Il y a plus de vingt ans, ce Nordiste de 41 ans a été condamné pour "agressions sexuelles" et "viol". Mais en 2017, la plaignante a avoué avoir menti, menant la voie à sa réhabilitation. L'audience a démarré à la cour de révision, ce jeudi 8 décembre.
"J'attends que la vérité soit dite et que je sois innocenté." Voici les premiers mots de Farid El Haïry prononcés dans les couloirs du palais de Justice de Paris, ce jeudi 8 décembre. Plus de vingt ans après sa condamnation pour "agressions sexuelles" et "viol", la cour de révision pourrait prononcer sa réhabilitation.
Ce jeudi matin, Farid El Haïry, défendu par le célèbre avocat amienois Frank Berton, a plaidé sa cause devant les 13 juges de cette juridiction spéciale, en charge d'un dossier qui pourrait entrer dans l'histoire. En effet, à l'issue de cette audience, qui devrait durer une semaine, cette affaire est en voie de devenir la douzième erreur reconnue par la justice française, depuis 1945.
"J'ai toujours crié mon innocence"
"J'attends cela depuis 23 ans", a déclaré Farid El Haïry à la presse. Ce fils d'ouvrier marocain, installé à Hazebrouck, dans le Nord, n'avait que 17 ans quand Julie D., une adolescente de 15 ans, porte des accusations contre lui.
La plaignante expliquera à la gendarmerie, dans un récit très détaillé rapporté dans Le Monde, avoir été violé par le jeune homme. La scène se serait déroulé en 1998, derrière la piscine d'Hazebrouck.
Au fil des interrogatoires, Farid El Haïry ne cessera de plaider non coupable. "J'ai toujours crié mon innocence", rappelle-t-il aujourd'hui. En vain. Il a cinq ans de prison, dont quatre ans et deux mois avec sursis. Ayant déjà purgé sa peine de ferme en détention provisoire, il ne retournera pas derrière les barreaux après le procès.
2017, la révélation qui relance l'affaire
Ce n'est qu'en 2017 que la justice décidera de réexaminer sa décision, après une révélation inattendue de la part de la plaignante. Dans une lettre adressée au procureur de la République, celle-ci avoue avoir menti dans ses témoignages. Elle accuse finalement son grand frère "d'incestes" et reconnaît s'être enferrée dans son "propre mensonge", pour protéger sa famille.
En juillet 2022, Farid El Haïry apprend que la justice décide de réexaminer son dossier pour une possible réhabilitation. "C'était dur pour moi d'y croire", se rappelle-t-il. Il en informe sa mère, en soin palliatif à l'hôpital.
"Je me demandais, pourquoi moi ?"
"Toute ma vie a tourné autour de ce calvaire", a raconté Farid El Haïry. Mineur, le jeune homme est revenu sur ses mois passés à la prison de Loos, dans la section des mineurs, lors de sa détention provisoire. "L'une des pires des prisons, dit-il. J'ai souffert."
Durant plus de vingt ans, l'homme doit vivre avec le fardeau de cette condamnation : "les calvaires, la prison, les mitards, les tabassages, les bagarres en continu, le regard des gens, les insultes, ma famille détruite, moi détruit... J'avais deux possibilités : mourir et mourir ou mourir et continuer à avancer", explique-t-il. Il opte pour la deuxième, pour le "bien de sa famille".
Son nom inscrit au fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles et violentes (Fijais), il pointera au commissariat tous les ans. "Mais le plus atroce, c'est d'être emprisonné dans sa tête, lâche-t-il. Je me demandais, pourquoi moi ?"
Verdict dans une semaine
Aujourd'hui, Farid El Haïry espère que la justice lavera son honneur. Et rapidement. "Pour que je puisse passer à autre chose et surtout que mes parents puissent profiter de cette bonne nouvelle". Il indique que ces derniers sont "gravement malades".
Pendant cette audience, Julie D., la plaignante à l'origine des fausses accusations, sera représentée par son avocate, Anne-Sophie Wognon-Horiot. "C'est un grand moment pour ma cliente qui a souhaité rétablir la vérité, a-t-elle déclaré. Je ne sais pas qui pourrait être en capacité de revenir sur un mensonge, vingt ans après. J'ai l'honneur de défendre quelqu'un de très courageux."
"Malheureusement, je ne peux pas pardonner à cette personne un acte pareil", lance Farid El Haïry, à l'adresse de Julie D., son accusatrice. Je peux comprendre son mal-être parce que ce qu'elle a vécu, si elle l'a vécu, personne ne doit vivre de telles choses... Mais par contre, au détriment de ma famille pour protéger la sienne, je trouve cela ignoble."
La délibération sera donnée d'ici une semaine. Un délai court et c'est "exceptionnel", indique Frank Berton, avocat de Farid El Haïry.