Après Pont-Sainte-Maxence et Beauvais, Compiègne interdit à son tour la vente de protoxyde d'azote aux mineurs. La consommation de ce gaz hilarant, vendu librement dans les commerces, est devenu un problème de santé publique.
A Compiègne, il faudra désormais montrer sa pièce d'identité pour acheter du protoxyde d'azote. Vendu dans n'importe quel commerce, dans des cartouches en acier, ce gaz de pressurisation est utilisé pour les aérosols alimentaires, comme les bonbonnes de crème chantilly par exemple.
Pourtant, lundi 3 août, le maire de Compiègne, Philippe Marini a signé un arrêté municipal interdisant la vente de protoxyde d'azote aux mineurs. "Il est interdit de vendre ou d'offrir gratuitement dans tous commerces ou lieux publics de la commune, à des mineurs de moins de 18 ans, du gaz protoxyde d'azote (N20), quel qu'en soit le conditionnement", peut-on lire dans l'arrêté municipal.
Interdiction d'en posséder sur l'espace public
Jusqu'au 31 décembre 2020, il est aussi interdit aux personnes mineures comme majeures "de posséder sur eux, dans l'espace public du territoire de la commune, des cartouches ou autre récipients sous pression contenant du gaz protoxyde d'azote". Toute utilisation "de manière détournée du protoxyde d'azote à des fins récréatives sur l'espace public" est également interdit, détaille l'arrêté.Une drogue récréative légale
"Les dangers liés à ces comportements irresponsables sont sans cesse en évolution. Il y a des risques pour la santé publique et pour l'ordre public", nous explique Philippe Marini au téléphone.Utilisé à l'origine dans le domaine médical, pour ses propriétés anesthésiques et analgésiques, le protoxyde d'azote, aussi connu sous le nom de "proto", ou de "gaz hilarant", a des effets euphorisants lorsqu'il est inhalé. Il est donc considéré comme une drogue récréative hallucinogène. Son faible prix (aux alentours de 6 euros les six cartouches), ainsi que son accessibilité, en font un produit prisé par les plus jeunes.
Une consommation en hausse chez les jeunes
"Ces derniers mois, à l'occasion d'échanges avec la police nationale, nous avons constaté que c'est une pratique qui se répand dans la ville de Compiègne, assure le maire, réélu en mars dernier pour son un septième mandat. Cela fait partie de cette imagination qui pousse à transgresser les règles. Sauf qu'on crée des comportements festifs qui peuvent être malheureux"."C'est un phénomène sous-terrain, qui n'est pas destiné à être vu, rajoute Alain Dervaux, professeur en psychiatrie-addictologie au CHU d'Amiens.Ce que l'on voit, ce sont les traces. On voit se multiplier les cartouches dans la rue. Mais ce que l'on sait, c'est que 23 à 25% des jeunes ont déjà consommé du protoxyde d'azote", appuie-t-il . "Le point positif, ajoute-t-il, c'est que la consommation de ce produit n'entraine pas de dépendance".
"On sait que cette pratique existe et qu'elle est répandue, renchérit Philippe Marini. Par conséquent, je préfère prendre les devants ! Mieux vaux prévenir avant qu'il ne soit trop tard. Cela permet aussi de faire de la pédagogie auprès des familles, qui ne savent pas forcément ce que c'est, et auprès des jeunes qui pourraient être tentés de tester".
Un produit qui peut être dangereux pour la santé
Car si, à faible dose, les risques pour la santé sont faibles, consommer du "proto" régulièrement, ou a très forte dose peut entraîner de graves complications. "Les effets indésirables les plus fréquents, ce sont les brûlures dues au froid du gaz, voire des évanouissements ou des attaques cardiaques", détaille Alain Dervaux. Le professeur explique que plus rarement, la consommation de ce gaz peut avoir des conséquences plus graves sur la santé : "Le protoxyde d'azote peut entrainer des carences aigües en vitamines B12 qui vont provoquer la paralysie des membres inférieurs. Mais ça reste des cas très rares", assure-t-il. Dans les cas les plus graves, la consommation de protoxyde d'azote peut entrainer la mort.Troisième ville de l'Oise à interdire la vente aux mineurs
Compiègne devient ainsi la troisième ville de l'Oise à prendre cette mesure, après Pont-Sainte-Maxence en août 2019 et Beauvais la semaine dernière.Une proposition de loi visant à "protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d'azote", sera examinée à l'Assemblée Nationale à partir de mars 2021. Elle a été adoptée à l'unanimité au Sénat en décembre dernier. Portée par Valérie Létard, vice-présidente du Sénat et sénatrice du Nord, cette proposition de loi entend interdire la vente de protoxyde d'azote aux mineurs.