Mercredi 27 septembre, le tribunal de Lille a donné un avis défavorable quant à l'expulsion de Sana, Roubaisienne de 24 ans, rapatriée de Syrie après avoir été envoyée par sa famille sur le territoire de Daesh. Toutefois, c'est au préfet du Nord de rendre un avis définitif.
Deux semaines après l'audition qui s'est déroulée au tribunal de Lille, Sana, Roubaisienne de 24 ans, rapatriée de Syrie après y avoir été envoyée par ses parents à 15 ans, peut se sentir soulagée. Pour combien de temps ?
La commission d'expulsion du tribunal de Lille a rendu son avis en début d'après-midi ce mercredi 27 septembre. Elle s'est prononcée défavorablement concernant l'expulsion proposée par le préfet.
Le 13 septembre dernier, le préfet du Nord Georges-François Lerec avait plaidé devant trois magistrats de cette commission pour expliquer pourquoi, selon lui, Sana représentait une "menace grave de trouble à l'ordre public".
"Je ne suis pas surprise, mais je suis soulagée de constater que la commission nous a donné raison sur toute la ligne, déclare Maître Marie Dosé, l'avocate de Sana. J'ose espérer que le préfet du Nord s'arrête là et n'en fasse pas une affaire personnelle." En effet, l'avocate était étonnée de voir le préfet se déplacer en personne pour l'audience, "c'est très inhabituel" dans ce type de procédure.
L'avocate de la jeune Roubaisienne, Maître Marie Dosé était longuement revenue sur l'enfance de Sana pour expliquer dans quel contexte elle avait été éduquée.
Mariée de force à un djihadiste
Sana, 24 ans et mère de deux enfants, a grandi à Roubaix dans une famille "complètement immergée dans le djihadisme". Sa mère lui fait suivre un islam rigoriste qui la coupe de la société. En plus du voile intégral obligatoire et de l'interdiction de sortir de chez elle, Sana n'a même pas le droit de regarder par la fenêtre.
Victime de maltraitance de la part de sa mère, Sana voit la nationalité française lui passer sous le nez. À 13 ans, alors qu'elle vit en France depuis ses 8 ans et qu'elle y est née, elle fait une demande. Mais sa mère déchire le courrier lui permettant de terminer ses démarches.
Deux ans plus tard, à 15 ans, elle est envoyée, par sa mère, avec ses frères et sœurs sur le territoire de l'État islamique, avant d'y être rejointe par son père quelque temps après. Là-bas, elle est mariée de force à un djihadiste de nationalité belge et accouche de deux enfants à 16 et 18 ans.
À son retour en France, "c'est l'expulsion ou la régularisation", explique le préfet le 13 septembre. Selon lui, il existe une "ambiguïté" dans la personnalité de Sana et qu'elle serait toujours proche de la doctrine djihadiste.
Alors que le préfet a déclaré qu'aucun éducateur ne souhaitait travailler avec Sana dans l'association Itinéraires de Lille, il a rapidement été contredit par un sms du président de l'association lui-même présent à l'audience. "Je ne comprends pas pourquoi le préfet, censé incarné l'État de droit, va jusqu'à mentir devant des magistrats pour ce dossier", s'exclame l'avocate de Sana. Elle renchérit : "Je ne comprends pas cet acharnement."
Finalement, l'avis défavorable de la commission rendu ce mercredi 27 septembre reste consultatif. C'est au préfet de rendre un avis définitif. La préfecture "ne commente pas l'avis rendu ce jour" et n'a pas indiqué dans quel délai cette décision serait rendue.