Effacé de l'histoire culturelle et militaire lilloise, le Chevalier Saint-George était pourtant une figure importante du XVIIIe siècle. Pour remédier à son oubli, un professeur de l'Université de Lille et ses élèves militent pour renommer la place Déliot à son nom.
Le nom du Chevalier Saint-George ne vous dit rien ? Pourtant il a été une figure importante de l'histoire lilloise durant le XVIIIe siècle. Escrimeur, militaire et musicien de renom, il a participé activement à la vie culturelle et à la défense de la ville. Pour pallier son manque de notoriété, Louis de Carbonnières, professeur d'histoire du droit à l'Université de Lille, et ses élèves militent pour renommer la place Déliot au nom du Chevalier Saint-George.
Fils d'un planteur et d'une esclave
Fils d'une esclave noire dans une France colonialiste, il est émancipé par son père, un planteur blanc. "Bologne de Saint-George, son père, originaire du Nord de la France, l'a tout de suite émancipé et donné une éducation, ce qui n'était pas si courant à l'époque", argumente Louis de Carbonnières.
Arrivé dans le royaume de France, le jeune Joseph est confié à treize ans à Texier de La Boëssière ,un excellent maître d’armes et homme de lettres qui deviendra comme un père pour lui. pic.twitter.com/5f4pVYOLmD
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"Militaire de valeur, meilleur escrimeur de son époque, très bon compositeur, il a été la figure des noirs du XVIIIe siècle", explique le professeur d'histoire du droit. Il était notamment surnommé "Le Mozart noir" pour ses compositions classiques.
Brillant violoniste,il est également un chef d’orchestre et compositeur de talent. Aujourd’hui certains musicologues considèrent que la musique de Saint-Georges a influencé celle de Mozart. pic.twitter.com/lQV3tsDn2H
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Le Chevalier de Saint-George vit une partie de sa vie à Lille où il prend les commandes de la garde nationale au moment de la Révolution française. Il déjoue notamment le complot du Compte de Dumouriez qui voulait livrer la ville aux Autrichiens.
La Légion s'illustre également le 8 mai 1792 à la bataille de Saint-Amand. Après plusieurs charges sur la cavalerie et l’infanterie anglaise, la Légion de Saint-George met l’ennemi en fuite et prend six pièces de canons. pic.twitter.com/qQZk7aDQ8p
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"Je trouve étonnant qu'un tel personnage de l'histoire de Lille n'ait jamais été honoré à Lille même. On pourrait dire par explication simple que c'est à cause du racisme, mais je ne crois pas. Demandez au grand public quels sont les grands compositeurs du règne de Louis XVI, on ne saurait pas en citer de blancs non plus."
Pour Louis de Carbonnières, c'est plus une question de circonstances : "Le chevalier est mort à un moment où le romantisme s'amorce rendant datées ses compositions et où l'Empire de Napoléon s'annonce alors qu'il était un fervent défenseur de la République." En résumé, "ce sont beaucoup de faits extérieurs qui expliquent cet oubli humain."
Renommer la place Déliot
"J'ai parlé du Chevalier de Saint-George à mes élèves lors d'un cours de culture générale sur les personnages issus de la diversité dans l'Histoire de France", se souvient Louis de Carbonnières. Les étudiants de master 1 d'histoire du droit, séduits par son histoire, adhèrent au projet de leur professeur : donner le nom de Saint-George à une rue ou une place de Lille.
"Notre idée serait évidemment que ce soit la place Déliot, qui est devant la faculté de droit pour honorer une figure de la diversité et des droits de l'homme", explique le professeur "mais ce sera à la municipalité de trouver le meilleur endroit."
À un mois des élections municipales, les étudiants démarchent les différents candidats pour faire entendre leur demande. "Pour l'instant, un candidat a accepté officieusement. Les autres se sont surtout montrés surpris de cette histoire qui leur était inconnue. On a l'impression qu'ils la découvrent totalement. On peut vraiment parler d'un illustre inconnu."
Pour appuyer leur demande, les étudiants ont aussi récolté l'accord de l'ensemble des commerçants de la place Déliot.
Dans les autres projets pour honorer la mémoire du Chevalier de Saint-George, un possible partenariat avec l'Orchestre national de Lille (ONL) est en réflexion : "Nous devons bientôt rencontrer Jean-Claude Casadesus, l'ancien directeur de l'ONL et son successeur pour mener un projet musical autour de lui."