Festival de Cannes 2022 - 12 jeunes des Hauts-de-France lauréats du concours Moteur! vont fouler le tapis rouge : "ça fait bizarre, je ne réalise toujours pas"

Dans dix jours, 25 jeunes, dont une douzaine issue des Hauts-de-France, seront mis à l'honneur au festival de Cannes. Ce sont les lauréats de la 6e saison du concours Moteur! Chaque année, il invite les jeunes de 14 à 22 ans à réaliser une vidéo de 90 secondes sur une personne qui les inspire.

Jamais Adil Benkhalfallah n'aurait imaginé un jour, fouler le tapis rouge du palais des festivals à Cannes. Le 26 mai, le collégien de 14 ans, recevra un Clap d'Or de la main du délégué général du Festival de Cannes en personne, Thierry Frémaux.

"Ça me donne plus confiance en moi. Je ne vais pas m'arrêter là et je vais essayer de participer à tout ce qui se présente"  assure le jeune Creillois.

"L'idée est de porter la parole des jeunes"

Comme Adil, ils sont 25 lauréats à avoir été sélectionnés au concours Moteur! 2022. Parmi eux, 12 viennent de la région Hauts-de-France : Elvanne Bornais (Nord), Léa De Leus (Nord), Anaëlle Chapalin (Nord), Corentin Deldalle (Nord), Lounes Ghanem (Nord), Marie Manier (Nord), Adil Benkhalfallah (Oise), Léo Delafontaine (Oise), Thomy Nochelsky (Oise), Délia Miloudi (Pas-de-Calais), Exaucée Kashindi (Somme) et Yeva Le Roux (Somme).

Tous seront reçus comme des stars grâce à un petit film d'1 minute 30 tourné avec leur smartphone. Dans le principe, chaque participant doit évoquer une personne qui l'inspire.

"L'idée est de porter la parole des jeunes dans toute leur pluralité. On a tous autour de soi une personne qui nous inspire, explique Caroline Sénéclauze, fondatrice et présidente de l'association Moteur!. Une personne à qui on pourrait rendre hommage. On va lui dédier un petit film d'une minute trente pour la remercier, pour créer ce lien intergénérationnel qui permet aux jeunes, par l'admiration qu'ils ont sur ces modèles, de se définir plus tard en tant qu'adulte."

"C'est pas négatif de venir d'un quartier"

Adil a choisi de parler de Yacine, un réalisateur de son quartier de la Guynemer, à Creil, qui le conseille quand il en a besoin. "C'est un homme que j'admire, dit-il dans sa vidéo, c'est un exemple car j'ai l'impression de lui ressembler, de suivre son chemin". Ce chemin, c'est la réalisation. Du haut de ses 14 ans, le collégien se verrait bien une caméra à l'épaule pour filmer son quotidien. "De base, je ne voulais pas continuer l'école. Je voulais directement travailler. Yacine m'a dit qu'il fallait continuer. Je veux raconter une histoire réelle parce que les personnes qui ont écrit des histoires dans des quartiers, ce sont des stéréotypes. L'image que les réalisateurs montrent, ce n'est pas la réalité. Ils n'ont pas tous vécu dans les quartiers. C'est pas négatif de venir d'un quartier, on peut réussir".

Thomy Nochelsky aussi se verrait bien réalisateur. Lycéen à Clermont-de-l'Oise, il s'est inscrit en option audiovisuelle. Sa participation au concours le conforte dans son choix. "Je suis très content d'avoir été sélectionné. Ça me prouve que mes vidéos ont un sens et ne sont pas qu’un hobbies. Elles peuvent donner une émotion". Dans cette vidéo, sa source d'inspiration est son grand-père. Un ancien mineur qui lui raconte tellement d'histoires. "J'ai surtout appris à exprimer mes sentiments en vidéo. J'ai éprouvé de l'amour pour lui à travers cette vidéo. Ce qui l'a beaucoup touché". 

"C'est un projet de lien social"

Cette année l'association a reçu plus de 400 vidéos, venues des quatre coins de France, qu'il a fallu départager. "Avec notre jury qui est cette année présidé par la réalisatrice Agnès Jaoui, on a toujours à cœur de choisir les films pour la qualité de leur message, précise Caroline Sénéclauze, et de bien montrer que ce n'est pas un projet réservé à des jeunes futurs cinéastes. C'est un projet de lien social. C’est extrêmement important parce qu'il ne faudrait surtout pas demain, intimider des jeunes qui se diraient mais moi je ne sais pas monter, je ne sais pas manier l’image".

