Alors qu'une vague de froid traverse notre région, 3 000 personnes dorment à la rue dans la métropole lilloise. Des places d'hébergement d'urgence supplémentaires ont été ouvertes par la préfecture, mais les associations estiment qu'il faudrait aller encore plus loin. Nous avons interrogé la directrice de la fondation Abbé Pierre dans les Hauts-de-France.
Ce lundi 12 décembre, le thermomètre au réveil oscille entre -4 et -1°C dans le Nord. L’hiver s’installe, et tous les regards se tournent vers les plus vulnérables dépourvus de domicile.
Même s’il est compliqué d’avoir des statistiques fiables, la dernière étude publiée par l’agence de développement et d’urbanisme dans la métropole lilloise est alarmante : 3 000 personnes vivraient à la rue dans la métropole lilloise.
Depuis dix jours, la préfecture a activé le plan grand froid. "En plus des places d’hébergement classique, nous avons ouvert 6 gymnases dans le département, expliquait ce matin Virginie Lassère, préfète déléguée à l’égalité des chances, sur l’antenne de France Bleu Nord. L’objectif, c’est que les personnes, dès lors qu’elles sont repérées par des maraudes ou qu’elles appellent le 115, doivent pouvoir avoir une solution. C’est le cas".
Parallèlement, 23 accueils de jour sont mobilisés aux quatre coins du département du Nord pour "accueillir les personnes, leur offrir un repas chaud et échanger sur leurs droits".
Pour autant, la situation reste très complexe pour les personnes sans-abri, qui peinent parfois à trouver un lit au chaud pour passer la nuit. Nous avons posé trois questions à Isabelle Fourot, directrice de la fondation Abbé Pierre dans les Hauts-de-France.
France 3 Hauts-de-France : Les moyens mobilisés par l’Etat sont-ils suffisants face aux températures négatives dans la région ?
Isabelle Fourot : On est dans une situation de grande urgence. On le voit plus en période de grand froid. On a un certain nombre d’indicateurs alarmants, comme la saturation des accueils de jour qui rencontrent de grandes difficultés à faire face.
Il ne faut pas minimiser les moyens mobilisés par les services de l’état au-delà des places disponibles à l’année. Mais on a encore beaucoup de personnes qui nous disent appeler le 115 et ne trouvent pas de solutions.
De plus, le gymnase est indispensable mais peut poser un certain nombre de difficultés pour les personnes peu mobiles, en famille. On en a encore certains qui dorment dans la rue, d’autres qui arrivent à se faire héberger à gauche et à droite mais de manière précaire : du jour au lendemain, ils peuvent se retrouver à la rue. Certains aussi s’endettent en période de grand froid pour se payer des nuits d’hôtel.
Quelles réponses peuvent être apportées ?
Il y a deux volets. D’abord les réponses de court terme : il faut poursuivre les mises à l’abri en mobilisant tous les moyens possibles pour trouver des solutions pour tous. Mais il faut aussi un travail de fond : il ne faut pas baisser les places d’hébergement comme cela a été évoqué lors du projet de loi de finances 2023. La situation ne permet pas de diminuer le parc d’hébergement. Il y a une urgence sociale extrêmement forte.
Il ne faut pas oublier que l’hébergement est une solution transitoire mais l’objectif reste l’accès au logement.
Isabelle Fourot, directrice de la fondation Abbé Pierre dans les Hauts-de-France
Ensuite, il y a les réponses à moyen terme. Il ne faut pas oublier que l’hébergement est une solution transitoire mais l’objectif reste l’accès au logement. Actuellement, le coût du logement est extrêmement élevé par rapport aux ressources des ménages fragilisées par le contexte d’inflation. Il faut augmenter l‘APL pour permettre à des personnes de se loger dignement. Enfin, prévenir les expulsions locatives nous parait être un axe majeur d’intervention.
La situation des personnes sans domicile dans la métropole lilloise est-elle particulièrement préoccupante ?
Comparativement à la région, la MEL concentre la majorité des tensions. Néanmoins, on est dans une situation relativement comparable à d’autres métropoles comme Lyon ou Strasbourg où on note également un nombre de familles à la rue particulièrement inquiétant.
La métropole lilloise possède la spécificité des bidonvilles. Nous avons de fortes inquiétudes, notamment aux Pyramides, rue Léon Jouhaux à Lille. Ce bidonville a fait l’objet d’une décision d’expulsion sous 10 jours vendredi dernier avec des propositions d’hébergement faites à seulement deux tiers des habitants. Un tiers des personnes sont de fait condamnées à l’errance alors que les températures sont négatives. On demande que des solutions puissent être trouvées
La directrice régionale de la fondation Abbé Pierre rappelle enfin que chacun peut appeler le 115 s’il est confronté à une situation d’urgence.