Le 106e congrès de l'Association des maires de France s'est tenu du 19 au 21 novembre à Paris, dans un contexte particulier. Le gouvernement demande aux collectivités 5 milliards d'euros d'économies sur leurs finances. L'annonce, qui ne passe pas, a fait réagir plusieurs élus picards.
L'ambiance était morose au 106e congrès de l'Association des maires de France à la porte de Versailles (Paris), où le tour de vis budgétaire imposé par l'État ne passe pas. En effet, 5 milliards d'euros d'économies sont demandés aux collectivités territoriales dans le budget 2025.
Le projet de loi finance prévoit un prélèvement de 2 % des recettes de fonctionnement des plus grosses collectivités et un gel de transferts de la TVA, initialement prévu pour compenser la suppression de la taxe d'habitation. Mais ce n'est pas tout : l'enveloppe dédiée à l'aide à l'investissement serait amputée de 800 millions d'euros et le fonds de compensation de la TVA sera lui aussi réduit.
Les élus doivent donc passer en revue toutes les dépenses et faire des choix : police municipale, crèches, associations culturelles et sportives... Tout va être minutieusement examiné pour réaliser des économies. Les maires ont d'ailleurs arboré symboliquement une écharpe noire en signe de contestation lors de la première journée du congrès.
"Les maires sont de plus en plus stressés"
"C'est le salon des maires en colère, ils sont de plus en plus stressés par ce qui leur tombe sur la figure d'année en année", lance sur place Alain Vasselle, président de l'Union des maires de l'Oise et maire d'Oursel-Maison.
Pour lui, ce sont les administrés qui "vont trinquer dans cette affaire". En effet, l'élu note que ni lui, ni ses collègues ne pourront tenir le rythme de leurs investissements : "on va devoir peser sur la fiscalité locale, on subit une perte d'autonomie totale sur le plan financier, ça devient insupportable et inacceptable", fustige-t-il.
Les maires seront forcés de faire des choix : augmenter la fiscalité dans un contexte où le pouvoir d'achat est mis à mal ou retarder les investissements et avoir recours à un emprunt "si on veut maintenir un minimum d'investissement". Le problème, c'est qu'un tel recours augmentera l'endettement de la commune, et finira par pénaliser les administrés sur la durée. "En bon gestionnaire, on essaie de trouver la bonne formule entre l'un et l'autre", assure-t-il.
Sur le plan de la gestion, je pense qu’on n’a pas de leçons à recevoir. C’est plutôt à l’État de regarder la situation qu’il a mise à mal. Le Premier ministre actuel n'y est pour rien, il hérite d'une situation donnée et il fait avec ce qu'il a. J'entends bien.
Alain Vasselle, président de l'Union des maires de l'Oiseà France 3 Picardie
Alain Vasselle regrette que le gouvernement demande qu’ils mettent "la main à la poche depuis longtemps" car ils ont "déjà contribué très largement". De plus, ils doivent rééquilibrer leur budget, "donc on ne peut pas se permettre de présenter un budget en déséquilibre alors que l'État n'hésite pas à avoir recours à l'emprunt pour ses dépenses de fonctionnement". Chose qui est d'ailleurs interdite pour les collectivités, ajoute-t-il.
Quelles sont les conséquences concrètes à ses yeux ? Des investissements seront annulés, reportés et divisés par deux ou trois. "C'est l'économie qui va trinquer parce qu'il faut savoir que 70 % des investissements publics sont réalisés par les collectivités et les intercommunalités. Le jour où elles diminuent le rythme de leur investissement, c'est l'économie qui va en souffrir, c'est-à-dire toutes les entreprises, donc ça va faire rebondir le taux de chômage", prédit l'élu.
"On ne peut pas rendre responsables les collectivités du déficit national"
"Ces coupes ne sont pas acceptables, on ne peut pas rendre responsables les collectivités du déficit national", lance Bénédicte Thiebaut, présidente de l'association des maires de la Somme et maire de Roiglise. Elle souligne que tous leurs investissements sont en cours, ce qui signifie qu'à la fin de leur mandat, les maires vont devoir recourir à l'emprunt. Une situation qu'elle juge impossible, d'autant plus que les communes sont toujours "sollicitées".
Une délégation de l'Association des maires de France 80 a rencontré le préfet de la Somme. D'après Bénédicte Thiébaut, présidente de l'AMF 80, il leur a expliqué "les solutions qui allaient nous être proposées. En tant qu'association, nous avons des comptes à rendre à l'ensemble des 771 maires du département". Si elle souligne un "dialogue constructif", elle rappelle que pour le moment, "tout est en cours, les dialogues sont en cours, donc on n'a pas de visibilité".
Si le Premier ministre Michel Barnier semble vouloir assouplir les mesures, Bénédicte Thiebaut souhaite qu'il aille plus loin. "Il faut que l'on revoie, qu'il y ait une procédure de revoyure, parce que ce n'est pas possible". Mais si aucune solution n'émerge de toutes ces rencontres, il faudra s'adapter rapidement. Car à chaque crise (Covid, Gilets Jaunes...), le maire "est toujours en première position, c'est toujours lui qui va trouver la solution".
Nous avons une mission. Chaque maire est conscient, même de la transition écologique. Il sait qu’il doit faire des efforts, mais à un moment donné, il faut qu’on revoit tout ça, ce n'est pas possible.
Bénédicte Thiebaut, présidente de l'association des maires de la Sommeà France 3 Picardie
"Il faut rendre au maire la possibilité d'avoir une autonomie financière"
Bénédicte Thiebaut souhaiterait qu'on rende au maire "la possibilité d'avoir une autonomie financière, qu'il puisse gérer en fonction de son territoire, mais aussi les présidents de Communauté de communes, parce qu'ils sont aussi concernés". Selon l'édile, "les maires savent ce qu'ils doivent investir, ce qui est bien pour leur commune, donc laissons-les faire et ayons confiance".
De son côté, Alain Vasselle espère que le Premier ministre reverra sa feuille de route et atténuera "au moins en partie" ce qui a été prévu dans la loi de finances. Actuellement, cette loi est en cours d'étude à l'Assemblée nationale et arrivera prochainement au Sénat. "Le Sénat, qui est le grand conseil des communes de France, dans sa grande sagesse, va sûrement y apporter des aménagements", conclut-il.
Avec Camille Di Crescenzo, Noelie Mesange / FTV