Coronavirus en prison : premiers décès et manque de moyens de protection, l'angoisse monte

On sait aujourd'hui que trois personnes sont mortes en prison - dont une à Douai - et que parmi la population de détenus et de surveillants, plusieurs dizaines sont positifs ou symptomatiques. Comment isoler les personnes atteintes ? Comment la pandémie est-elle gérée en prison ?

Malgré la libération anticipée de 8.000 détenus en France, les risques de propagation du virus en prison demeurent. Et l'urgence y est d'autant plus criante que c'est souvent en prison que se concentrent les populations les plus vulnérables et les plus à risques face au COVID-19 : personnes âgées, toxicomanes, malades à pathologies multiples.

La règle avec les détenus symptomatiques, c'est l'isolement. Plusieurs établissements ont vidé des cellules et réservé des secteurs en détention pour accueillir d'éventuels patients Covid. En théorie, les "isolés" ont chacun un masque chirurgical à porter à chaque fois que la porte de la cellule est ouverte par un surveillant. En théorie.
 

Quid des surveillants ?


Les surveillants, eux, sont équipés de masques et de gants. Uniquement pour ceux qui sont au contact des détenus. "On nous dit : mettez un masque en présence des détenus pour les protéger et vous protéger aussi. Mais apparemment on n'a pas pensé qu'entre personnels on pourrait aussi se contaminer. Et là-dessus, zéro info, et pas de masque", déplore Julien Martin, responsable interrégional FO pénitentiaire.

 
"Un masque par agent pour 6 heures d'astreinte, c'est clairement insuffisant, il en faudrait au moins deux, renchérit Guillaume Potier, secrétaire régional UFAP UNSA. Le meilleur dans cette histoire, c'est que des détenus sont en ce moment en train de fabriquer des masques, notamment dans des prisons du sud. On ne sait pas si les personnels ou les détenus eux-mêmes pourront en avoir !"
 

Des règles sanitaires à géométrie variable


La règle d'isolement est valable aussi pour les promenades, "mais ça n'est pas le cas partout, continue Julien Martin. A Douai, ils sont 4 ou 5 à être isolés, mais vont en promenade ensemble. On a des instructions, mais aucune harmonisation sur le terrain. Pour moi, ce qui nous met le plus en danger dans cette pandémie, c'est l'incapacité des directions à communiquer clairement."

Au centre pénitentiaire de Maubeuge, 4 cellules du quartier arrivants sont disponibles au cas où, mais il n'y a aucun détenu symptomatique pour le moment. Le centre de détention fonctionne en régime de cellules fermées depuis le 22 mars, "et jusqu'à présent on n'a eu aucun incident, les détenus semblent compréhensifs", remarque Christophe Muzzolin, secrétaire local FO Maubeuge.

"Ça rassure le personnel, ajoute-t-il, mais la direction s'interroge sur une possible réouverture des cellules en journée, pour assouplir le régime de la détention avant le ramadan. D'autant plus incompréhensible que dehors, on nous met des restrictions de sortie de plus en plus dures."

Autre motif d'inquiétude : la distribution des repas. Finies les barquettes individuelles, la distribution se fait "à la louche" et ce sont des détenus qui s'en chargent. Sauf que ceux-ci ne sont pas équipés de masques...
 

Après les premiers décès liés au Covid-19, l'angoisse monte


Le 17 mars, mort d'un détenu de 74 ans à Fresnes. Le 25 mars, décès d'un surveillant qui présentait des symptômes à la prison d'Orléans-Saran.

Vendredi dernier, le troisième décès a eu lieu à Douai, dans la cour d'honneur de la prison.
 
Un détenu s'était plaint de symptômes grippaux quelques jours avant, "mais le service médical avait mis ça sur le compte de sa maladie puisqu'il était déjà sous oxygène pour des problèmes respiratoires. C'est l'autopsie qui a révélé lundi matin qu'il était positif. La direction a identifié 15 surveillants avec lesquels il avait été en contact direct ces derniers jours, et leur a simplement demandé de contrôler leur température", raconte Julien Martin, de FO. De quoi alimenter un début de psychose.

"On a demandé à les faire dépister dans les drive qu'on commence à voir s'ouvrir un peu partout mais a priori ils ne rentrent pas dans les critères de l'ARS !, s'offusque Guillaume Potier. Il y a beaucoup d'angoisse qui s'installe. Entre les personnels coincés chez eux pour des problèmes de garde d'enfants, les personnels fragiles, et ceux qui commencent à fatiguer à force de faire des heures supplémentaires qu'on ne veut pas nous payer, je redoute que les collègues ne viennent plus travailler."
 

La prison s'invite au Conseil d'Etat


Il n'y aura pas de masques supplémentaires ni tests de dépistage pour les prisons. Saisi par des syndicats et des organisations de défense des détenus, le Conseil d'Etat a rejeté hier les recours visant une meilleure protection pour les agents pénitentiaires et les détenus. Les Sages ont estimé que les dotations en moyens de protection décidées par le gouvernement étaient suffisantes.

Rejetée aussi la demande de libération anticipée de peines inférieures à 6 mois pour permettre de désengorger encore plus les établissements surpeuplés. Une demande partagée par Adeline Hazan, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, qui réclamait la libération de 7000 détenus supplémentaires. Sur ce point, le Conseil d'Etat s'est déclaré incompétent.
 
 
Chiffres COVID-19 sur la DISP de Lille
► Personnels : sur 4018 agents

- 17 cas confirmés
- 74 cas symptomatiques non confirmés

► Détenus : sur 6468 personnes

- 1 décès (survenu le 2 avril)
- 0 cas confirmé
- 15 cas symptomatiques ou « cas contacts » confinés

Dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, une ordonnance a permis de faciliter les libérations anticipées. Sur les 19 établissements pénitentiaires de la direction interrégionale de Lille, le nombre de détenus a ainsi baissé de 9,8% depuis le 17 mars.

Dans la région, la population pénale a baissé dans les prisons.

Les chiffres au 8 avril :

- 6468 détenus dans les établissements pénitentiaires de la direction interrégionale de Lille, soit 704 de moins qu'au 17 mars 2020 (en baisse de 9,8%)

- 969 personnes placées sous surveillance électronique, soit 216 de moins qu'au 17 mars 2020 (moins 18,2%)

Ces chiffres s'expliquent par la baisse des mises sous écrou, les mesures d'individualisation des peines, et les libérations anticipées suite aux ordonnances pénales prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

 
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