Sortir de l’ombre Séraphine Louis, dite de Senlis, peintre internée à l’asile de Clermont dans l'Oise en 1932. Un objectif commun à plusieurs auteurs, qui, pendant de nombreuses années, ont étudié ses motivations et sa pathologie à travers la peinture et les lettres de l’artiste.
Séraphine Louis est internée à l’asile de Clermont de l’Oise en 1932. D’après les psychiatres, elle souffrait d’un délire à mécanisme hallucinatoire et interprétatif, avec des thèmes mystiques, sexuels et surtout persécutifs. Isolée, elle arrête alors de peindre et se met à écrire.
Des lettres, de petits mots griffonnés, des enveloppes, qui resteront consignés dans un carton au musée Henri Theillou de l’hôpital psychiatrique de Clermont. Exhumés de leur boite par un groupe d’historiens de l’art, psychiatres et psychanalystes, ces écrits sont désormais consignés et analysés dans le catalogue raisonné de l’œuvre peint de Séraphine Louis, dite de Senlis.
De toutes ses phrases émanent un délire. Il est difficile de trouver une cohérence
Maryline Clin, responsable du musée Henri Theillou, a passé des années à retranscrire les lettres de l’artiste. "Ce qui est marquant, c’est la profusion de l’écrit dans ses pages. Cela ressemble à ses tableaux. Elle pose les fleurs dans tous les sens, comme ses mots. Il y a très peu d’espace libre. Nous avons passé du temps à retranscrire ses lettres et comprendre que de toutes ses phrases émanent un délire. Il est difficile de trouver une cohérence", explique t-elle.
Une génie, une autodidacte
Au détour de chacune de ses pages, l’artiste évoque sa pathologie, son hospitalisation, les personnes qu’elle a laissées dans son village. Elle se plaint aussi de son isolement à l’asile. Une autre manière de s’exprimer et toujours dans l’autodidaxie. "Sa peinture est du génie spontané. Elle n’a pas eu de formation, ni d’éducation à l’art. C’est brut et très touchant. Tout comme ses écrits. Nous avons d’ailleurs conservé ses nombreuses fautes d’orthographes", ajoute Maryline Clin.
Françoise Cloarec auteure de l’ouvrage La vie rêvée de Séraphine de Senlis, publié en 2008, précise, en introduction des lettres du catalogue raisonné : "C’est par des mots qu’elle nous montre ses blessures. Elle tente de se réparer tout le temps, par la peinture, par le délire, par l’écriture. Dans ce défilé de mots, la tonalité religieuse est toujours présente. Dieu a choisi Séraphine pour sauver le monde. Mais où est la limite entre le monde et elle ? Sauver le monde, c’est se sauver elle-même."
Séraphine : sa vie, son oeuvre
En 2008, le film Séraphine avait mis l’artiste à l’honneur. Sa vie et son œuvre ont été alors source d’inspiration pour de nombreux passionnés. Pour Pierre Guénégan, marchand d’art, expert et auteur du catalogue raisonné, c’était l’occasion de se plonger dans la promotion des œuvres d’une peintre spontanée. Dans ce catalogue, il ne s’agit pas uniquement de présenter les œuvres de Séraphine Louis pour le marché de l’art. Il est question aussi de faire découvrir les différentes facettes de l’artiste. "L’histoire de cette femme m’a passionné. On a rarement l’occasion de rencontrer des gens comme elle. Aussi talentueuse, hors norme, à la limite du surréalisme. Elle était extraordianaire. Elle a été internée 10 ans à l’asile. Aujourd’hui, elle ne serait pas internée. On l’a trouverait tout juste bizarre."
Paysanne née dans le village d’Arsy, puis humble servante que rien ne prédestinait à la peinture, Séraphine Louis a probablement peint quatre cents œuvres. Une centaine a été recensée. Les autres dorment peut être encore dans des greniers. Ce livre, qui rend hommage à l’artiste locale, a aussi pour objectif de mettre au jour les œuvres encore cachées de Séraphine Louis.
Le catalogue raisonné ets disponible en librairie, à l'adresse artexpertises@hotmail.com et à la galerie Dina Vierny dans le VIème arrondissement de Paris lors de l'exposition consacrée à Séraphine Louis jusqu'au 31 juillet 2021.