L'allaitement a du mal à trouver sa place dans la société française. Pour dénoncer cela, des mamans allaitantes se rassemblent de ville en ville en France, comme à Compiègne dans l'Oise. Pourquoi ne pas laisser les mères libres d'allaiter quand et où elles veulent ? Eléments de réponse à l'occasion de la semaine mondiale de l'allaitement en France.
Rassemblement à Compiègne
L’allaitement, un acte naturel pour nourrir son bébé mais mal connu et mal perçu par notre société française. Une vingtaine de mamans allaitantes se sont rassemblées en centre-ville de Compiègne le 21 septembre dernier. Ces mamans ont été prises en photo en train de nourrir leur bébé. La majorité allaitait mais les mères qui donnaient le biberon étaient présentes aussi. Le but était de normaliser toutes les façons de nourrir. Pour ces femmes, allaiter doit être aussi banalisé que le biberon dans la sphère publique. Perrine Vandecandelaeree qui allaite son bébé depuis 13 mois est heureuse d'avoir participé à ce rassemblement pacifiste : " On a vraiment passé un bon moment dans la bonne humeur. On a échangé sur nos parcours en toute bienveillance. On a pris une photo de groupe qui a été publiée dans le Courrier picard. L'idée est sensibiliser le grand public à la normalité de l'allaitement."
Un mouvement national
C’est un mouvement national créé par Anna Ki, photographe et maman allaitante. Le mouvement sur les réseaux sociaux est porté le hashtag # jaifaimjemange. 70 manifestations sont prévues en France. La première a eu lieu à Bordeaux en 2021. La réalisatrice Marlène Veyriras a créé un documentaire destiné au concours de l’émission "Infrarouge" sur France 2. Son documentaire s’appelle Marianne, c’est nous . On y découvre des images de mamans qui allaitent leurs bébés, pancartes au-dessus de leurs têtes. Marlène Veyriras filme un rassemblement de mamans allaitantes devant un manège sur une place du centre-ville de Périgueux. Une maman explique pourquoi elle a décidé de venir à ce rassemblement. " J’ai des réflexions négatives d’inconnus et aussi de mon entourage quand j’allaite mon bébé là où il y a du monde. Je veux montrer aux gens que c’est normal de donner le sein à son bébé si on en a envie. Le meilleur, c’est moi, c’est mon lait. Je continuerai même si cela ne leur plaît pas."
Des mamans allaitantes agressées
Plusieurs affaires ont retenti dans la presse et la solidarité s’organise pour défendre l’allaitement en public. En mai 2021, une femme balance à une mère qui allaite son bébé dans une file d’attente : " Vous n’avez pas honte !" Les médias s’emparent de cette affaire qui deviendra l’affaire Maylis. En août 2021, les employés de Disney empêchent une mère d’allaiter au sein son nourrisson. Et cette année, une visiteuse du Louvre a demandé à une mère de stopper la tétée en cours et d’aller continuer dans les toilettes.
" Le sein, c'est naturel"
Ces femmes veulent montrer que le sein est avant tout un organe nourricier avant d’être un atout sexuel ! Elles disent que ce n’est pas de l’exhibition. Sortir avec leur nourrisson et lui donner le sein quand il réclame, c’est naturel. Si elles ne le font pas, elles doivent rester cloîtrée chez elles. Elles ont besoin d’avoir une vie sociale même les premiers mois de vie de leur bébé pour préserver leur santé mentale.
Perrine Vandecandelaeree nous explique que lors d’une fête qu’elle organisait, une des invitées lui a dit à la fin de la soirée : " La prochaine fois, cela serait peut-être bien que tu allaites dans un endroit où il y a moins de monde. Je lui ai répondu que ce n’était pas envisageable car l’allaitement doit être sans contrainte. Je dois me sentir libre de donner le sein à la demande si je le désire car plus je donne le sein, plus je produis du lait. C’est le principe de base de l'allaitement. Pour que je puisse produire la quantité de lait dont a besoin mon bébé à 1 mois comme à 13 mois."
La loi légitime l'allaitement
La législation française autorise l’allaitement en public, sans restriction de lieux, d’horaires ou d’âge de l’enfant, sans la contrainte d’une tenue particulière. Certains pensent qu’il faudrait créer un délit d’entrave à l’allaitement dans les espaces publics. Une députée LREM a déposé une proposition de loi dans ce sens. Des mamans allaitantes comme Perrine sont contre car elles trouvent cela absurde de légiférer sur un acte aussi naturel.
" Allaiter longtemps, c' est bon pour le bébé"
Autre choix mal perçu de l’opinion publique, celui des mamans d’allaiter jusqu’au sevrage naturel. On vient de le voir, la loi n’impose pas d’âge limite. Elodie Bonvoisin, bénévole de l’association La Leche League explique les bienfaits de l’allaitement à long terme pour le développement physique comme psychologique : " L'organisation mondiale de la santé préconise un allaitement jusqu'à deux ans. Le fait d’allaiter longtemps est bon pour l’enfant car le lait maternel est riche en anticorps et permet de protéger l’enfant sur la durée. Le lait maternel est l’aliment de base toute la première année. On conseille l’allaitement exclusif pendant six mois puis on commence à introduire des solides. La deuxième année, le lait maternel est en complément des purées. C'est l’idéal mais quand c’est trop compliqué, les mamans peuvent aussi allaiter de manière mixte. Quoi que les mamans décident, nous sommes là pour les accompagner dans leur choix. Dans un sens comme dans l’autre, la société se doit de respecter leur choix. C'est le message à faire passer."
Pour en savoir plus, retrouvez l'émission Hauts féminin consacrée à l'allaitement en replay ci-dessous :
Un taux d'allaitement bas à six mois
67,3 % de Françaises tentent d’allaiter les premiers jours à la maternité, elles ne sont plus que 50 % à la sortie et un tiers au bout d’un mois et demi. À six mois, 10 % allaitent. Pour vous donner une idée, la Norvège affiche un taux d’allaitement de 80 % à six mois ! Là-bas, il y a une politique gouvernementale en faveur de l’allaitement depuis 40 ans. Au Pays-Bas, même si c'est plus bas que la Norvège, 33 % des mamans continuent d'allaiter à six mois.
Les observateurs expliquent ce taux plus élevé qu' en France grâce à l'intervention à domicile de super-assistantes, les kraamzorgs, durant sept jours. Elles s'occupent des soins de la maman et de son bébé, donnent des conseils pratiques en allaitement et préparent les repas. Elodie Bonvoisin, bénévole à la Leche League explique : " Plus les mamans ont du temps pour elle et leur bébé, plus elles peuvent se reposer et plus leur lactation se régénère. Nous n'avons pas ces bonnes fées que sont les Kraamzorgs en France mais l'entourage peut apporter son aide pour les tâches domestiques et parentales pour décharger la mère. Elle peut ainsi se consacrer à 100 % à son allaitement."