Tournage, interview, montage : quand des collégiens réalisent un reportage télé complet diffusé sur France 3

À l'occasion de la semaine de la presse et des médias, une équipe de France 3 Picardie a proposé à une classe de 3e de concevoir un reportage du début à la fin. Une expérience surprenante tant pour les jeunes que pour les professionnels.

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Construire un reportage avec 29 élèves de 3e en seulement 7 heures… Avant même d’avoir essayé, on se rend compte que cela va être compliqué… 7 heures pour définir le sujet, réfléchir à sa construction, tourner les images et les interviews et monter le tout… C’est pourtant la proposition faite par France 3 Picardie au collège Françoise Dolto, à Lamorlaye qui souhaitait l’intervention de journalistes dans ses classes de 3e.

En cette semaine de la presse et des médias, le sujet doit être concernant… Il doit pouvoir être réalisé dans l’enceinte de l’établissement pour des raisons pratiques mais doit aussi intéresser les jeunes. Et la proposition ne se fait pas attendre. "Ils souhaitent travailler sur les inégalités hommes/femmes", m’explique par téléphone leur professeur de français, Aude Pardieu.

Le choix s’arrête sur les stéréotypes dans les métiers, sur ces discriminations qui, selon ces jeunes, sont encore bien présentes et peuvent les influencer dans leur orientation. Mais est-ce encore un sujet à l’heure où l’égalité hommes/femmes est sans cesse mise en avant et où les filières sont censées être accessibles à tous ?

Oui, sans aucun doute, répondent les jeunes. Et chacun commence à citer des exemples. Le GIGN censé être plutôt réservé aux hommes. Inversement la mode presque exclusivement féminine. "Et cela vous semble impossible de vous diriger vers une filière comme celles que vous citez ?" "Non, mais cela met une pression, cela pousse à se poser des questions", expliquent-ils.  

"Je ne pensais pas que c'était fait comme ça"

La discussion est longue pour savoir à qui il faut poser les questions. Ce sera finalement aux élèves eux-mêmes, au principal et à un conseiller d’éducation, habitué à les côtoyer et à répondre à leurs interrogations. Mais ce travail en amont est le plus compliqué pour les jeunes. "J’ai un peu moins aimé le début lorsqu’il faut tout organiser, confie Pauline. J’ai préféré les interviews et le montage".

Les interviews, c’est l’étape suivante. Direction la cour de récréation. Plusieurs jeunes volontaires prennent possession d’un banc et discutent entre eux. Mais pas évident de rester naturel devant une caméra. D’autant plus que l’on tourne un reportage, pas une séquence de film. Et il n’est pas plus facile d’interroger son camarade. "Y a-t-il plus de femmes que d’hommes dans le milieu que tu as choisi ?",  se lance une élève. L’exercice est amusant, et la caméra attire. Un attroupement se forme autour de nous.

Si les jeunes savent globalement comment se déroule un tournage, en revanche, ils sont beaucoup moins au courant de la façon dont on assemble le tout. Réécouter les interviews, choisir chaque plan et écrire le commentaire au fur et à mesure. Les jeunes ont beau eux-mêmes utiliser des logiciels de montage, ils n’imaginaient pas forcément comment se passait celui d’un reportage télévisé. "Le montage m’a surpris parce que je ne pensais pas que c’était fait comme ça", avoue Andrea qui affirme avoir appris beaucoup de choses avec ce projet.

Et même les adultes ont été surpris. "J’ai trouvé ça hyper bien car complètement réaliste et il y a des choses que nous on ignore, explique la documentaliste Samuelle Couque. Ce que j’ai aimé, c’est qu’ils étaient acteurs d’un bout à l’autre même jusqu’au commentaire. Ils ont participé à chaque moment clé du tournage."

La voix d'une élève enregistrée

Pour la voix, il a fallu départager les élèves volontaires par un tirage au sort et c’est Ambre qui a finalement pu enregistrer le commentaire. Pas de cabine insonorisée. Les jeunes doivent faire le silence et Ambre oublier le son du reportage, perturbant quand on s’enregistre pour la première fois. Au final, le reportage est terminé avec quelques minutes de retard. Il sera diffusé, un soulagement pour les jeunes et les enseignants qui vont pouvoir désormais tirer les enseignements de cette expérience inédite.

"J’ai été surprise car il n’y a pas beaucoup de temps pour réaliser un reportage, retient Pauline. Et j’ai bien retenu les différentes étapes pour le réaliser". L’expérience s’est aussi avérée enrichissante pour l’équipe de France 3 Picardie. "Transmettre ce qu’on fait c’est important, notamment auprès des jeunes, parce que la plupart du temps, ils regardent la télé sans savoir comment c’est fabriqué et monter un reportage avec eux, ça permet qu’ils soient plus conscients des enjeux, moins passifs devant ce qu’ils regardent, surtout aujourd’hui avec la multiplicité des chaînes", raconte Mathieu Krim, monteur.

"Il faudrait plus parler de ce qui nous touche personnellement"

Notre venue dans ce collège a aussi permis d’échanger avec d’autres élèves autour de la relation qu’ils entretiennent avec l’information, des sujets dont ils aimeraient entendre plus souvent parler. Presque tous nous ont expliqué s’informer essentiellement sur les réseaux sociaux. "C’est important de s’informer parce qu’il faut savoir dans quel monde on évolue et on vit. Je pense que si on reste seulement dans sa bulle, on n’avancera pas personnellement", estime Antoine. Comme lui, la plupart affirment qu’il est pour eux essentiel de suivre l'actualité mais estiment malgré tout que les médias ne parlent pas de sujets qui les intéressent.

"Je les regarde parce que c’est nécessaire, explique Clément. En ce moment, je trouve qu’on parle plutôt des élections ce qui est assez compréhensible puisque ça approche, on parle de la guerre en Ukraine, de la Covid..." Mais ce ne sont pas les sujets qui intéressent le plus le jeune homme.

"Peut-être qu’il faut essayer de faire des réunions comme vous faites ou des interviews pour montrer le métier et plus s’intéresser à ce qui nous intéresse", propose Maëlys.

Alors quels sujets évoquer pour que ces jeunes se sentent concernés ? "Il faudrait plus que les médias parlent de ce que nous on suit, de ce qui nous touche personnellement. Le droit de vote, on a 15 ans, ce n’est pas ce qui nous préoccupe le plus. On nous demande beaucoup sur notre orientation, ce serait bien qu’on nous montre certains métiers, des parcours professionnels, des choses dont on pourrait avoir besoin plus tard comme des conseils pour le permis ou pour passer des entretiens". De quoi donner des pistes pour de futures collaborations ou des reportages à venir…

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