Le ministre de l'Action et des comptes publics est honni à droite depuis qu'il a rejoint le gouvernement d'Emmanuel Macron. Mais au sein de la République en marche, il est parvenu en quelques mois à habillement tisser sa toile.
Honni à droite, le ministre Gérald Darmanin, que la présentation du budget va propulser en première ligne, a habilement tissé sa toile chez les parlementaires de la République en marche, séduits par son "sens politique" en dépit de faux pas cet été.
Pour eux, c'est un peu une révélation. "Venant de la gauche, j'aurais eu des réticences à vous dire cela il y a quelques mois mais Darmanin, je le trouve excellent", s'amuse un jeune député de la République en marche à propos de celui chargé d'élaborer le premier budget du quinquennat, présenté le 27 septembre.
Jusque-là, l'ex-maire de Tourcoing âgé de 34 ans, coordinateur de la campagne de Nicolas Sarkozy durant la primaire de 2016, incarnait surtout une valeur montante de droite, avant de dénoncer le "rétrécissement" de son camp "sur ses seules bases bourgeoises et conservatrices". En mai, il est débauché à la surprise générale par Emmanuel Macron.
"Je trouve qu'il est très très bon", vante un proche du Premier ministre en soulignant la difficulté du poste, "ô combien technique mais éminemment politique", naviguant entre les desiderata des ministères et ceux de l'administration.
"Il est capable de se mouvoir dans ces deux exigences: avoir la simplicité du mot et comprendre l'univers du chiffre", ajoute-t-on encore à Matignon.
Cela ne lui a pas évité des fautes de carre cet été. Il a ainsi été prié de revoir le projet de loi sur le "droit à l'erreur", "jugé pas assez riche par le président de la République", selon un député LREM.
"Un animal politique"
Il fut aussi au coeur de la communication hasardeuse sur la baisse de 5 euros des APL, qui a mis en difficulté l'exécutif et la majorité parlementaire. Sans apparemment porter préjudice à sa réputation au sein du groupe LREM, qu'il a su habilement soigner à force d'attentions.Là, c'est un petit message de félicitation à un député pour son intervention dans l'hémicycle. Ou ici, un coup de fil pour solliciter "l'avis" d'un autre, échanger "à bâtons rompus", dixit le député de Guadeloupe Olivier Serva.
"Le premier texto que j'ai reçu d'un ministre après mon élection, c'était Darmanin", raconte un autre élu.
Une attitude qui fait sourire, sans la surprendre, la députée de l'Essonne Marie Guévenoux, qui a connu Gérald Darmanin dans les rangs de la droite, aux Jeunes populaires.
"Il était de loin le plus malin, déjà un animal politique", se souvient-elle, en confirmant la popularité du ministre chez les 'marcheurs', assise sur sa "pugnacité" et sa capacité à "défendre très clairement ses dossiers".
Pour affermir son réseau, Gérald Darmanin a "parfaitement décodé le logiciel En Marche" et s'est fait le chantre d'un programme présidentiel appris "par coeur", affirme un député de la Commission des finances qui a récemment assisté à un vrai numéro de séduction.
"C'était professeur Darmanin", glisse-t-il. "Il était avec son paperboard, ses manches retroussées. Il a été super bon, faisant des références au programme, rappelant qu'on s'était engagé sur tel point".
"L'opportunisme en marche"
Auteur de sorties acerbes contre le mariage pour tous en 2013, avant de les regretter récemment, Gérald Darmanin s'y retrouvera-t-il sur les questions de société au sein d'un gouvernement qui compte par exemple ouvrir la procréation médicalement assistée (PMA) ?"Darmanin est bien trop malin pour laisser la PMA devenir un problème pour lui", répond un député LREM.
Logiquement, sa cote s'est effondrée chez Les Républicains, qui ne l'épargnent pas dans l'hémicycle lors des questions au gouvernement.
"Darmanin, c'est l'opportunisme en marche", persifle ainsi Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, avant de railler les revirements.
"J'ai eu une conversation avec Fillon, qui m'a dit : 'Quand je vois aujourd'hui Darmanin qui s'était roulé par terre pour avoir des responsabilités dans ma campagne, je suis écoeuré'", cingle de son côté un élu LR.
Cependant, Gérald Darmanin n'a pas encore formellement acté sa rupture avec son ancienne famille. Dans l'attente de son exclusion, il est pressé par le chef de l'Etat en personne d'adhérer à La République en marche.