Des moquettes au ciel de toit, en passant par les sièges, le métier de sellier-garnisseur pour l'automobile, demande de la patience, de la précision mais aussi un savoir-faire artistique. La sellerie automobile est une tradition française. Un métier en voie de disparition, mais un jeune sellier de la région a décidé de perpétuer la tradition.
En entrant dans l'atelier du "chas noir", installé au fond d'une cour, au cœur du village de Laventie, on a l'impression de faire un bond dans le temps. Entre une vieille 4L qui attend sa restauration, un side-car des années 30 qui lui n'attend que ses passagers et la MG B qui elle, rêve de reprendre la route. Ici tout est fait pour vous donner l'envie de retourner dans le passé de nos belles anciennes.
Le maître des lieux, c'est Nicolas, lunettes larges sur le nez, regard affûté, ciseaux à la main, il coupe une peau de cuir pour l'intérieur d'une vieille Porsche 911 des années 80 et ce n'est pas le moment de trembler. Le geste doit être précis, à 450 euros la peau, il en faudra au moins 3, plus 6 m2 de moquette pour cette voiture mythique que son client lui a confiée. Alors, pas question de se louper, il reste concentré.
Sur l'établi, Nicolas dispose ses peaux de cuir et y vérifie chaque centimètre carré à la recherche du moindre défaut. Il nous explique pourquoi il faut bien choisir la peau à travailler.
"Une peau, représente 4,5 m2 environ et comme c'est une peau animale, il y a parfois des cicatrices, des brûlures, il faut donc faire très attention à bien choisir les morceaux à travailler pour obtenir une sellerie parfaite. Contrairement au Simili Cuir, dans une peau animale, il y a parfois de la perte.", ajoute Nicolas Cliquennois.
Mais avant, il faut démonter tous les sièges du véhicule en évitant de toucher la carrosserie en les sortant, les déhousser sans les abîmer car les anciennes peaux serviront de gabarit aux nouvelles. Idem pour les moquettes, c'est un long chantier qui attend notre sellier.
Un ouvrage fastidieux, car refaire l'intérieur complet d'une voiture peut prendre 70 heures de travail et c'est encore plus long sur les voitures d'avant-guerre, de construction plus artisanale. Les techniques de restauration sont plus complexes et il faut absolument éviter la casse lors du démontage.
" Quand on refait l'intérieur d'une voiture ancienne, il faut faire attention à ne pas casser les pièces en plastique ou en bois, qui parfois sont introuvables et donc très chères et certains collectionneurs en profitent aussi pour remplacer des pièces usées lors de la restauration, je préfère les prévenir avant.", termine Nicolas.
Pour une restauration intérieure d'un véhicule de prestige comme cette Posrche 911, comptez entre 7 000 et 8 000 euros tout en sachant que la voiture prendra encore plus de valeur au fil des années. Nicolas restaure aussi les sièges de motos, de bateaux, de camions, de camping-cars et plus rarement de l'ameublement.
Nicolas ajoute que le cuir est cher mais que certains tissus peuvent l'être tout aussi, surtout si l'on veut retrouver l'aspect d'origine du véhicule et si vous avez une auto à petit budget, comme une 4 chevaux ou une 4 L, il faut bien réfléchir avant de vous lancer dans une restauration intérieure, à moins de vouloir dépenser sans compter ou être vraiment amoureux de votre belle ancienne.
La passion dans la peau
Peu après avoir obtenu son permis de conduire, Nicolas achète sa première voiture, une Mini Austin et c'est la révélation. Il découvre la passion de restaurer des vieilles autos, il nous raconte son aventure.
"Au fil de mes restaurations de véhicules, je me suis pris de passion pour les intérieurs et de plus, il y avait peu de monde sur ce créneau, c'est alors qu'à 22 ans, j'ai décidé de faire une formation de sellier durant 9 mois, dans un centre d'apprentissage à Decazeville dans l'Aveyron.", ajoute le Sellier de Laventie.
Durant sa formation, Nicolas apprendra toutes les techniques du travail du cuir et de la couture avant de rejoindre une entreprise pour continuer à enrichir son savoir. Mais depuis 4 ans, il s'est installé à son compte et depuis, sa notoriété ne cesse de grandir. Alors quand on lui dit que d'ordinaire la couture est un métier surtout exercé par les femmes, il botte en touche et nous explique que dans le monde de la sellerie automobile, ce sont surtout des hommes qui se cachent derrière les machines à coudre mais pour lui ce n'est pas la couture qui est la plus compliquée dans la sellerie automobile.
" Ce qui est important dans la restauration de sièges de voitures, c'est surtout de s'imaginer la pièce en 3 dimensions et j'ai pu constater durant ma formation que beaucoup de personnes avaient du mal à l'intégrer. De ce côté-là, je n'ai pas de problème, c'est même un de mes atouts."
Nicolas Cliquennois, Sellier et Garnisseur à Laventie
La satisfaction du travail bien fait
Pour Nicolas, le client doit repartir avec un intérieur bien fini et de qualité, c'est sa carte de visite.
Il y a de moins en moins de selliers et les plus anciens ferment sans même passer la main, c'est un métier exigeant qui requiert du sérieux et de la confiance. Confier un véhicule ancien pour une restauration, c'est parfois compliqué, il y a un attachement, des souvenirs, c'est souvent très sentimental. Il faut donc trouver le restaurateur qui lui-même se passionne pour les belles anciennes.
Nicolas, le sellier de Laventie, avoue modestement que parfois quand certains de ses clients viennent récupérer leur voiture restaurée, ils aiment toucher, presque caresser le cuir ou le tissus fraîchement posé, une renaissance pour eux et souvent les visages s'illuminent.
Il y a parfois des clients qui expriment leur satisfaction avec un large sourire et d'autres qui sont plus dans la retenue mais je sens bien qu'ils sont heureux de retrouver leur voiture plus belle qu'avant. Pour moi, c'est une récompense et ça me motive encore plus, à me dépasser et à aller plus loin.
Nicolas Cliquennois, sellier et garnisseur
Aller encore plus loin
Nicolas ne veut pas s'arrêter là, curieux, il veut continuer à enrichir son savoir dans le milieu de la restauration automobile.
"J'ai envie d'aller plus loin, essayer le travail la tôlerie, façonner des pièces mais aussi pouvoir fabriquer des structures de sièges et continuer à restaurer des véhicules comme ma Chenard & Walcker Y10 de 1932, j'ai mis 5 ans pour la refaire entièrement. Après avoir eu une mini, une estafette, une MG B et quelques motos, je m'intéresse aux véhicules d'avant-guerre, c'est vraiment l'origine de la voiture et les premières créations qui me passionnent aujourd’hui.", ajoute Nicolas Cliquennois.
Et pour ajouter à sa passion des belles anciennes, Nicolas se mariera en costume années 30 dans sa Chenard & Walcker, en août prochain.