C'est ainsi qu'à sa grande surprise, la vidéo de Yeva Le Roux a été retenue. Lycéenne à Amiens, dans la Somme, elle a voulu parler de Nikolaï, son grand-père ukrainien, qui vit actuellement à Kiev. "Mon grand-père a une histoire exceptionnelle. C'était un soldat de l'armée rouge sous le régime de l'ex-URSS. Il nous raconte toujours des histoires de fou. Sa vie en Sibérie notamment. Durant ses opérations, il a été emprisonné plusieurs fois dont une fois dans un goulag d'où il a réussi à s'évader". Aujourd'hui, les sujets de conversations ont changé. Par visio, le grand-père raconte les bombardements à sa petite fille. "Le contexte en Ukraine des gens qui sont restés là-bas, c'était le moment d'en parler. Mais je ne m'attendais pas à ce que ma vidéo soit retenue. D'ailleurs je n'ai pas changé d'avis sur mes projets. Je veux être chirurgienne. J'aime le contexte de l'hôpital".

Dans son court-métrage, Exaucée Kashindi, 17 ans, met son père en valeur. "Il n'est pas Batman mais il incarne ce héros au quotidien. C'est lui mon repère. Il me prend par la main, me montre le chemin et fait de son mieux afin que nous puissions prendre le même itinéraire qu’il emprunta jadis, traversant océans et continents, laissant derrière lui sa famille et ses amis avec un seul mot d’espoir ...je reviendrai".

"Leur engagement est au centre de la vie"

Un père, un grand-père, un voisin ou encore un prof, les personnes inspirantes sont souvent des proches pour les 14 à 17 ans. Mais en six ans, la parole des jeunes a évolué. Leur message évoque de plus en plus la question de l'engagement, remarque Caroline Sénéclauze. "Que ce soit au côté des migrants, des sans-abris, des personnes en situation de handicap, on voit qu’on a affaire à de plus en plus de personnes engagées parce que leurs personnes inspirantes souvent incarnent un combat. Les jeunes profitent de la parole qui leur est donnée par Moteur! pour montrer à quel point leur engagement est au centre de leur vie".

Fin avril, les 17 jurés réunis autour de la réalisatrice Agnès Jaoui, ont mis toute leur énergie dans la sélection des lauréats.

"Ça fait bizarre, je ne réalise toujours pas", avoue Thomy, qui envisage de faire un BTS audiovisuel après le baccalauréat. "Mes parents étaient contents pour moi. Ça les a rassurés sur le projet que j'ai".

"On a élu 25 jeunes mais il reste des dizaines, voire des centaines de films qui sont de la même qualité, affirme Caroline Sénéclauze. Mais la réalité et ce à quoi je tiens dans le futur, c'est de me dire que tous les jeunes qui posteront des films, qui auront le courage de se livrer comme ça, seront récompensés et qu'on pourra tous les accompagner dans les campus de la confiance".

Car pour ces heureux élus, l'aventure ne s'arrête pas là. Aux prochaines vacances de la Toussaint, ils seront de nouveau réunis pour une semaine durant laquelle, ils participeront aux campus de la confiance. Des ateliers d'éloquence, de slam, de coaching, d'expression corporelle et des rencontres avec des professionnels.

Parallèlement, l'association propose dans la Région académique des Hauts-de-France, un serious game à travers les établissements de l'éducation prioritaire. Ce jeu porte sur l'estime de soi, la confiance en soi et l'affirmation de soi. Plus de 2000 jeunes ont déjà participé à ce jeu.

25 visages affichés sur la gare de Cannes

Pour l'heure, à partir du 17 mai, les visages des 25 lauréats seront affichés en 2 mètres par 3 sur les façades de la gare de Cannes pendant toute la durée du festival. Des photos noir et blanc réalisées par JR. "Ça va durer un mois. Les photos seront signées avec une petite phrase qu'on leur a demandé d'écrire, les définissant sous forme de paradoxe. Certains, par exemple, disent : je suis dyslexique mais je souhaiterais devenir écrivain. Il y a aussi une jeune fille qui écrit : je viens d'une banlieue, je suis métis, je suis une femme et pourtant je suis à Cannes aujourd'hui".

Toutes les vidéos seront publiées sur la chaîne YouTube de Moteur!.

Les jeunes séjourneront du 24 au 27 mai. Tous recevront un Clap d'Or des mains de Thierry Frémaux. D'autres récompenses seront également attribuées aux participants intéressés par les métiers de l'audiovisuel : une bourse de résidence offerte par le CNC Talent, une bourse de formation audiovisuelle à l'ESRA, un participation et visite d'une journée au YouTube Space Paris, et une invitation en résidence d'été pour des jeunes musiciens.

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