PORTRAIT. Carnaval de Dunkerque 2024. Cô Pinard II, l'emblématique tambour-major de 1959 à 1988 qui a son hymne

Tambour-major hyperpopulaire de la bande des pêcheurs, Jean Minne, alias Cô Pinard II, était sapeur-pompier, né en 1921, à Rosendaël. Homme de caractère, carré, à la grande stature, il était aussi jovial, conteur hors pair et fêtard. Son successeur Cô Schlock II ; Pierre Vaillant, carnavaleux ; Janine sa fille aînée, et Pascal Caulier, créateur de l'hymne, nous content ici quelques souvenirs du Cô disparu en mai 1988.

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S'il fallait définir Cô Pinard II à partir du dénominateur commun des témoignages de ces proches, assurément, les mots convivialité, partage, fête, viendraient à l'esprit mais aussi respect, admiration. Janine, sa fille, et Jacky Hennebert (Cô Schlock II) ont employé le mot "idole" avec un sourire, certes, mais naturellement, pour définir le rapport qu'ils avaient avec Jean Minne, père, ou prédécesseur en tant que tambour-major de la bande des pêcheurs de Dunkerque.

Grand, Cô Pinard avait énormément de bagou, toujours un peu pour l'un un peu pour l'autre, toujours d'humeur égale.

Pierre Vaillant, figure du carnaval

Pour son ami Pierre Vaillant, 75 ans, carnavaleux bien connu localement, le Cô était une "Figure, une stature aussi. Grand, Cô Pinard avait énormément de bagou, toujours un peu pour l'un un peu pour l'autre, toujours d'humeur égale".

Nos témoins nous décrivent, de sa nomination à sa mort, un Cô Pinard à la fois, régulièrement parti pour deux trois jours de bringue, mais aussi "carré", qui savait ce qu'il faisait : "quand c'était non, c'était non". À la fois un mélange de sérieux pour son rôle de tambour-major et son carnaval qu'il chérissait, et à la fois, un laisser-aller propre à la fête et au carnaval sans toutefois verser dans la démesure.

Pompier professionnel dans la vie

Pompier professionnel à la caserne de Dunkerque, l'homme avait participé au déblaiement de sa ville, détruite à 95% par les bombardements de la seconde guerre mondiale.

C'était un superbe carnavaleux, habillé en jeune fille avec son tablier Vichy et son chapeau de paille. Au carnaval, il aimait faire la bande, quand on ne sait pas si c'est un médecin, un chômeur ou un commerçant qu'on a à notre bras.

Pierre Vaillant, carnavaleux de son époque

"Il était on ne peut plus jovial, il aimait beaucoup sortir, il aimait énormément Dunkerque. Il a donc eu presque automatiquement le rôle de tambour-major. C'était un superbe carnavaleux, habillé en jeune fille avec son tablier Vichy et son chapeau de paille. Au carnaval, il aimait faire la bande, quand on ne sait pas si c'est un médecin, un chômeur ou un commerçant qu'on a à notre bras. L'important pour lui, c'était de faire la fête, ensemble", se remémore Pierre Vaillant.

Sur le caractère de son père, Janine, 77 ans, fille aînée de Jean Minne, voit son père comme quelqu'un d'aimant, quelqu'un de proche des gens. "Il était gentil aimait les enfants et les personnes âgées et n'était pas drôle, comme on dit".

Son successeur Jacky Hennebert, alias Cô Schlock II (tambour-major de 1989 à 2010) a connu Cô Pinard. Il abonde et raconte une anecdote à ce propos. "Lors d'un bal du nouvel an à Dunkerque, avec les employés de la ville, alors qu'il neigeait abondamment, il est venu en aide, en costume de tambour-major, à une femme qui avait sa voiture enneigée. Mais il s'était tellement donné à la tâche, qu'il avait craqué toute sa culotte. On est arrivé pour le chahut à minuit, mais sa culotte, toute rafistolée avec des épingles à nourrice, ne pouvait être montrée aux carnavaleux. Il a officié tout le bal face au public, tandis que je lançais les chansons et les musiques", se remémore Jacky qui, s'empresse de faire le parallèle avec une autre anecdote. 

Le Cô met son costume dans la rue, au coffre de la voiture, oui mais, il avait laissé les clés sur la plage-arrière et un coup de vent a refermé le coffre ! Il était en caleçon dans la rue ! On a dû faire un appel à un serrurier et le chahut de minuit a été reculé d'une heure !

Jacky Hennebert accompagnant Cô Pinard II à Lille

Lors d'une soirée carnavalesque à Lille où "on était partis avec plusieurs bus dunkerquois, j'étais avec le Cô et le maire de Dunkerque, Claude Prouvoyeur, en voiture. Le Cô met son costume dans la rue, au coffre de la voiture, oui mais, il avait laissé les clés sur la plage arrière et un coup de vent a refermé le coffre ! Il était en caleçon dans la rue ! On a dû faire un appel à un serrurier et le chahut de minuit a été reculé d'une heure... Le lendemain, il revient en voiture à Dunkerque avec mon beau-père et ma belle-mère, passe par Bergues où le préfet était attendu... La gendarmerie a pris la voiture du maire de Dunkerque avec le macaron tricolore pour celle du préfet et les trois ont été escortés par la gendarmerie dans Bergues pour qu'ils aillent juste boire un café !", rigole Jacky Hennebert. 

