Dans les dunes du littoral, le jeu du chat et de la souris entre migrants, passeurs et policiers

Reportage à Gravelines où les candidats à la traversée sont toujours plus nombreux. L'an dernier, ainsi, sur le littoral des Hauts-de-France, 46 000 personnes ont réussi à gagner l'Angleterre et 8.000 ont été secourus dans les eaux françaises.

Leurs ombres se dessinent à l'heure bleue, sur la crête des dunes. Préparés à une course-poursuite contre les policiers, quelque 200 migrants s'apprêtent à tenter la traversée vers l'Angleterre sur la plage de Gravelines (Nord).

Voilà trois semaines qu'un "fort vent de nord-est" empêche les départs et paralyse les traversées et l'activité de ceux qui les marchandent, explique une source policière. Impossible pour les frêles embarcations pneumatiques des passeurs aux moteurs capricieux, surchargées de dizaines de personnes, d'affronter la houle et les courants. 

Mais aujourd'hui, le vent est tombé et la météo idéale. Et dans les campements à proximité, le flux de nouveaux arrivants est continu. Pour les passeurs, "il faut que ça parte, vite", poursuit cette source.

Plusieurs dizaines de policiers sont là, entre les ruelles noires, le camping et la plage. Un jeu du chat et de la souris va débuter sur cette portion sauvage du littoral, qui regorge de cachettes.

En mer, l'eau de la Manche est glaciale et la traversée tue. Depuis le naufrage qui a fait 27 morts en 2021, la surveillance est renforcée.

Mais les candidats sont toujours plus nombreux : 46.000 ont réussi à gagner l'Angleterre
en 2022 et 8.000 ont été secourus dans les eaux françaises.

"Ils savent qu'on est là"

Un soleil rouge embrase la mer limpide. Seules les mouettes et le ronflement de la centrale nucléaire, toute proche, troublent le silence.

Par équipes de quatre, des CRS arpentent massifs boisés et broussailles, où les passeurs ont l'habitude de cacher du matériel. "Ils savent qu'on est là, ça ne passera pas cette nuit", avance un policier.

Quinze silhouettes crèvent soudain la nuit en haut des dunes. Vêtues de noir, démarche calme, ces complices des passeurs guettent, semblent défier les patrouilles qui s'éloignent. Et se lancent pour plus de deux heures dans un ballet mille mois répété, fait de repérages et replis tactiques, à chaque mouvement des forces de l'ordre.

Après 07h00, les CRS semblent partis : des dizaines d'autres silhouettes surgissent du sable, plus nerveuses, hésitantes. Une masse d'environ 80 migrants, pour beaucoup des hommes jeunes, se ruent vers l'est, pour se cacher près de la centrale.

Un deuxième, puis un troisième groupe, jaillissent ensuite. D'abord une quarantaine d'hommes, équipés pour certains de gilets de sauvetage blancs. Eux courent se cacher
à l'ouest, avec quelques enfants, parfois en trébuchant. Il arrive que les migrants doivent eux-même porter des éléments du bateau.

Rage

Une soixantaine d'autres se positionne au centre : des femmes, des couples, plus
d'une dizaine d'enfants et quelques personnes âgées. L'une boîte. Le top est donné vers 08H00, sans un bruit. Le groupe à l'est dévale la pente avec deux "small boats" partiellement gonflés, hissés sur plusieurs épaules. Au centre, les familles courent vers la mer, les enfants sous le bras. Deux fillettes s'agrippent à leurs parents, l'une en doudoune dorée, l'autre en sweat rose. Puis un cri puissant transperce l'air. Alerte. Depuis l'ouest, deux voiturettes floquées "police" fendent la plage, avalent en quelques secondes la langue de sable. D'autres agents suivent en courant.

Les mères s'arrêtent, perdues. A l'est, quelques-uns poursuivent une course, vaine,
jusqu'à l'eau. D'autres font demi-tour, escaladent la dune dans la confusion. Les policiers n'interpellent pas, mais repoussent les migrants vers leur point de départ.

De rage, une femme jette son gilet de sauvetage au sol. D'autres, mine défaite ou sourire triste, se font une raison. Ils disent venir d'Iran, d'Afghanistan, d'Irak ou du Vietnam.

Prêts à tout pour gagner l'Angleterre : le voyage, périlleux, se monnaie 2.500 à 3.000 euros, selon les migrants. Généralement, l'argent est confié à un tiers et encaissé une fois que les migrants parviennent en Grande-Bretagne. "J'ai déjà essayé quatre fois", confie un jeune Afghan. "On retentera."

Avec AFP 

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