Depuis le mois de mai, six maires avesnois avaient déposé un arrêté anti-pesticides empêchant les agriculteurs d'épandre des pesticides à plus de 100 mètres des habitations. Quatre maires ont maintenu l'arrêté, malgré l'ultimatum du sous-préfet d'Avesnes-sur-Helpe.
"Les règles actuelles de protection sont illusoires et ne suffisent pas" dénonce le maire de Trélon, François Louvegnies. Il fait partie des quatres maires avec ceux de Baives, Moustier-en-Fagne, et Ohain qui ont décidé de passer outre l'ultimatum du sous-préfet d'Avesnes-sur-Helpe fixé au 4 septembre. Les communes d'Anor et de Wignehies ont elles, décidé de suspendre l'arrêté.
Le maire de Trélon a envoyé une lettre recommandée au sous-préfet d'Avesnes-sur-Helpe, Alexander Grimaud, pour justifier sa décision : "Alors qu'il appartient aux autorités publiques de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection de la santé publique et de l'environnement, vous comprendrez que j'estime légitime la mesure prise au titre de mon pouvoir de police général justifiée notamment par les circonstances locales et particulières et aux effets aigus et chroniques des produits phytopharmaceutiques sur la santé".
Il réfute l'idée que le respect de cinq mètres de distance vis à vis des habitations puisse être suffisant pour protéger les riverains : "Cinq mètres, c'est un peu comme le nuage de Tchernobyl qui est censé s'arrêter à la frontière française. Il ne faut pas nous prendre pour des imbéciles. Les gens habitant à proximité des cultures ont dans leur jardin une partie des produits qui ont été pulvérisés. Je pense que les services techniques de l'Elysée ne sont tout simplement pas réalistes avec leurs cinq mètres".
Il demande donc qu'une distance de cent mètres soit respectée. "Je ne lutte pas contre les produits phytosanitaires, mais mon boulot c'est de protéger les gens. On sera peut-être éconduits mais en cas de scandales sanitaires, on ne pourra pas dire que les mairies n'ont rien fait".
Les maires d'Anor et de Wignehies lèvent leur arrêté sans le supprimer
A Anor, le maire, Jean-Luc Perat avait rapidement décidé de rejoindre les communes d'Ohain et Trélon en prenant lui aussi un arrêté municipal.
La raison ? "Des échanges avec la fédération agricole, les syndicats, la sous-préfecture", mais il tient à nuancer : "J'ai décidé de suspendre l'arrêté mais pas de le supprimer définitivement".
A l'origine de l'arrêté, la mobilisation de parents d'élèves de l'école "Les P'tits Loups". Ils dénonçaient l'épandage de pesticides dans des prairies retournés pour la culture de la pomme de terre, à moins de 100 mètres de la maternelle, révélé par le collectif bocage Sambre-Avesnois en danger.
Mais depuis l'eau a coulé sous les ponts. "Ce qui a surtout manqué c'est la communication. L'agriculteur, d'origine néerlandaise, n'a pas du tout dit ce qu'il s'apprêtait à faire. Dans un territoire très vert, que la terre soit retournée intrigue, surtout quand l'agriculteur répand ses pesticides durant la nuit", explique le maire d'Anor.
"Or, en dialoguant, l'agriculteur m'a expliqué que la nuit, la terre étant plus humide, le produit tenait mieux au sol" ajoute Jean-Luc Perat.
Un dialogue facilité par le rapport d'analyse de l'air réalisé par la DRAAF, la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt qui a garantit la conformité aux législations françaises et européennes des produits utilisés par l'agriculteur.
Désormais, le maire d'Anor espère beaucoup de la charte en cours d'élaboration."J'ai fait un rapport dans lequel je demande aux services de l'Etat d'être averti quant à la nature et la nocivité des produits utilisés par les agriculteurs 48 heures avant leur épandage, d'être mis au courant des lieux et de leur distance vis-à-vis des habitations ainsi que la présence de contrôles réguliers sur les différents sites où des pesticides sont utilisés".
Autre cheval de bataille pour le maire : le respect d'une bande de cent mètres. "Je sais que pour les agriculteurs, cela représente la perte d'une bande de terrain, mais rien n'empêche que cette bande puisse être traitée différemment, avec des produits plus écologiques".
"Si je ferme la porte en maintenant mon arrêté, ça ne changera rien. J'espère qu'avec ce dialogue, on pourra alerter le gouvernement pour qu'il se rende compte qu'il y a une faille dans le dispositif de sécurité" conclut Jean-Luc Perat.
Des arrêtés illégaux
Début juillet dans le cadre du contrôle des actes de collectivités, le sous-préfet d'Avesnes-sur-Helpe, Alexandre Grimaud avait jugé ces décisions illégales et donné deux mois aux maires pour les retirer afin d'éviter d'aller devant le tribunal administratif. Il avait alors justifié sur notre site qu'"un maire ne peut pas décider de limiter ou d'interdire l'usage des pesticides sur sa commune. L'autorité qui en a la compétence, c'est le préfet". Un arrêté préfectoral de 2016 fixe une distance minimal de 5 ou 50 mètres des lieux"sensibles" en fonction des cultures.
Selon le sous-préfet, "aucun" des 18 contrôles diligentés depuis mai n'a montré une utilisation de produits interdits en France. Contactée suite au maintien de l'arrêté par les quatre maires, la sous-préfecture n'a pas donné suite.