Grand copain de Louis Fauquembergue, président des Acharnés, "Le Cô commençait au bal des Corsaires, où il officiait en tant que tambour-major, faisait le lendemain la bande de Saint-Pol-sur-Mer. S'enchaînait la bande de Dunkerque, et ça continuait jusqu'au bal des Acharnés. Bien souvent les habits rentraient avant le père", se souvient Janine. "Une année, lors des Trois Joyeuses, on l'a perdu de vue du dimanche et on l'a retrouvé après Mardi Gras. Il était parti avec deux amis carnavaleux sur un 2CV à bord du ferry le mercredi des Cendres. Ils n'en ont pas voulu en Angleterre [rires] ils sont revenus par le ferry suivant", se rappelle-t-elle, estimant que le Cô n'était pas un grand buveur, sauf en période de carnaval : "il buvait du vin 8 jours avant le Carnaval. Il n'y avait pas de vin chez moi mais il savait que s'il ne s'y mettait pas progressivement, il serait "pris".

On n'en a pas souffert non, mais on était quand même contrariées (ma mère Gilberte et mes sœurs) quand il ne revenait pas. J'avais même déconseillé Claude Prouvoyeur, maire de Dunkerque, de le ramener à ma mère une fois. Il risquait l'engueulade !

Janine Minne, fille de Cô Pinard II

"À chaque fois, il partait avec le costume bien propre et à chaque fois il revenait avec une tâche sur le plastron. Une fois, il est revenu avec un ami qui l'a redéposé en side-car. Une autre fois, il était parti à Lille faire un bal, il est revenu en corbillard. Je l'ai souvent cherché. On avait peur - quand c'était la Citadelle - qu'il tombe dans le bassin. Ma mère disait parfois va voir si tu ne vois pas le chapeau flotter quelque part. Des copains Acharnés venaient et demandaient : il est rentré le Cô ? [...] On n'en a pas souffert non, mais on était quand même contrariées (ma mère Gilberte et mes sœurs) quand il ne revenait pas. J'avais même déconseillé à Claude Prouvoyeur, maire de Dunkerque, de le ramener une fois. Il risquait l'engueulade !"

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Sujet diffusé en février 2018, 30 ans après la mort, de Cô Pinard. ©France Télévisions. L. Haffaf

Il meurt en 1988, la cantate à Jean Bart jouée dans l'Eglise

Jean Minne restera Cô Pinard II jusqu'à sa mort en mai 1988. Sa fille se souvient qu'il avait pleuré une année, à la suite d'un problème de santé, convalescent, il n'avait pu que regarder la bande passer. Mais tout avait repris son cours normalement ensuite, jusqu'à sa mort, chez lui, dans son fauteuil, le 3 mai 1988. Pierre Vaillant raconte que le jour de l'enterrement, "Toutes les associations philanthropiques étaient de sortie derrière le corbillard. On a fait le tour de la place Jean Bart et l'église Saint-Éloi juste à côté était pleine. Les musiciens ont joué la cantate à Jean Bart dans l'église. J'en ai des frissons à en parler."

Janine se souvient qu'il lui a fallu du temps pour pouvoir réentendre, normalement, la cantate à Jean Bart. Jacky, lui, se rappelle que les Acharnés avaient veillé le corps et qu'il portait la canne et le chapeau du Cô lors de l'enterrement : "C'était phénoménal, il y avait la quinzaine commerciale et pourtant tous les micros annonçant les publicités s'étaient tus. Les bus ne circulaient plus. Sur le perron de l'église environ 500 personnes n'avaient pas pu rentrer."

Pierre Vaillant garde le souvenir d'un homme "toujours d'humeur égale et qui guide les carnavaleux dans la ville, mais aussi de quelqu'un qui laisse l'uniforme de grenadier napoléonien pour faire carnaval".

Aujourd'hui, une rue Cô Pinard II existe à Dunkerque. La bande ne manque pas de s'y arrêter chaque année pour y faire un drôle de chahut et/ou un chant. Et, avant que la cantate à Jean Bart résonne, lors de chaque fin de rigodon, est également entonné l'émouvant hymne à Cô Pinard écrit par Pascal Caulier. Voici un extrait. 

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En 2018, 30 ans après la mort de Cô Pinard II, les carnavaleux de Dunkerque entonnent l'hymne à Cô Pinard lors d'un bal. ©France Télévisions. INA

"Salut... à Cô-Pinard... salut à... ta mémoire !"...

"La première ou les deux premières années, la chanson avait été programmée lors du rigodon après la cantate à Jean Bart. Cela avait fait un peu grincé des dents, à raison", explique aujourd'hui Pascal Caulier qui estime que la chanson est davantage à sa place avant, pour laisser l'honneur à la cantate à Jean Bart de clore le rigodon.

Écrite le jour des obsèques de Cô Pinard, sur la route entre Dunkerque et Amiens, Pascal Caulier se souvient s'être arrêté pour écrire les paroles qui se chantent sur l'air de l'Amazing Grace. S'il n'a pas été proche, ni une connaissance de Cô Pinard, Pascal Caulier, garde néanmoins une image en tête : celle d'un tambour-major "légende", très respecté des carnavaleux, qui pouvait enchaîner la bande de Dunkerque, celle de la Citadelle et de Rosendaël en tant que tambour-major. "Je me souviens l'avoir vu "chez Zizine", un bar dunkerquois, à 4h ou 5h le matin le mardi et le voir frais, officiant à la bande de Rosendaël à 15h00". 

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