Au delà de la gestion de l'AVC d'Emeline, en 2016, au centre de tri de Villeneuve-d'Ascq, le rapport réalisé par un cabinet indépendant s'intéresse aux conditions de travail des salariés du centre. Les observations sont édifiantes.
Dans quelles conditions travaillent les salariés du groupe La Poste, notamment sur le site de Villeneuve-d'Ascq ? C'est à cette question que répond le rapport réalisé par le cabinet d'expertise indépendant Cateis, en tentant d'identifier les éventuels risques psycho-sociaux. Les conclusions sont édifiantes. On découvre un système de management stressant, des condition d'hygiène pas toujours respectée...
Parmi les points soulevés par l'expertise, le recours abusif aux CDD. "Les CDD et autre contrats précaires sont une variable d'ajustement quasi permanente", indique le rapport, qui estime à environ 80 le nombre de CDD signés en 2016. Problème : les personnes employées avec ce type de contrat ne sont pas formées. "Des agents sont mis sur le terrain sans formation réelle, ce qui les a mis en risque", poursuit le rapport.
D'autant que ces employés précaires sont appelés à la dernière minute, de manière complètement désorganisée et travaillent parfois avant même d'avoir signé leur contrat. "On m'appelait le samedi et on me demandait de venir tout de suite", témoigne un salarié. Conséquence : des "situations de stress et un sentiment de fonctionnement dans l'urgence", préjudiciable à l'ensemble des employés.
"On fait pipi sur le mur"
Au centre de Lesquin, directement lié à la plate-forme de Villeneuve-d'Ascq, le rapport note que "depuis plusieurs mois, les agents font leurs besoins naturels sur leur lieu de chargement des tournées sur les VAE. Cette situation ne peut qu'être gênante d'autant plus que l'équipe soit mixte, qu'il faille trouver un endroit discret et faire en sorte de ne pas incommoder les collègues."
Impossible de trouver des toilettes sur place... Les salariées femmes sont les plus touchées par cette question d'insalubrité. "On fait pipi sur le mur, mais pour une fille c'est compliqué. Avant une fille faisait pipi dans le garage à vélo", témoigne une employée.
Depuis la réalisation de cette enquête, toujours pas de toilettes, malgré de nombreuses demandes. "Au niveau de ce local, c'est en cours", indique simplement Laurence Nourtier, récemment nommée directrice de la plate-forme de Villeneuve-d'Ascq.
"La boule au ventre"
D'autres situations de stress intense sont décrites dans le rapport, notamment liées à la crainte de ne pas pouvoir effectuer son travail dans les délais impartis. Ainsi, "alors que la plage horaire de travail prescrite des FQ et FE est principalement 7h/14h, la majorité des agents prennent leurs postes environ 45 minutes avant et terminent assez souvent au-delà de 14h."
Des heures supplémentaires liées "à la crainte de ne pas pouvoir tout finir". "On vient avec la boule au ventre parfois", raconte un employé. Le rapport note un "sentiment de trahison au regard de l'écart entre le travail prescrit et le travail réel qu'ils s'épuisent à réaliser." "Je me sens sali, trahi un peu", poursuit un salarié.
D'autant que ces heures supplémentaires ne sont pas toujours payées et révèlent de grandes inégalités entre les employés. "Le paiement des heures supplémentaires à géométrie variable en fonction des agents peut constituer un facteur de tension", indique le rapport, en pointant des "dysfonctionnements qui favorisent des pratiques délétères". "Il y a des tournées de dingues", témoigne un salarié.
Dans l'enquête de satisfaction réalisée en octobre 2016, 64% des répondants perçoivent leur métier comme "stressant et surchargé".
Une restructuration "catastrophique"
Dernière étape du malaise : la restructuration du site, quelques mois après l'accident d'Emeline. "La dernière restructuration est présentée de manière unanime comme catastrophique tant dans sa mise en oeuvre, que dans ce qu'elle a changé", indique le rapport. "Les salariés sont exposés à des risques professionnels et psychosociaux au regard du contexte actuel sans que ces risques ne fassent l'objet d'actions prioritaires suffisantes au niveau primaire c'est-à-dire directement sur l'organisation du travail."
"Aucune évaluation des risques professionnels n'a été engagée en amont de cete ré-organisation", conclut le rapport, qui conseille une transformation "systémique" de l'organisation du travail sur la plate-forme. Pour la nouvelle directrice, pas de crainte à avoir : la situation présentée par le rapport est une "photographie passée" et l'ambiance au travail est aujourd'hui beaucoup plus "sympathique et sereine". "Il faut mettre beaucoup de sérénité. Je suis très à l'écoute et les salariés le ressentent, on est sur un dialogue."