Le séjour forcé de Guillaume le Conquérant en baie de Somme avant la bataille d’Hastings pour devenir roi d'Angleterre

L'histoire du dimanche - Au début du XIe siècle, Guillaume de Normandie s'élance, lui et son armada de navires, du port de Saint-Valery-sur-Somme, pour partir à la conquête de l'Angleterre. Une incroyable épopée qui va conduire à son couronnement et faire de lui le monarque le plus puissant de l'Europe médiévale...

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Guillaume naît à Falaise, dans le Calvados, en 1027 ou 1028. À la mort de son père, parti aux Croisades, il devient duc de Normandie. Il a 8 ans. Mais le pouvoir va faire rapidement du garçonnet un dirigeant avisé, qui réussira à stabiliser et renforcer un duché longtemps soumis à une forte instabilité. En 1050, il épouse Mathilde de Flandre. Leur mariage est célébré en l'église d'Eu, en Seine-Maritime, département limitrophe de la Somme. Le couple ne se séparera jamais et Mathilde sera toujours aux côtés de son époux pour le soutenir.

Du duché de Normandie à la conquête du trône d'Angleterre

Guillaume de Normandie, grand amateur de chasse, "sort du lot", nous explique Hervé Bernard, expert en histoires locales à l'office du tourisme de la baie de Somme. "Il est grand, très grand, costaud, on ne peut pas le rater. Une force de la nature, descendant de Rollon, seigneur viking devenu jarl, c'est-à-dire comte de Normandie, en 911, par décision du roi de France, lassé des incursions et des pillages constants des hommes du Nord."

En 1066, le roi anglais, Edouard, dit le "Confesseur", meurt sans héritier. "Guillaume, apparenté au souverain défunt, devient le prétendant officiel. Et même successeur désigné, selon certains auteurs anciens. Mais Harold, le beau-frère du roi défunt, qui a pourtant prêté serment à Guillaume, s'autoproclame roi", raconte Hervé Bernard. Grosse colère du duc de Normandie face à ce déni de vassalité. Son sang viking ne fait qu'un tour. Il décide de lancer une opération militaire d'envergure pour traverser la Manche et prendre ce qu'il considère être son dû. "Et puis, à l'époque, certains aperçoivent la comète de Halley traverser le ciel. On y voit un heureux présage pour cette campagne de reconquête."

Un chantier hors normes pour construire une véritable armada

Le duc de Normandie voit grand pour s'assurer la victoire. "On installe un chantier de construction là où il y a de l'espace, dans l'estuaire de la Dives, près de Barfleur, dans le département de la Manche. En bon descendant viking, il va faire construire plusieurs centaines de drakkars ; on parle de 800 de ces embarcations, utilisées au IXe siècle par les Scandinaves pour aller sur mer et dans les estuaires, pour leurs raids, le pillage en règle des abbayes ou des villages, à l'intérieur des terres. [...] Ces bateaux fonctionnent à la voile et à la rame, nous explique Hervé Bernard. Ils sont maniables, rapides et à fond plat, ce qui leur permet de remonter un fleuve".

Tous les corps de métiers sont réquisitionnés pour construire cette flotte dont chaque embarcation peut emporter une trentaine d'hommes. Ce chantier, démarré au printemps 1066, va vite. En juillet de la même année, tout est prêt.

C'est l'heure pour le duc de Normandie de battre le rappel. Des quatre coins du royaume affluent des milliers d'hommes, 7 000 au total. Beaucoup espèrent des titres et des terres pour récompense de leur engagement... "Et puis Guillaume bénéficie d'un appui de poids : celui du pape, Alexandre II, qui a excommunié Harold et envoie l'étendard de Saint-Pierre au duc de Normandie, afin qu'il flotte au front de l'armada", précise Hervé Bernard.

Une météo défavorable et une attente prolongée dans un petit port picard

Tout est donc prêt. "Mais en cette fin juillet 1066, c'est à un véritablement été pourri que l'on a affaire." Il faut encore patienter... Cependant, les Normands ne s'affolent pas. "Ce sont des marins dans l'âme. Les grandes marées d'équinoxe approchent et ils sont très doués pour profiter des courants ascendants ou descendants qui les propulsent le long des côtes ou en pleine mer." Et là, c'est la traversée de la Manche qu'ils visent. Début septembre, une accalmie leur permet de s'élancer, enfin ! "La moitié des navires transporte les hommes d'armes, l'autre moitié, les chevaux et les vivres, mais aussi du matériel et du bois. C'est la plus grande expédition maritime en direction de l'Angleterre depuis Jules César, qui a traversé la Manche en 55 avant Jésus-Christ."

Mais au large, c'est la tempête. Les Normands sont obligés de trouver refuge à Saint-Valery-sur Somme, chez leur voisin picard. Il faut mettre les bateaux à l'abri. "Saint-Valry est alors sous la gouverne du comte Guy 1er de Ponthieu. Bien obligé de faire bon accueil à cet impressionnant déploiement de guerriers", précise Hervé Bernard.

La physionomie de cette petite bourgade est alors bien différente de celle que nous connaissons aujourd'hui. Au XIe siècle, la mer remonte jusqu'à Abbeville et Rue, qui sont à l'époque d'importants ports de commerce. Et les falaises de Saint-Valery tombent à pic dans la haute mer. "Il faut imaginer, nous dit Hervé Bernard, la noria des drakkars ornés de dragons, alignés sur une longueur d'au moins 5 km, jusqu'à la pointe du Hourdel !".

