La majorité présidentielle doit parler davantage "au peuple", et pas seulement aux "élites", estime dans un entretien publié ce jeudi le ministre nordiste des Comptes publics Gérald Darmanin, qui juge nécessaire "l'adhésion des classes populaires" pour mener à bien les réformes.
"Il faut que l'acte II du quinquennat parle aussi ou parle surtout au peuple dans ses profondeurs", déclare l'ancien maire de Tourcoing dans cette interview accordée à l'hebdomadaire Le Point près de dix jours après les élections européennes du 26 mai. "On doit davantage parler des travailleurs, des classes laborieuses, des ouvriers, des employés", poursuit le ministre. "Il ne faut pas qu'on soit seulement le gouvernement des services, des start-ups (...) Nous devons montrer que pour nous, l'usine est aussi importante que le coworking", explique-t-il.
Les élections européennes ont placé en tête le Rassemblement national (RN), avec 23,3% des voix, devant La République en Marche (22,4%). Ce scrutin, selon plusieurs observateurs, a été marqué par de fortes disparités, notamment entre les zones urbaines et les zones rurales ou périurbaines.
"Une analyse rapide pourrait conduire à voir un électorat LREM composé essentiellement des gagnants de la mondialisation, qui vivent dans les métropoles, et d'une partie des retraités attachés aux institutions, contre un électorat RN essentiellement constitué des classes populaires et des habitants des villes périphériques", souligne Gérald Darmanin.
"Signal d'alarme"
"Nous devons tirer le signal d'alarme", ajoute l'ancien directeur de campagne de Nicolas Sarkozy, qui précise qu'Emmanuel Macron n'a réuni que 11% du vote ouvrier lors des européennes, contre 14% lors de l'élection présidentielle de 2017. "Non seulement on ne parle pas assez à cet électorat, mais en plus on recule", insiste-t-il.
Pour inverser cette situation, Gérald Darmanin juge nécessaire de lutter plus fortement contre le "communautarisme" et de s'attacher davantage au principe de "protection". "Les Français aisés ont les moyens de protéger leur patrimoine, alors que les classes populaires attendent avant tout de l'Etat qu'il garantisse la sécurité", fait-il valoir.
"Nous ne pouvons pas être le mouvement des cadres et des chefs d'entreprise. Il faut que nous soyons "le mouvement du métro à 6 heures", comme disait Malraux", conclut le ministre, pour qui "on ne peut pas réformer le pays sans avoir l'adhésion des classes populaires".