À Compiègne, un dessin inédit du maître italien Le Bernin vendu pour près de 2 millions d'euros

Révélé lors d’un inventaire dans une succession compiégnoise, un dessin inédit du Bernin a été vendu 1 937 500 euros aux enchères à Compiègne ce 20 mars. Une vente exceptionnelle puisque seules sept autres académies du sculpteur existent dans le monde, toutes appartenant à des musées.

Il s'agit d'"une vente exceptionnelle," de l'aveu du spécialiste de dessins anciens Patrick de Bayser. Ce 20 mars, un dessin du maître italien Le Bernin - Gian Lorenzo Bernini de son vrai nom - a été vendu à Compiègne pour près de deux millions d'euros. Estimée au départ entre 30 000 et 50 000 euros, cette esquisse à la sanguine réhaussée de craie blanche, baptisée Académie d'homme, a trouvé acquéreur pour la somme précise de 1 937 500 euros. L'identité du nouveau propriétaire, "un collectionneur étranger", n'est pas connue.

La vente aux enchères s'est "extrêmement bien déroulée". Les enchères sont montées très rapidement pour rapidement atteindre dix fois le prix de départ. "C'est une très grande surprise qu'il parte pour cette somme-là. La moitié, c'était dejà très bien," glisse Patrick de Bayser. Le prix peut se justifier par l'histoire roccambolesque de la découverte de ce dessin.

Retrouvé lors d'une succession

Les commissaires-priseurs sont encore sous le coup de l’émotion de la découverte du dessin. "Avoir un dessin du Bernin en main est quelque chose d’unique" avoue Dominique Le Coënt-de Beaulieu. "C’est mon associée Philomène Wolf qui a été la révélatrice de cette œuvre trouvée dans une succession compiégnoise".

Ce jour-là, le dessin est alors présenté comme une œuvre du sculpteur français Pierre Puget de la seconde moitié du XVIIe siècle. Une attribution rapidement écartée par le cabinet d’expertise de Bayser.

"Ce n’est absolument pas dans le style de dessin de Puget, explique Patrick de Bayser. Par contre, on s’est tout de suite rendu compte que c’était un dessin baroque italien. On pensait à Sacchi, un grand artiste romain du baroque mais ce n’était pas vraiment ça. On a tourné en rond sans arriver à comprendre parce qu’on n'était parti sur les peintres alors que c’était un dessin de sculpteur".  

Un génie de la sculpture baroque

L’expert en vieux dessins revient alors vers Gian Lorenzo Bernini, dit le Bernin (1598-1680). Il retrouve dans sa bibliothèque une publication sur une série de sept académies. "Dès qu’on a vu ces publications, on était quasiment sûr que c’était de lui parce qu’il y avait cette technique très particulière qui a fait repousser l’attribution à Sacchi".

Aussitôt Patrick Le Bayser interroge la spécialiste Ann Sutherland Harris qui confirme l’attribution au sculpteur. 

Présenté comme l’un des plus grands sculpteurs de tous les temps après Michel-Ange et avant Pierre Puget, Le Bernin est mondialement connu. "Il a eu des commandes de trois papes de son vivant, détaille le commissaire-priseur,  il a fait la colonnade du Vatican, il a eu des commandes phénoménales qu’on retrouve notamment à la galerie Borghese. On se retrouve face à un génie de l’art baroque".

Puissance et vie

Le Bernin est célébré pour sa capacité à insuffler la vie et le mouvement au marbre et à la pierre. Une technique que l’on retrouve dans ses dessins.

"Il utilise une technique quasiment impressionniste, analyse Patrick Le Bayser, qui permet de faire vibrer les corps. Il va travailler par petites touches discontinues avec des espaces qu’il superpose pour donner des accents. Ça donne cette vibration à la masse corporelle. Derrière ce côté impressionniste, il va avoir un fond expressionniste dans le sens où des grands traits de sanguine très vigoureux vont faire ressortir le corps de l’académie sur fond minéral".

Cette mise en scène rappelle celle de la Fontaine des Quatre-Fleuves, place Navone à Rome, en Italie, construite par le Bernin en 1648. Les quatre allégories des dieux-fleuves représentant les quatre fleuves les plus importants de l’époque : le Nil, le Danube, le Gange et le Rio de la Plata. Un obélisque étant dressé au centre. L’académie retrouvée évoque en tous points la statue du Nil.

"On est dans la veine de la réflexion de l’artiste, précise l’expert. On voit sur son dessin la force qu’il arrive à donner à cette structure. On peut voir aussi un esprit de sentiment, ce qui est très rare dans une académie. La figure repose sur son genou. Il y a une sorte de désespoir, c’est prégnant et ça nous prend".

Une vente exceptionnelle

Cette sanguine inédite est la huitième connue à ce jour dans le monde. Les sept autres sont conservées dans des musées, dont deux aux dimensions similaires figurant dans les collections du musée des Offices de Florence et du Teylers Museum d’Haarlem, aux Pays-Bas.

"C’est la première fois qu’une œuvre de cette qualité va pouvoir être proposée sur le marché et il faut savoir que les productions du Bernin qui ont été présentées sur le marché de l’art dans ces trente dernières années sont au nombre de douze" indique Dominique Le Coënt-de Beaulieu.

Quelques mois après l’adjudication record à 19,5 millions d’euros d’un panneau du peintre primitif italien Cimabue, les commissaires-priseurs s’attendent à battre un autre record lors de la vente organisée à Compiègne ce 20 mars 2021.

Par sa rareté et son état de conservation, ce grand nu masculin a été estimé entre 30 000 et 50 000 euros.

"Étant donné que c’est une œuvre unique, il faut s’attendre à ce qu’il y ait une lutte importante. Il n’y a plus tellement de prix pour ces œuvres-là. Jusqu’à présent le record mondial pour une œuvre du Bernin sur un dessin a été obtenu en 2014 aux environs de 130 000 €. On espère dépasser ce record".

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