"Du mieux, mais doit encore mieux faire", "En queue de peloton mais pas encore décroché". Telle est en substance le bilan de l'ASN, le gendarme du nucléaire, qui épingle une nouvelle fois la centrale de Gravelines, dans le Nord. après une série de contrôles en 2021 de la centrale nucléaire de Gravelines.
En 2021, l’Autorité de Sûreté Nucléaire considère que les performances de la centrale nucléaire de Gravelines, la plus puissante d'Europe occidentale, sont en retrait en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection. Et ce pour la deuxième année consécutive.
"Cela faisait trois ou quatre ans que les résultats ne s'amélioraient pas. La direction a mis en place un plan d'action mais les résultats ne remontent pas pour le moment", assure Rémy Zmyslony, chef de la division Lille-ASN, "même si des effets positifs de ce plan" se font aujourd'hui sentir.
En revanche, les performances de la centrale quant à la protection de l'environnement, également jugées insatisfaisantes par l'ASN l'année dernière, rejoignent cette fois l'appréciation générale.
Un manque de rigueur qui se répète
"Les performances en matière de sûreté nucléaire ne se sont pas améliorées en 2021, notamment en matière de rigueur d'intervention", précise l'ASN, pointant des "pratiques ou comportements inadaptés" dans cette centrale, dont les six réacteurs de 900 MW ont été mis en service entre 1980 et 1985.
Elle cite l'exemple d'un agent ayant coché par anticipation sa visite dans un local mais n'y étant pas allé. Un début de fuite avait lieu dans ce local et n'a donc été constaté que le lendemain, entraînant la mise à l'arrêt d'un réacteur. L'exemple a été constaté à l'été 2021.
Un agent qui coche les cases en les validant avant même d'entrer vérifier dans le local que c'est bien le cas. Bilan : un début de fuite et l'obligation le lendemain de couper le réacteur
Rémy Zmyslony, ASN Lille
Autre exemple en 2021 toujours : "des automaticiens sont allés réaliser des mesures neutroniques autour de la cuve alors qu'une barre contenant du bore (espèce de freinage d'urgence du réacteur) était restée coincée et n'était pas descendue dans le combustible".
Niveau de radioprotection insuffisant
Pour la radioprotection, l'ASN juge que "la situation reste dégradée et que le site ne parvient toujours pas à rétablir un niveau satisfaisant".
En 2021, l'autorité de contrôle a recensé 11 événements significatifs, classés au niveau 1 de l'échelle internationale des événements nucléaires, dont un en matière de radioprotection.
L'ASN constate aussi que 2021 a été marquée par "des prolongations importantes des durées d'arrêt pour maintenance et renouvellement en combustible des réacteurs".
Toutefois, dans ces différents domaines, une inspection renforcée menée en 2022 a montré que "des voyants passaient au vert", grâce à de meilleures connections entre la direction et le terrain.
Le niveau d'exigence que demande l'ANS est élevé: ce n'est pas parce que les résultats sont sous la moyenne que la centrale n'est pas sure
Rémy Zmyslony, ASN Lille
Mais Rémy Zmyslony tempère : si le "plan rigueur" de la direction, souhaité il y a quelques années, a mis du temps à être appliqué, des effets se font désormais sentir. Les remontées des agents et les directives de la direction passent désormais de façon "plus fluide". En d'autres termes, un "travail de communication" a été réalisé, améliorant le climat individuel et collectif.
"Gravelines est plutôt en fin de peloton mais n'a pas décroché", a souligné Rémy Zmyslony, chef de la division de Lille de l'ASN. "Le niveau d'exigence que demande l'ANS est élevé: ce n'est pas parce que les résultats sont sous la moyenne que la centrale n'est pas sure".
Actuellement le réacteur 3 est à l'arrêt pour sa VD4 (visite décennale numéro 4). Le réacteur 1 l'a été en 2021, le 2 le sera en 2023, le 4 en 2024, le 5 en 2027 et le 6 en 2028. Pour rappel, Gravelines est la plus grosse centrale nucléaire de France et la plus grosse d'Europe de l'ouest avec ses six réacteurs de 900 mégawatts.