Comment un gynécologue accusé d'agressions sexuelles et de viols continue d'exercer en tant qu'endocrinologue à Arras

Dans un article publié par le JDD ce 15 février, deux soeurs témoignent contre leur ancien gynécologue, Bernard Henric. Malgré leurs dépôts de plainte en 2014, le médecin continue d'exercer à Arras. L'avocat des plaignantes compte déposer deux demandes d'audition pour faire avancer l'affaire. 

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Dans un article publié par le JDD ce samedi 15 février, deux soeurs témoignent contre leur ancien gynécologue. Elles l'accusent de les avoir agressées sexuellement. Mais depuis le dépôt de leur plainte en 2014, l'information judiciaire traîne. Si le médecin a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, il continue d'exercer en tant qu'endocrinologue dans le même cabinet à Arras (Pas-de-Calais). Pourtant, l'instruction a retenu 62 victimes potentielles. 
 

Quels faits lui sont reprochés ? 


Le 4 novembre 2015, Bernard Henric est mis en examen pour "viols par personne abusant de l'autorité conférée par ses fonctions" et "agressions sexuelles". Le parquet d'Arras fait mention d' "actes anormalement longs sur des zones érogènes, parfois pendant 45 minutes." En tout, "l'instruction a retenu 62 victimes potentielles", selon le JDD. 

Parmi les potentielles victimes, deux soeurs ont accepté de témoigner : Angélique et A., âgées respectivement de 38 ans et de 33 ans. Angélique porte plainte quatre jours après son rendez-vous de rééducation du périnée post-accouchement en novembre 2014. Pendant cette heure, [une durée anormalement longue selon deux expertises médicales ajoutées au dossier, ndlr], elle dit être positionnée de manière à ne pas pouvoir constater les actes réalisés par son practicien.

Elle explique qu'elle sentait le souffle du médecin près de son vagin puis de sa langue. "Dans ma tête, je me dis : si ça recommence, je réagis". Mais le médecin aurait continué pendant qu'Angélique n'arrivait pas à réagir : "Je n'avais même pas la force de parler, mes jambes étaient molles", rapporte-t-elle au JDD. "Le pire, c'est qu'après ça, je lui ai fait un chèque et que je lui ai serré la main.

Bernard Henric était son médecin depuis neuf ans. Il lui avait diagnostiqué son endométriose. "'J'avais une confiance aveugle en lui. Je lui dois mes deux enfants." Poussée par ses collègues, elle décide de porter plainte. 
 
Pour A., le déclic intervient lorsqu'elle consulte un autre gynécologue. "Il m'a dit que mon utérus était un peu sur le côté. J'ai répondu : "Vous pouvez me le remettre ?" Il m'a regardé très gêné : "Qui est votre gynéco ?". Au moment où elle prononce le nom de Bernard Henric, elle est frappé par la vision de son gynécologue qui baisse les yeux. 

Depuis cet événément, Angélique dit ne plus pouvoir retourner à Arras et a dû quitter son travail : "Si j'y vais [à Arras, ndlr], je tremble, je ne sens plus mes jambes, j'ai l'impression que tout le monde sait, que ça se voit." Autre conséquence, elle n'arrive plus à consulter un gynécologue et ne soigne donc plus son endométriose, ce qui l'a conduite à faire une septicémie. Pour la soigner, les médecins ont dû lui retirer la totalité de son appareil génital. 
 

Pourquoi l'information judiciaire est-elle aussi longue ? 


Les témoignages des deux soeurs ne sont pas les premières alertes. En 2009, une femme avait déjà porté plainte avant de se rétracter après une confrontation avec le médecin. En 2014, l'obstétricien de l'hôpital d'Arras avertit dans un courrier Marc Biencourt, l'ancien président du Conseil de l'Ordre des médecins du Pas-de-Calais. Cinq patientes s'étaient confiées à lui, décrivant "des attouchements prolongés à connotation sexuelle." Face à ces accusations répétées, comment expliquer que l'affaire judiciaire concernant Bernard Henric n'avance pas plus ? 

Du côté de l'Ordre des médecins, Marc Biencourt, le destinataire de la lettre dit ne pas se souvenir de l'avoir reçue, d'autant qu'il n'était plus président en 2014. L'actuelle présidente a elle refusé de répondre au JDD. Jean-Marc Mourgues, vice-président actuel de l'Ordre des médecins de France assure, lui, qu'aucune information de ce type n'a été remontée par le Conseil du Pas-de-Calais depuis les cinq dernières années. Au niveau national, l'Ordre a décidé de mener une enquête interne. 

Au niveau judiciaire, à la suite du dépôt de plainte d'Angélique, un questionnaire est envoyé à la patientièle du gynécologue, soit à 2 200 femmes. Des retours font état des interrogations de certaines femmes concernant la durée prolongée des consultations. D'autres témoignent d'avoir eu un orgasme durant l'oscultation médicale. 

Mais pour l'avocat de Bernard Henric, Franck Berton, ce questionnaire n'est pas valable. Il dénonce "un procédé biaisé qui instille des doutes sur les pratiques du médecin". Depuis "une bataille d'expertises et de contre-expertises se joue", confie une source proche du dossier.

Depuis 2015, "mes clientes attendent d'être entendues par la justice. Nous savons que ce dossier est complexe au vu du nombre de plaignantes, que les juges d'instruction sont débordés car ils n'ont pas suffisamment de moyens mais, dans des dossiers aussi douloureux, cinq ans d'attente, c'est trop long. Angélique a le sentiment de ne pas être prise au sérieux", déplore Me Bussy. 
 

Depuis 2015, il ne peut plus exercer comme gynécologue


En novembre 2015, soit quasiment un an après la plainte d'Angélique, Bernard Henric est mis en examen pour "viols par personne abusant de l'autorité conférée par ses fonctions" et "agressions sexuelles". Il est placé sous contrôle judiciaire et a interdiction d'exercer en tant que gynécologue. Lui nie en bloc. Il estime que ses patientes ont mal interprété ses gestes qu'il assure être "scientifiques". Il continue d'ailleurs d'exercer en tant qu'endocrinologue dans le même cabinet à Arras. 

Sur Doctolib, le site de prise de rendez-vous en ligne, il est toujours décrit comme "gynécologue médical et obstétrique".

Depuis sa mise en examen, trois juges d'instruction se sont succédé au parquet de Béthune, faisant ralentir l'enquête. La priorité est alors donnée aux affaires concernant des personnes placées en détention provisoire. Le temps passant, de fin 2018 à décembre 2019 - et la dernière expertise gynécologique qui évoque "des pratiques à connotation sexuelle" - aucun acte d'enquête n'a été réalisé. 

L'avocat des deux plaignantes, Loïc Bussy, espère donc relancer l'enquête et a fait une "demande d'audition" au juge d'instruction ce mardi 18 février. 



 
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