Un séjour forcé de trois semaines à Saint-Valery avant une bataille décisive

La petite ville fortifiée de Saint-Valery est alors littéralement envahie par des milliers de Normands prêts à en découdre avec les Anglais. "Elle ne connaît jusqu'à présent que l'agitation des pèlerinages qui ont lieu entre ses murs. Car l'abbaye détient les reliques du saint fondateur de la ville, saint Valéry, venu évangéliser la région au XVIe siècle, et réputées pour soigner les douleurs." Guy 1er de Ponthieu accueille comme il se doit son puissant visiteur en son château.

Avec Guillaume, ils décident de distribuer vins et liqueurs aux hommes d'armes, abrités sous des tentes, et qui ont le moral au plus bas. Car la météo est défavorable depuis plusieurs jours. "Selon la légende, nous raconte Hervé Bernard, le duc de Normandie surveillait le coq du clocher pour déterminer la direction des vents. De guerre lasse, il finit même par demander au père-abbé que soit organisée une procession religieuse dans le camp où vivent ses hommes." Ce qui fut fait, et le drakkar du duc de Normandie, "la Mora", est lui aussi dûment béni. Et ô miracle ! "Le lendemain, les vents ont changé de direction, l'armada peut enfin reprendre le large après trois semaines d'un séjour forcé dans le petit port picard."

Pour l'anecdote, le duc de Normandie offrira plus tard, des terres anglaises à l'abbaye de Saint-Valery, pour remercier les moines de cette miraculeuse intervention. Terres qu'ils revendront par la suite, juste avant que ne commence la Guerre de 100 ans, au XIVe siècle...

Adieu la baie de Somme, en route pour la conquête du trône d'Angleterre !

Nous sommes à la fin du mois de septembre 1066. Guillaume et ses hommes traversent les quelque 70 km qui les séparent des côtes anglaises, et ce, en quelques heures. "Ils débarquent sur les plages du sud de l'Angleterre, à Hastings, dans le Sussex. À sa descente, Guillaume saisit une poignée de terre et jure de se battre jusqu’à la victoire", explique Hervé Bernard.

De son côté, l'usurpateur, Harold, tout juste sorti vainqueur d'un combat contre les envahisseurs danois, au nord, et apprenant l'arrivée sur le sol anglais de son rival, revient à marche forcée vers le sud. Le 14 octobre 1066, les deux armées se font face sur le site bien nommé Battle, un lieu-dit devenu, depuis, une ville. "Les Normands ont un avantage certain. Ils sont venus avec leurs chevaux et leurs archers. Côté saxon, les 'housecarls', gardes personnels des rois vikings, sont réputés pour leur maniement de redoutables haches."

La bataille qui s'engage est féroce. Guillaume y perd deux de ses chevaux. Les Normands sont en difficulté, mais une ruse va changer la donne. "Le duc de Normandie feint la fuite, poursuivi par les hommes d'Harold ; lesquels sont attendus plus loin, et massacrés. Harold lui, est mortellement touché par une flèche qui lui transperce l’œil." Dès lors, sur la route que Guillaume emprunte pour rallier Londres, villes et seigneurs font appel à la clémence du puissant duc Normandie et lui prêtent allégeance.

De Guillaume de Normandie à Guillaume le Conquérant

Après une campagne éclair de quatre mois, Guillaume est couronné roi d'Angleterre le 25 décembre 1066 à l'abbaye de Westminster. Une couronne qu'il portera jusqu'à sa mort, 21 ans plus tard, en 1087. "Jamais il ne perdra contact avec son duché normand et toute sa vie, il accomplira maints allers retours entre le continent et son royaume." Durant cette longue période, celui que les Anglais surnomment William the Conqueror aura fort à faire pour pacifier le pays et bouter l'envahisseur danois hors de son royaume.

En terre anglaise, il fera construire de nombreux châteaux et abbayes, et notamment la Tour de Londres. Son règne marque aussi le début d'une guerre récurrente entre le trône d'Angleterre et le roi de France, inquiet de la puissance de ce monarque. Il meurt à Rouen le 9 septembre 1087 non sans avoir organisé sa succession. C'est son fils, Guillaume le Roux, qui hérite du trône d'Angleterre. Le Conquérant, lui, repose à l'abbaye aux Hommes de Caen. Il est l'aïeul de tous les monarques qui se sont succédé depuis sur le trône britannique.

Une épopée retracée par la tapisserie de Bayeux exposée depuis 1983 au musée de Bayeux. Une chronique épique, brodée sur 70 m de toile de lin, probablement commandée par le demi-frère de Guillaume, Odon. Un chef-d'œuvre mondialement connu dont la version numérique peut être explorée sur le site du musée de Bayeux.

"Du côté de Saint-Valery, la commune est jumelée depuis plus de 50 ans à Battle, près d'Hastings, dans le Sussex. Et les rencontres entre les deux communes de part et d'autre de la Manche sont régulières", conclut Hervé Bernard, notre guide valéricain.

Et chaque année, vers la fin du mois de juillet, la charmante commune balnéaire organise les fameuses Fêtes Guillaume. Un rappel folklorique et coloré d'un épisode glorieux de l'histoire locale.

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