Théologien et chef religieux, Jean Calvin, de Noyon à Genève, l'un des pères fondateurs du protestantisme

L'histoire du dimanche - Jean Calvin est l'un des plus grands théologiens que la France ait connu. Il est aussi l'un des principaux penseurs et promoteurs du mouvement protestant, au XVIe siècle. Et c'est à Noyon, dans l'Oise, que cet homme à l'influence immense et toujours actuelle, est né et a passé sa jeunesse.

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"Lorsque l'on évoque la figure de ce pasteur emblématique de la Réforme protestante, on pense immédiatement à Genève, la ville suisse qui le vit asseoir son autorité morale pendant 23 années, jusqu’à sa mort. On oublie qu'il s'agit avant tout d'un enfant du pays de Picardie, qui a vu le jour le 10 juillet 1509 à Noyon et qui fut baptisé le jour même, comme c'était l'usage à l'époque, du fait d'une forte mortalité infantile, débute Cécile Maillard-Pétigny directrice du musée du Noyonnais et du Musée Jean Calvin à Noyon. Il se prénomme alors Jehan Cauvin, mais il latinisera son nom en Calvin, des années plus tard".

Son enfance est très imprégnée par les principes et rites chrétiens, d'autant que son père, Gérard Cauvin, est le notaire des chanoines, ce qui fait de lui un bourgeois bien établi. "Son père est un proche du pouvoir épiscopal, ajoute Cécile Maillard-Pétigny. À l'époque, l'évêque de Noyon est Charles de Hangest, qui a d'ailleurs une grande influence sur la ville et son embellissement. Et Jean Calvin fera ses études avec les neveux de l'évêque noyonnais, à Paris, au collège Montaigu, où il étudiera la théologie".

Gérard Cauvin souhaite en effet que son fils devienne prêtre. La voie toute tracée habituellement pour les cadets, à cette période. "Mais il se brouille avec le clergé pour une raison confuse et décide de réorienter son fils vers des études de droit", nous précise Mme Maillard-Pétigny. Jean Calvin part donc à Orléans, puis à Bourges, nous sommes alors en 1528-1529.

Il étudie cette discipline auprès des meilleurs maîtres et toute sa vie, il considérera le droit de façon positive. "Le jeune Calvin, qui aura beaucoup voyagé lors de sa première partie de vie, aura la chance de côtoyer les plus grands esprits représentatifs du bouillonnement humaniste qui caractérise alors cette période de la fin de la Renaissance, nous dit encore Cécile Maillard-Pétigny. Il étudie même le grec et l'hébreu. C'est un linguiste au sens complet". D'ailleurs, en 1532, celui qui écrira toute sa vie un nombre incalculable de prêches, de textes, de traités et de livres, publiera un commentaire en latin du Traité de la Clémence de Sénèque.

La mort du père, l'éloignement physique et spirituel du fils

En février 1531, Calvin achève ses études avec succès et obtient sa licence en droit. Mais il est rappelé à Noyon : son père vient de mourir. C'est l'un de ses derniers séjours dans la ville qui l'a vu naître. Il repart à Paris et se tourne alors vers la théologie et les lettres. Deux années durant, il fréquente les cercles de théologiens où se discutent les idées nouvelles. "Il est proche du recteur de l'Université de Paris, Nicolas Cop, qui prononce en 1534 un discours jugé très critique envers l’Église", nous raconte Cécile Maillard-Pétigny.

Et puis, l'affaire dite "des Placards", éclate en octobre 1534. Des écrits violemment anticatholiques sont affichés dans les villes de France et jusque sur la porte du roi François 1er, au château d'Amboise. Un souverain pourtant relativement tolérant vis-à-vis de la Réforme, mais qui considère qu'il s'agit là d'un crime de lèse-majesté et condamnera plusieurs personnes au bûcher. L'auteur de ces placards est Antoine Marcourt, un pasteur d'origine picarde.

"Dans ce contexte de forte tension religieuse, Calvin est inquiété et forcé à l'exil. Mais avant de partir, il retourne à Noyon pour la dernière fois, à ce que l'on sache en tout cas. Il y fait savoir qu'il renonce à ses 'bénéfices', ses revenus ecclésiastiques. Le signe très probable de son engagement pour la Réforme, prônée par Martin Luther, un moine allemand, né en 1483, mort en 1546, et qui rompt radicalement avec le catholicisme et la papauté", ajoute Cécile Maillard-Pétigny.

L'exil pour fuir la répression et l'affirmation d'une personnalité

Les années qui vont suivre, de 1535 à 1540, Jean Calvin se déplace énormément. Bâle, Strasbourg, Genève... À Strasbourg, il épouse Idelette de Bure, mais elle décédera neuf années plus tard. Une mort qui affectera profondément Calvin. Tout comme le décès en bas âge de leur fils. Ce qui explique peut-être cette figure triste et sévère qu'on lui connaît sur les rares portraits réalisés de son vivant. "Car Calvin se méfie des images, des représentations. Mais il faut savoir que toute sa vie, Calvin a été la proie de graves soucis de santé. D'où cette maigreur maladive qui lui donne une image austère", nous explique Cécile Maillard-Pétigny.

"Bien sûr, il n'a pas le visage aussi avenant et souriant d'un Martin Luther, mais il a énormément d'amis. Sa correspondance, riche, en atteste. On sait aussi que c'est un travailleur acharné, très exigeant avec lui-même. Il vivait modestement et était réputé pour son humilité".

