Après la saisie record de bateaux et autres gilets de sauvetage appartenant à un vaste réseau de passeurs dans un entrepôt de la métropole lilloise, six personnes étaient jugées en comparution immédiate au tribunal de Boulogne-sur-Mer ce vendredi. L'audience a été renvoyée au 14 novembre. En un été à peine, cette filière irako-kurde de passeurs aurait permis à 2 400 migrants de traverser la Manche.
Il s’agit de la plus grosse saisie de matériel nautique jamais réalisée en France. Celle-ci a eu lieu dans un entrepôt situé au nord de Lille, lundi 19 septembre, après plus de 8 mois d’investigations qui auront mené les enquêteurs en Belgique, mais aussi aux Pays-Bas et en Allemagne.
Ont été saisis 13 bateaux pouvant transporter 50 migrants chacun, 14 moteurs de bateaux, 700 gilets de sauvetage, une centaine de gonfleurs et 700 litres de carburant. Selon l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre (OCRIEST) qui a mené l’enquête, l’entrepôt s’assimilait à une "vraie usine à fourniture de matériels nautiques".
L’enquête a été déclenchée après un contrôle effectué en janvier à la frontière entre l’Allemagne et les Pays-Bas. De jeunes français ont été contrôlés alors qu’ils transportaient des small boats, utilisés par les migrants pour traverser la Manche.
Six personnes jugées en comparution immédiate
Six personnes ont été interpellées et sont jugées en comparution immédiate devant le tribunal de Boulogne-sur-Mer ce vendredi 23 septembre dans l'après-midi : trois hommes irako-kurdes ainsi qu’un homme et deux femmes de nationalité française. Guirec Le Bras, procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, a précisé à nos confrères de l’Agence France Presse qu’ils sont jugés pour "aide aux étrangers en situation irrégulière en bande organisée". La peine encourue est de 10 ans de prison.
L'audience a été renvoyée à une date ultérieure à la demande des avocats des mis en cause, actuellement incarcérés dans plusieurs prisons de la région comme Lille-Sequedin ou Longuenesse. "Il y a bien plus de six personnes mises en causes dans l’affaire, précise l’un des avocats que nous avons pu joindre. Les personnes qui vont comparaître sont de petites mains d'un plus large réseau de passeurs de migrants".
Traversée de 2 600 migrants durant l'été
Maitre Emmanuelle Osmont est l’avocate de deux prévenus : un homme d’une trentaine d’années et une femme un peu plus jeune, tous deux de nationalité française. L’homme a "déjà travaillé pour ce réseau-là, a été rémunéré pour ça. Il reconnait", explique l’avocate. Quant à la jeune femme, elle a été "exploitée sexuellement par l’organisateur du réseau qui la prostituait". Très fragile psychologiquement, elle aurait participé "de loin" au réseau, via "des actes isolés".
Car les têtes du réseau n’ont pas été appréhendées. Pour se rendre compte de l’ampleur de la filière, il suffit de regarder les chiffres révélés par les enquêteurs de l’OCRIEST : depuis l’été, ces passeurs auraient réalisé 80 traversées dont 50 réussies. Ils empochaient "80 000 euros par traversée", ajoutent-ils. Selon nos informations, 2 600 migrants auraient ainsi rejoint les côtes anglaises par le biais de ce réseau de passeurs en un été à peine. Les bénéfices s’élèveraient à plusieurs millions d’euros.
Le démantèlement de cette filière intervient alors que de nouvelles tentatives de traversée ont été stoppées dans la nuit du jeudi 22 au vendredi 23 septembre par la police : une quarantaine d'exilés à Ambleteuse, 70 à Marck, 25 à Wimereux et 28 au Touquet.
Par ailleurs, plus de 30 000 migrants ont atteint les côtes anglaises après avoir traversé la Manche depuis le 1er janvier, soit plus que sur l'ensemble de l'année 2021.