Oise : "pendant la trêve hivernale, on met des adolescents dans la rue", dénoncent les associations d'aide aux migrants

11 associations de l'Oise alertent sur le sort de jeunes migrants. Ils se disent mineurs mais se retrouvent à la rue, sans aucune solution de logement, en pleine trêve hivernale.

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"Qui peut, sans trembler, en plein hiver, renvoyer sans la moindre solution une adolescente, un adolescent qui n'a rien à se reprocher, sauf d'être sans défense ?",  se demandent 11 associations qui interpellent le conseil départemental.

Car dans l'Oise, plusieurs jeunes migrants non-accompagnés se retrouvent à la rue, expulsés de leurs foyers pour mineurs en plein hiver. Ils sont désormais considérés comme majeurs par l'État français après enquête et un test osseux.

Conséquence d'une décision prise par l'ASE (l'aide sociale à l'enfance) pilotée par le conseil départemental. Plusieurs associations venant en aide à ces jeunes en appellent à la présidente du département pour que ces expulsions cessent. 

Ahoua, "16 ans", mariée de force en Côte d'Ivoire

C'est le cas par exemple d'Ahoua*. Née en Côte d'Ivoire, elle a fui son pays et son cauchemar. Excisée à 7 ans, mariée de force à 13 ans à son cousin qui en avait 40, l'enfant a subi des violences physiques, psychologiques et sexuelles. Finalement reniée par ses parents, elle a pris la route pour l'Europe. Arrivée en France le 21 décembre 2021, la police l'a amenée à Senlis dans l'Oise, le temps d'évaluer son âge.

Après deux mois d'enquête, Ahoua a été considérée comme majeure par l'État français, ce qui l'empêche de bénéficier de l'Aide Sociale à l'Enfance, assurée par le département. Expulsée de son foyer pour mineur, elle attend son acte officiel de naissance pour prouver son âge. Mais ce n'est pas chose aisée : "je suis née dans un petit village très loin de la ville, ma famille m'a reniée, c'est compliqué de récupérer ces papiers". 

Une jeune fille seule, dans la rue 

Ahoua s'est alors retrouvée à la rue : "ils m'ont remis une feuille et c'est tout. Ils m'ont dit que je pouvais faire un recours".

Dormir dehors, une situation dans laquelle aucune jeune fille vulnérable n'a envie de se retrouver : "je suis en colère, je ne sais pas ce que je vais faire. Je ne peux pas rentrer avec mon mari qui me cherche partout. Je pensais qu'en arrivant en Europe, je serais protégée de mon mari et de mes parents, mais en fait je me retrouve dehors, je regrette."

"Une situation exceptionnelle ? Une erreur ? Non, et elle n'est pas la seule"

Il a fallu se débrouiller, contacter des associations. Elle finalement rencontré Hélène Corroyer, militante associative, qui lui a trouvé une solution très provisoire.

Hélène Corroyer aussi est en colère. Ahoua se retrouve "sans aucune espèce de solution. Une situation exceptionnelle ? Une erreur ? Non, et elle n'est pas la seule. Une jeune fille m'a dit qu'elle voulait se tuer, elle n'avait plus rien, elle était traumatisée."

Ils seraient au moins neuf dans l'Oise. Neuf jeunes migrants à s'être fait expulser de leur foyer d'hébergement car jugés non-mineurs. 

170 citoyens de l'Oise louent une maison pour accueillir des jeunes migrants isolés 

C'est un combat qu'Hélène Corroyer mène depuis 2019. Il y a trois ans, elle a co-fondé l'association 100 pour un toit Oise. Le concept : assembler au moins 100 citoyens prêts à verser 5 euros par mois pendant 12 mois pour louer une maison, afin d'accueillir des mineurs non accompagnés dans la même situation qu'Ahoua. À ce jour, 170 citoyens ont intégré le collectif et cotisent chaque mois. 

Depuis 2020, l'association a accueilli 33 jeunes. Mais évidemment, une maison ne suffit pas. L'association fait alors appel à la bonne volonté des citoyens pour accueillir des jeunes chez eux.

Toutes ces solutions sont ce qu'elles sont, elles restent provisoires. Et la situation, elle, s'empirerait : "il y a en ce moment une grande affluence de jeunes. On avait eu un seul cas de jeune fille depuis 2019. Là, on vient d'en recevoir trois d'un coup. On demande à être reçus par le conseil départemental mais ils ne l'ont jamais fait"

"Tous les jeunes de moins de 18 ans sont pris en charge dans l'Oise"

Compétent en matière de mineurs, le département assure que "tous les jeunes de moins de 18 ans sont pris en charge dans l'Oise". Selon Sophie Levesque, première vice-présidente du conseil départemental de l’Oise, chargée de l’enfance, de la petite enfance et de la famille, ils seraient 350, dont une centaine de jeunes majeurs déjà insérés, en formation, également aidés par la collectivité. 

"Les jeunes dont on parle ici, arrivent devant nos portes. On les met à l'abri le temps de faire les enquêtes pour déterminer s'ils sont majeurs ou mineurs. Le test osseux ne vient qu'en dernier recours, sur réquisition du parquet. Si on estime qu'ils sont majeurs, on les accompagne vers les dispositifs associatifs ou vers le 115, car il ne faut pas oublier qu'un enfant qui prend une place, c'est une place qu'on n'a pas pour un autre".

Mais justement, sur ce point, ces jeunes se trouvent dans une zone de flou juridique : le département ne s'en occupe plus car il les considère majeurs. Mais ces jeunes, qui se disent mineurs, ne peuvent pas être pris en charge par le 115, qui ne vient en aide qu'aux majeurs. Un trou dans la raquette pour lequel Sophie Levesque admet bien vouloir travailler, pour "fluidifier le système". 

En attendant Ahoua patiente avant de pouvoir déposer son recours. Il devrait être examiné d'ici 2 à 3 mois.

*Ahoua est un nom d'emprunt pour protéger son anonymat

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