Sa vie durant, l'un des pères fondateurs du protestantisme aura la crainte d'être un objet de culte, un penchant contraire à sa foi nouvelle. "Une anecdote, et de taille, illustre cette volonté", précise la directrice du musée Calvin de Noyon : "lorsqu'il sent sa mort venir, en mai 1564, à Genève, il demande expressément qu'aucun monument ne soit élevé sur sa tombe. Si bien qu'au cimetière de Genève où il a été inhumé, on ne connaît pas l'emplacement où repose Jean Calvin".

Les années genevoises

En 1541, la petite république indépendante de Genève, en Suisse, convertie au protestantisme dans les années 1530, demande à l'auteur de l'Institution de la religion chrétienne, qu'il vient de traduire en français, de venir s'y établir. Calvin y résidera 23 années durant, jusqu'à sa mort. Plus de deux décennies marquées par une œuvre majeure que l'on peut découvrir ou redécouvrir au Musée international de la Réforme, un établissement unique au monde pour la richesse de son fonds sur l’histoire du protestantisme.

"Malgré sa modestie naturelle, Calvin est doué pour la prise de parole en public. C'est un grand prédicateur et son lieu de prêche, 'l'Auditoire', proche de la cathédrale, existe toujours à Genève", nous raconte Cécile Maillard-Pétigny.

Ces milliers de sermons ont été pris en note par ses étudiants, mais seule une partie a été conservée. Sous l'influence de Calvin, humaniste, linguiste, organisateur et prédicateur hors pair, Genève fonde l'Académie, la future université genevoise, destinée à former les élites de l'église et du gouvernement civil. "Il correspond avec l'Europe entière, œuvrant à la diffusion de la pensée réformée, aux Pays-Bas, en Écosse, en Europe centrale. Il participe ainsi du rayonnement international de Genève, devenu lieu de refuge des nouveaux convertis, persécutés dans leur pays respectif", nous explique la directrice du musée Calvin à Noyon.

Les réfugiés affluent, et entre 1545 et 1560, Genève, devenue terre d’accueil, double sa population. "Il y aura même un petit groupe de réfugiés noyonnais dont Laurent de Normandie, l'ancien maire de Noyon et ami de Calvin. Les protestants sont particulièrement harcelés en France. Et de son vivant, Calvin aura connaissance du massacre de Wassy, en Haute Marne, en 1562, qui se solde par la mort d'une cinquantaine de personnes. Dix ans avant la terrible Saint-Barthélémy". En 1564, le 27 mai, épuisé par un travail intense et soutenu, Jean Calvin s'éteint au milieu d'un cercle d'amis proches. Il a 55 ans et son nom est désormais indissociable de l'essor définitif de la ville de Genève.

L'héritage spirituel et littéraire

Homme de lettres, théologien et chef religieux, Jean Calvin est avec Martin Luther, son aîné qu'il ne rencontrera jamais, l'un des plus fervents partisans et organisateur de la Réforme protestante au XVIe siècle. Ils sont tous deux les principaux artisans de ce grand schisme au sein de la chrétienté.

Luther dénonce les abus de l’Église et notamment le commerce des "indulgences", sorte de "remises de peine", contre argent sonnant et trébuchant, pour les péchés commis par les fidèles et désireux de les racheter, au sens propre. Une pratique lucrative qui relève de l'abus pour les pères de la Réforme. "Et puis, toute sa vie, Calvin va militer en faveur d'un accès direct aux textes de l’Évangile. C'est d'ailleurs pour cela qu'il traduit ses écrits en français, une langue jugée vulgaire à l'époque. Presque une hérésie pour ce siècle", nous explique Cécile Maillard-Pétigny.

"En matière de dogme, s'il n'est pas en opposition avec Luther, il existe des divergences. Il défend l'idée d'une ruine complète de la nature morale de l'humanité. La seule façon d'accéder au salut selon lui, est de bénéficier de la grâce divine. Car nos destinées sont entièrement entre ses mains". Une vision qui laisse peu de place au libre arbitre, diront ses détracteurs. En revanche, "les calvinistes sont soucieux d’œuvrer à l'instauration d'une société plus juste là où les luthériens sont tournés vers une piété plus personnelle".

Noyon et Calvin : un patrimoine devenu précieux

"Pendant de nombreuses années, Noyon, qui ne s'est jamais convertie, se défend d'avoir vu naître entre ses murs l'artisan en France de la Réforme. Certains auteurs le qualifient même 'd'infâme rejeton noyonnais !'. La prise de conscience est tardive quant à l'importance de cette figure locale", nous raconte Cécile Maillard-Pétigny.

Mais la construction du musée qui lui est consacré, va faire rejaillir cette histoire oubliée. "Après la Grande Guerre, Noyon est détruite à 80 % par les bombardements. On décide de profiter de la grande campagne de reconstruction en cours dans la région, pour sauver ce qu'il reste de la maison de la famille Calvin, c’est-à-dire une cave voûtée et une volée de marches. Chose faite entre 1927 et 1930, sous la houlette de Charles Letrosne, qui fut aussi l'architecte du zoo de Vincennes."

Inauguré en 1930, le musée Jean Calvin est géré par la ville mais c'est la Société de l’histoire du protestantisme français, la SHPF, qui est propriétaire des murs et d'une partie des collections. Chaque année, le musée Calvin accueille des visiteurs du monde entier, 3 000 en moyenne. Des touristes venus de Corée du Sud, des Hollandais, des Américains, des Allemands ou des Anglais. "C'est toute la sphère protestante internationale qui s'arrête désormais à Noyon, sur les traces de Jean Calvin", conclut la directrice du musée, Cécile Maillard-Pétigny. Un lieu incontournable qui fait aussi partie du réseau national Maisons d’écrivains.

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