriété ou actif de la société (Lux Royalty), incluant les parts dans toutes filiales directes ou indirectes de la Société et les prêts des associés, en ceux compris toute forme de financement des associés accordée par la Société à ses filiales directes ou indirectes". 
  • "le transfert de l’administration centrale et du centre des intérêts principaux de la Société (COMI)".
  • "la création ou la décision de continuer tout gage, cession a fin de garantie, une charge, une garantie ou une hypothèque, sur tout actif ou propriété de la Société".
  • "l’émission par la Société (Lux Royalty) de toutes valeurs mobilières, obligations, titres de capital, titres de créance, bons de souscription (« warrants ») ou d’autres instruments ou octroyant ou modifiant les droits en relation avec de telles valeurs mobilières, obligations, titres de capital, titres de créance, bons de souscription (« warrants ») ou d’autres instruments".
  • "la souscription de tout de tout emprunt et/ou la souscription de toute obligation contractuelle de paiement par la Société".
  • "toute transaction entre la Société (Lux Royalty) et/ou Victory Soccer Limited, et tous associés directs ou indirects ou filiales directes ou indirectes de Victory Soccer Limited et le bénéficiaire effectif ultime de la Société (Gerard Lopez)". 
  • "l’entrée de la Société (Lux Royalty) dans tout contrat de conseil, contrat de gérance ou d’autres contrats de services autres que des contrats ayant lieu dans le cours normal des activités".
  • "toute distribution de dividendes, rachat de parts sociales et remboursement du capital, de la prime d’émission, de la réserve spéciale par la société aux associés de la Société (Lux Royalty) ou par les filiales de la Société a la Société". 
  • "tout dépôt ou consentement au dépôt d’une pétition en faillite ou en réorganisation en vertu de toute loi relative à la faillite nommant la Société (Lux Royalty) comme débiteur ou tout autre engagement d'une procédure de faillite ou d’une procédure d'insolvabilité par ou à l’encontre de la Société, ou autrement, concernant la Société, redressement en vertu de toutes lois relatives à la remise des dettes ou à la protection des débiteurs en général ; ou demande de ou consentement à la nomination d’un administrateur judiciaire, liquidateur, syndic de faillite, séquestre, dépositaire ou tout autre représentant officiel de la Société ou de toutes les propriétés de la Société en tout partie."

En clair, Gerard Lopez ne peut quasiment plus rien décider aujourd'hui sur la gestion et le financement du LOSC sans l'aval de ses créanciers. Ces derniers viennent d'ailleurs de désigner un nouveau représentant au conseil de gérance de Lux Royalty pour porter leur voix. Il s'agit de l'avocat américain Michael Dripps, responsable juridique d'Intertrust Group, une fiduciaire luxembourgeoise. Il remplace depuis le 28 mai le Français Pierre Claudel.



Un autre changement important est survenu ce même 28 mai : Gerard Lopez a démissionné de la présidence de L Holding, la société française qui détient les actions du LOSC. C'est la maison-mère luxembourgeoise, Lux Royalty, qui exerce désormais directement cette fonction en tant que personne morale. Donc sous le contrôle direct des créanciers... 

Quelles conséquences pour le LOSC ?   


Ces changements étant intervenus la veille du rendez-vous à la DNCG, on peut penser qu'ils font partie des éléments validés par le "gendarme financier". A l'évidence, les créanciers du LOSC ont choisi de ne pas abandonner le club et son propriétaire au milieu du gué. Le fonds d'investissement Elliott a beau avoir la réputation d'être intraitable, impossible pour lui d'exiger, en l'état, un retour sur investissement à court terme. Il semble donc vouloir donner du temps pour relancer la machine et permettre, à terme, le remboursement des dettes contractées. Un gage de stabilité sans doute aux yeux de la DNCG.

Le fait que les nouveaux statuts prévoient - si nécessaire - une montée progressive des créanciers dans le capital de la holding constitue sans doute aussi un autre gage à moyen terme. Au pire, le LOSC deviendra leur propriété. Ils pourraient donc encourager Gerard Lopez et Marc Ingla à préserver au maximum les actifs du club, donc à ne pas brader voire à conserver encore certains joueurs très convoités pour ce mercato d'été, dont la cote pourrait encore progresser d'ici un an ou deux. On peut penser notamment à Nicolas Pépé, l'attaquant ivoirien dont la valeur est déjà estimée entre 15 et 25 millions d'euros.


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