Gilets jaunes : que deviennent des cahiers de doléances ? Un maire milite pour une politique qui s'en inspire

En réponse au mouvement des gilets jaunes, Emmanuel Macron avait lancé un "grand débat national", avec des cahiers de doléances ouverts à tous les citoyens. Cinq ans après, les milliers de propositions couchées sur le papier semblent être un peu tombées dans l'oubli. Dans l'Oise, un maire s'en est inspiré pour prendre des décisions, et milite pour que ces cahiers soient plus utilisés.

La semaine de mobilisation des agriculteurs rappellent les souvenirs d'il y a cinq ans, quand les gilets jaunes occupaient les ronds-points et battaient le pavé tous les samedis un peu partout en France. À l'époque, la réponse du président de la République avait été d'ouvrir dans les mairies des cahiers de doléances inspirés de ceux de la Révolution française, et d'organiser un "grand débat national". 

Des centaines de milliers de Français avaient alors couché sur le papier et exprimé devant des assemblées locales leurs revendications et leurs envies pour l'avenir. Revalorisation des retraites et des salaires, baisses des taxes, accès aux transports et à la santé... Les thèmes abordés étaient variés et résonnent encore aujourd'hui. 

Si un gouvernement veut vraiment se saisir des préoccupations de ses concitoyens, il faut plonger dans les cahiers de doléances.

Fabrice Dalongeville, maire d'Auger-Saint-Vincent


Mais que sont devenus ces cahiers de doléances ? Versés aux archives départementales ou communales, numérisés par la Bibliothèque nationale de France, ils n'ont pourtant jamais fait l'objet d'une restitution ou d'une synthèse par le gouvernement. Une déception pour Fabrice Dalongeville, un petit village de l'Oise, près de Crépy-en-Valois. "Il y a deux millions de personnes qui ont participé à l'écriture des cahiers de doléances, c'est inédit dans l'histoire de France. Donc si un gouvernement veut vraiment se saisir des préoccupations de ses concitoyens, il faut plonger dans les cahiers de doléances, estime-t-il. Et au-delà du gouvernement, il faut que les partis politiques le fassent aussi."

Des projets inspirés des doléances 

Il a donc décidé, à l'échelle de son village, de s'inspirer de ces doléances citoyennes pour prendre certaines mesures. La première chose a été de faire installer un distributeur de pain dans la commune, qui n'a plus de boulanger depuis bien longtemps. L'idée est venue, justement, lors d'une réunion publique du grand débat. "Une famille est venue, et au bout de trois quarts d'heure de discussion, ils nous ont coupé la parole pour dire 'si on est venus, c'est parce qu'il faudrait qu'on ait du pain !', raconte l'édile en riant. C'était aussi ça, qu'on pouvait trouver dans les cahiers de doléances ! Donc on a travaillé pour remettre un distributeur."

Une mesure qui peut paraître anodine, mais qui représente la concrétisation d'un besoin émis par les administrés. C'est en suivant cette même logique que l'équipe municipale a créé un café associatif. Le dernier café du village a fermé il y a 28 ans. "Dans les cahiers de doléances, on peut retrouver des éléments sur les services publics, le pouvoir d'achat, les petites retraites... Pas directement sur des lieux de sociabilité comme le café, mais on sentait bien qu'il y avait de ça, relate l'élu. Il y a des choses qui nous dépassent et qui sont entre les mains du gouvernement, mais localement, c'est important de montrer aux gens que l'histoire n'est pas finie, que ce n'est pas parce qu'on vit dans un village et qu'on a plus de commerces qu'on ne peut pas recréer un espace où on se retrouve."

Ce projet de café a provoqué de l'émulation dans le village, et de nombreux habitants ont participé aux travaux. "Le bar, par exemple, c'est Robert, un artisan menuisier du village à la retraite qui l'a fait", raconte fièrement Fabrice Dalongeville, accoudé au comptoir. Tenu par des bénévoles, le café est devenu un lieu de lien social pour la commune d'à peine 500 âmes. Il fait aussi office d'épicerie et de lieu culture. "C'est un lieu de rassemblement, il y a des spectacles de temps en temps, c'est très agréable, confirme un habitant venu boire son expresso. Et puis il y a la friterie qui vient le vendredi, le camion de pizzas le mardi, donc ça rassemble un peu les gens autour de ça."

Le maire est ravi de cette réussite et du symbole qui se cache derrière. "Ça marche très bien, il n'y a qu'à regarder le nombre de communes qui visitent le lieu parce qu'elles voudraient s'en inspirer pour en créer un. L'état nous a reconnu aussi, c'est tout le paradoxe de la situation : on a été labellisé "fabrique de territoires", donc l'État voit bien que l'initiative citoyenne, elle est assez puissante." Fabrice Dalongeville croit dur comme fer qu'il n'est pas trop tard pour exploiter les idées et les envies exprimées dans ces cahiers. "En 1789, ça abouti à un changement de régime, on est passés à la Première République. Ça a vraiment changé les choses", rappelle-t-il.

Une idée qu'il défend dans le documentaire "Les Doléances", réalisé par Hélène Desplanques et diffusé sur France 3 Hauts-de-France le 8 février en deuxième partie de soirée.

Avec Emilie Montcho / FTV

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