Retrouvez le minute par minute (DIRECT) de la deuxième journée d'audience en cliquant ici.
Après avoir longtemps nié la contrainte, le prêtre du Nord jugé pour des viols et agressions sexuelles sur au moins 15 mineurs, a craqué lundi et reconnu les faits, au premier jour de son procès devant la cour d'assises du Nord.
Prostré, la mine grave, le menton rentré dans son pull bleu, Philippe Détrè, 70 ans, écoute la liste des faits perpétrés de 1976 à 2011 à Merville, Loos et autres communes du Nord, égrenée par la présidente de la cour d'assises.
C'est l'attitude qu'adoptera l'accusé toute la journée: repentant, il est prêt à avouer ses crimes et à demander pardon à ses victimes. Et si, en début de journée, il conteste certains "détails", telles l'absence de consentement mutuel ou les sodomies forcées, il craque en fin de journée, après les violentes remontrances de son propre avocat - "c'est maintenant!" - et avoue: oui, l'accusé dont il est alors question dit l'entière vérité.
Un "cérémonial"
Un peu plus tôt, la présidente de la cour lisait la déposition d'un handicapé aujourd'hui âgé de 51 ans et qui, à 16 ans et pendant plusieurs années, subit desagressions sexuelles. L'atmosphère est lourde lorsque de sa voix sourde, il répond tant bien que mal par oui ou non aux questions: était-il consentant, a-t-il résisté, pourquoi s'est-il laissé faire?
M. Détrè raconte ensuite, dans un silence de mort, que s'il avait une serviette pour s'essuyer après l'acte, elle avait aussi sa place dans son "cérémonial...
d'agression".
Parcours "difficile"
Solitude extrême après avoir vécu au sein d'une famille nombreuse, humiliations par ses frères devant sa mère autoritaire, complexe d'infériorité de ne détenir qu'un CAP boucherie avant d'être ordonné prêtre, problèmes de sexualité nés dans l'enfance et l'adolescence: tels sont les quelques facteurs qui transparaissaient des premiers témoignages, dans la matinée.Philippe Détrè, les mains jointes sur son ventre rebondi, relate avec émotion la fois où ses frères se sont moqués de la taille de son sexe, le déshabillant
devant leur mère, son modèle et le véritable chef de famille.
Il raconte aussi comment, vers l'âge de 10 ans, un voisin de son âge le tripote, et comment ses parents se sont contentés alors de solder le conflit avec les autres parents, "sans s'occuper de (lui)". Il évoque, enfin, la solitude qui a suivi son ordination de prêtre, quand, après une journée au sein de sa communauté paroissiale, il doit passer la soirée seul chez lui.
L'Eglise n'a rien vu?
Les relations sexuelles avec les enfants seraient pour lui, "un moyen d'aider", une marque d'amour qui aurait "dérapé". Autre sujet abordé lors de cette première journée: la manière dont M. Detré a pu commettre ses crimes sans jamais être inquiété par ses amis prêtres ou par la hiérarchie.Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Lille, passe à la barre et doit répondre aux tirs croisés de la présidente et de l'avocat général: comment l'Eglise a-t-elle pu ne rien voir? Les échos des paroissiens et des pairs de M. Détrè "étaient bons, j'avais le sentiment qu'il était à sa place", assure-t-il.
Pourquoi aucun ecclésiastique n'a-t-il alerté du fait que M. Détrè accueillait souvent des mineurs à son presbytère? "Je sens que chacun est prudent et ne cherche pas à faire immédiatement référence à l'évêque", répond-il encore. Lorsque M. Détrè a été mis en garde à vue, "on est tous tombés du grenier à la cave", conclut Mgr Ulrich, reprenant une expression de la région maintes fois prononcée par la famille du prêtre.