La commission d'enquête a donné un avis favorable au plan d'agrandissement et de modernisation de l'aéroport de Lille-Lesquin. Ses opposants dénoncent toujours un projet "à contre-courant" à l'heure de l'urgence climatique.
Une étape de plus a été franchie, dans l'un des dossiers d'urbanisme les plus polémiques qu'ait connu la métropole de Lille. La commission d'enquête a validé, le 25 avril, le projet de modernisation et d'extension de l'aéroport de Lille-Lesquin. Construit il y a 25 ans, Lesquin est le 13ème aéroport français, et s'étend sur 500 hectares. Son activité déjà soutenue impacte de près 33 communes, qui se sont toutes élevées contre ce projet d'agrandissement présenté en 2020 par le nouveau gestionnaire. En 2019, 30 000 mouvements d'avions sont passés au-dessus de leurs maisons.
"Cet aéroport continue de se développer"
Actif, l'aéroport n'en est pas moins obsolète, et nécessite, outre la question de l'agrandissement, une grande remise aux normes. C'est en partie à cela que sera consacré le budget de 100 millions d'euros prévu pour les travaux. L'autre partie sera dédiée à l'extension de l'aérogare, et l'élargissement des pistes. Eiffage, l'actuel concessionnaire, ambitionne d'accueillir jusqu'à 3,9 millions de passagers en 2039 contre 2,2 millions en 2019, qui sert d'année de référence.
"L'objectif n'est pas de se développer, mais de préparer la suite justement parce que cet aéroport continue de se développer. A l’heure actuelle, il a repris 80% de son niveau d’activité de 2019, et les prévisions pour les mois à venir laissent entendre que le monde va continuer à voyager, et nous devons offrir des conditions acceptables" défend d'ailleurs la direction de l'aéroport.
Dans son avis, rendu public sur le site de la préfecture du Nord, la Commission note d'abord la tenue sérieuse de l'enquête publique. Pour sa consultation, l'aéroport a fourni la documentation ad hoc, dans des délais bien définis, et en a efficacement rendu compte. En accordant son avis favorable, la Commission d'enquête estime que "les effets à incidences positives du projet dit de modernisation de l'aéroport de Lille-Lesquin excèdent ses aspects potentiellement négatifs." Mais l'autorité assortit tout de même son avis de quelques réserves et recommandations.
Bruit et pollution : la commission émet ses réserves
D'abord, les experts se sont penchés sur la question du bruit, nuisance la plus dénoncée par les communes voisines de l'aéroport, notamment lorsque les vols ont lieu de nuit. La Commission constate que la période nocturne "dédiée au repos, n'est pas suffisamment respectée dans les conditions actuelles, sans autre garde-fou que l’engagement de l’exploitant de l’aéroport de ne pas augmenter le nombre de vols nocturnes par rapport à 2019." L'autorité estime qu'au moins 55 000 habitants de la métropole sont directement impactés par l'activité de l'aéroport, et souhaite donc voir formalisé l'engagement du concessionnaire de ne pas augmenter la fréquence des vols de nuit.
Les enquêteurs se sont assez peu aventurés sur le terrain de la polémique écologique que soulève l'agrandissement de l'aéroport. Malgré tout, le rapport mentionne l'évident accroissement de l'artificialisation des terres, et reconnaît que la phase de travaux risque de causer des pollutions accidentelles, notamment par le ruissellement des eaux. Ainsi, la Commission demande expressément au concessionnaire de développer, avec l'aide de l'Etat, des seuils de protection environnementale. L'autorité souhaite également que l'aéroport se soumette d'ici 2030 à une certification ACA, censée attester d'une bonne gestion du carbone rejeté par l'activité aéroportuaire.
Pour les opposants, "la bataille n'est pas finie"
Les opposants au projet d'agrandissement, eux, accueillent froidement l'avis favorable délivré par la commission d'enquête. Pour Alain Bernard, maire de la commune de Bouvines, c'est une "grande déception, parce qu'on ne retrouve pas dans ce rapport l'expression des communes qui se se sont mobilisées uniquement contre l'extension du trafic. (...) Mais bon, la bataille n'est pas finie", estime l'élu.
Pauline Ségard, présidente du groupe écologiste à la Métropole Européenne de Lille, affirme aussi sa volonté de continuer à lutter contre l'agrandissement de l'aéroport. "On prend acte de cette décision favorable même si, politiquement, on reste opposés au projet. Les réserves et recommandations de la Commission sont intéressantes, notamment la restriction d'activité de nuit, cela nous semble important. Cela reste insuffisant. Le problème majeur persiste : on est en train de projeter l'extension d'un aéroport dans un contexte où le dernier rapport du GIEC nous donne 3 ans pour conserver une planète vivable. C'est un projet complètement à contre-courant ! (...) Nous allons rester très vigilants sur le respect des engagements du concessionnaire."
En 2018, l’ensemble des vols commerciaux internationaux ont émis 918 millions de tonnes de CO2, soit 2,4 % de l'ensemble des émissions de gaz à effet de serre de la planète.